«Pivot
du système de santé» - «Spécialité à part entière» - «L’un
des plus beaux métiers au monde»
Les
attributs sonnent bien, mais le constat est clair : la médecine
générale se meurt.
Fin
de vie programmée ? Euthanasie actée ? Ou véritable
impuissance des autorités s’empêtrant dans des soins palliatifs à
doses micro-homéopathiques ?
Un
système de santé moderne, fiable, cohérent, centré sur l’intérêt
du patient et de la population avant celui des industriels du
médicament et de la consommation médicale à tout-va ne peut se
passer des services et compétences des médecins généralistes.
Les
médecins généralistes eux-mêmes sont-ils conscients que leur
indéniable spécificité, leur principal savoir-faire réside pour
une large part dans leur savoir-ne pas faire ? N’est-ce pas là
le principal enjeu des décennies à venir ? Être le principal
acteur en poste dans la vigie de la tour de contrôle, le bon
aiguilleur qui lancera investigations et thérapies adéquates au bon
moment tout en limitant celles qui ne le sont pas. Que doit-on
entendre derrière l’expression «pivot du système de
santé» ? Le généraliste est peut-être un pivot, mais
doit surtout être une porte d’entrée et/ou sortie du système. Un
filtre.
Il
faut sauver le soldat médecine générale !
Il
ne s’agit pas là d’un cri visant égoïstement à défendre les
intérêts ou quelques «privilèges» d’une profession. Divers
syndicats le font déjà plus ou moins adroitement avec les résultats
que l’on connaît et que chacun peut interpréter comme il
l’entend.
Incitations,
coercition, désertification, groupes de réflexion, revalorisation,
pseudo-négociations, augmentation de la consultation, formation,
pseudo-conseillers experts auto-proclamés. Au ministère de la
santé, les ministres de droite comme de gauche se suivent, et se
ressemblent… Quoi de plus normal ? Peut-on demander à une
personnalité politique de faire autre chose que de la politique ?
Dernier
exemple en date : le Tiers-Payant Généralisé.
Le
23 septembre 2013 du côté du ministère de la santé est dévoilée
la stratégie nationale de santé. A la page 18, au chapitre 2.1.2, consultable ici, on peut lire ceci à propos du
tiers-payant :
«La
possibilité ouverte aux médecins généralistes et spécialistes
d’accorder une dispense d’avance de frais (tiers-payant) à leurs
patients sera généralisée.»
Automne
2014, lors de la présentation du projet de loi santé, la
«possibilité d’accorder le tiers-payant» devient le
«tiers-payant obligatoire». Les mots «possible» et «obligatoire»
semblent être synonymes dans la tête ministérielle.
Résultat :
la profession se crispe.
Plusieurs
thèmes de la loi semblent semer le mécontentement. Mais c’est
essentiellement autour du Tiers-Payant Obligatoire que la colère se
cristallise et que les
rangs se forment. Les syndicats préparent le combat. On craint
l’étatisation de la médecine libérale. C’est pourtant bien
plus sa privatisation dissimulée qui est à redouter. Le mouvement
se durcit. Certains propos s’enveniment pour voler dix étages en
dessous du ras des pâquerettes.
Quelques
médecins et futurs médecins sous couvert de la tradition de
l’esprit carabin se vautrent dans l’abject pour le plus grand
bonheur des média qui s’emparent goulûment de l’affaire en
l’amplifiant. Mais surtout pour le plus grand bonheur d’une
ministre droite dans ses bottes qui reçoit là comme tombée du ciel
cette fresque de salle de garde dont elle peut puiser une formidable
opportunité de faire diversion pour éventuellement se faufiler
tête haute dans une issue de secours inespérée. Pourtant ne nous y
trompons pas. En même temps qu’est annoncée la reprise en mains
du dossier par l’Élysée, on apprend la formation de groupes de
travail pour faire évoluer le texte de loi. La ministre
reconnaîtrait-elle avoir mis la charrue avant les bœufs ?
Quelle crédibilité lui accorder désormais ? Ce qui est
certain, c’est que beaucoup de ministres ont vallsé
pour moins que ça.
Pendant
ce temps-là, la médecine générale continue de rouler sur la pente
d’une mort prochaine et certaine.
Quel
gâchis et quelle effroyable perte de temps !
Le
temps ? N’est-il pas venu le temps pour soignants et patients
qui ne se reconnaissent pas dans ce microcosme politico-syndical
ayant pour le moment prouvé toute son inefficacité, de dépasser
ces gesticulations stériles pour exprimer leurs souhaits et solutions
afin de sauver la médecine générale ? Le temps de cette
fameuse démocratie participative ?
Souvent,
pour faire avancer les choses, deux ou trois grandes mesures claires,
correctement discutées et préparées, facilement et rapidement
applicables sont suffisantes et nécessaires.
Exemple
médical : une personne en arrêt cardio-respiratoire nécessite
qu’une autre personne pas forcément urgentiste, pas forcément
médecin, pas forcément soignant, alerte les secours et débute les
gestes de réanimation : masser et ventiler. Point barre.
L’alerte
sur l’état critique du soldat médecine générale est donnée
mais les gestes de secours ne suivent pas. Le temps est peut-être
venu pour le couple patients-soignants, citoyens-professionnels de
s’exprimer et proposer les gestes indispensables à leurs yeux
pour faire repartir le soldat mourant. Éviter le déplaquage des
plus ou moins anciens, faire revenir ceux déjà passés à l'acte,
attirer les plus jeunes. De ce cahier de doléances pour sauver la
médecine générale pourraient être dégagées deux ou trois
grandes mesures venues du bas peuple. Car voyez-vous ces gens-là,
les gens d'en bas, professionnels de terrain et simples citoyens, pas
forcément syndiqués, par forcément politisés, rarement
médiatisés, ces gens-là ne sont pas pour autant résignés. Ces
gens-là en auraient sûrement des choses sensées à dire. La balle
serait alors envoyée là-haut dans le camp des puissants. A eux
ensuite de s’en saisir.
Ce
blog n’a pas la prétention encore moins l’audience suffisante
pour être le réceptacle des doléances de tous ceux qui
souhaiteraient s’exprimer sur le sujet. Mais si certains se
reconnaissent dans cette démarche dénuée de tout intérêt
personnel, si l’initiative les séduit, qu’ils veulent faire
suivre et faire mûrir l’idée, qu’ils ne s’en privent pas.
Quant
à ceux qui n’y voient qu’utopie, niaiseries, futilités ou
inutilité. C’est tout à fait plus qu’entendable. Continuez de
vous battre contre
tout ce que vous voulez, ne vous rassemblez surtout pas pour.
En revanche préservez un peu vos forces et idées pour écrire
quelques mots non pas sur le cahier de doléances de la médecine
générale, mais sur son cahier de condoléances…
Cher Sylvain
RépondreSupprimerBeau billet, bien écrit.
Cependant je crains que l'on ne sois plus au stade de demander à être entendu .
Nous ne sommes plus au stade non plus où on peut faire quelque chose sans tout changer .
Je ne sais plus dans quel commentaires sur un billet du Docteurdu16, CMT parlait de la recherche par les patients de la pilule miracle ( à moins que cela soit ailleurs) .
Car oui, il faut prescrire et ton papier excellent sur le non prescription ou la dé-prescription montre à quel point cette attitude n'est partagé que par un petit nombre que cela soit de médecins mais aussi de patients.
Petit exemple récent : http://www.aflar.org/nouvelles-et-actualite/article/desaccord-et-deception-de-l-aflar
Ce sont bien des patients qui râlent car on dérembourse des traitements qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité au delà de l'effet placébo.
Autre exemple : http://jeanyvesnau.com/2015/01/26/praxada-boehringer-ingelheim-voit-rouge-et-menace-la-commission-de-transparence/
Les laboratoires fabricants un médicament certes efficace mais pas plus qu'un ancien 4 à 10 fois moins cher râlent pour préserver leurs bénéfices au détriment de la collectivité et sont soutenus en cela par de très nombreux cardiologues prescrivant largue à main nue ces médicaments car nouveaux et souvent en dehors de leurs indications qui vient justement d'être rappelé par l' HAS .
Oui, je ne vois qu'utopie dans ton message .
Doit-on continuer à se battre quand la majorité ne te soutient pas et ne souhaite pas le changement, quoi que tu en penses ?
Doit-on continuer à faire entendre sa voix ou doit-on comme certain le préconise "cultiver son jardin" ?
Je crois pour ma part que la deuxième solution est la meilleure.
Bien amicalement
Bonjour Sylvain. Vous dites: -Peut on faire autre chose que de la politique quand on est un politique. Certes. Mais qu'est donc la politique ou "le" politique sinon prévoir, se projeter, imaginer le devenir d'un pays et de ses habitants et faire tendre les énergies vers cet objectif. Or plus que de regarder vers l'avant, nos hommes politiques (qui n'en font pas au sens noble du terme) marchent la tête tournée vers l'arrière et sont dans ce que j'appelle une posture mémorielle de comme c'était bien avant et que surtout rien ne doit changer. Incapables de faire des constats et de se saisir de leurs conclusions pour rebondir et redémarrer. L'étatisation tant détestée signifie réellement la privatisation...mais c'est tellement contradictoire qu'on peine à le conscientiser. Il s'agit d'une crise de CONFIANCE qui perdure. Tout comme vous je ressens un tournant pour la médecine générale et pour la médecine au sens plus large qui questionne le monde riche, pas uniquement la France, mais la France plus fortement que d'autres pays. S'arracher à l'idée du progrès en marche des trente glorieuses...s'arracher à la fascination des machines...s'arracher à l'illusion d'une vie éternelle...La crise de la "démocratie" se trouve dans le fait qu'hors des urnes il n'y a aucune concertation, aucune transparence sauf dans les mots. Ah!!! Tous ces grands mots. Beaucoup trop de mots pour emballer une réalité et ces mots peinent à faire encore illusion. Nous sommes nombreux à être désenchantés, vraiment et c'est si bon de cultiver son jardin, comme je vous comprends.
RépondreSupprimerSalut.
RépondreSupprimerLe problème vient de ce que tout le monde est contre et que personne ne propose.
Nous avons eu l'exemple de l'hôpital où ce qui existait avant n'était pas satisfaisant mais, l'inertie des médecins aidant (je ne parle pas de leur capacité insondable à râler mais de leur incapacité profonde à proposer), un système a été mis en place qui est pire que celui qui existait auparavant.
Et tout le monde continue de râler.
J'avais proposé la sécession, je crains que cela ne soit la seule mesure à prendre.
Bien à toi.
@Cossino : Très sincèrement, je pense que tu as raison. J'avais écrit un post intitulé "Juste après le ramassage des patates", je crois qu'il est presque temps pour moi de retourner dans les champs ;-) Mais avant cela, un dernier soubresaut ne mange pas de pain.
RépondreSupprimer@M.Bronner : Vous concluez comme Cossino. Avant cela, vos mots sont d'une justesse absolue. Oui je parlais de la politique actuelle et de ces derniers temps, avec un tout petit "p" qui mène à de plus en plus de désenchantement avec des conséquences que je pense très sombres...
@Docdu16 : J'ai très égoïstement (ou peut-être par faiblesse) opté pour la désertion en m'éloignant de la médecine générale "traditionnelle", c'est-à-dire en cabinet, je n'ai donc aucune leçon à donner. Mais la voie de la sécession que tu proposes et peut-être en effet LA mesure à prendre.
Pour résumer, le jardinage semble être plus simple que la sécession et mène 2 voix contre une ;-)
@docteurdu16
RépondreSupprimerJe ne suis pas d'accord .
Il y a eu des propositions de faites .
Même des médecins blogueurs ont été reçu par la ministre de la santé pour faire entendre ces propositions.
Quand est-il ressorti ?
RIEN
Il y a des propositions mais elles ne sont jamais reprises ni mises en œuvre.
D’où la grogne actuelle et notre sentiment de mort de la médecine générale
Je crois aussi que des propositions sont faites. Mais elles sont faites à des personnes qui ne désirent pas les entendre. La concertation n'existe pas tout comme dans d' autres domaines. Idem dans l'éducation nationale, des réformes qui se disent fruit de la concertation et qui ne le sont pas. Il y a d'abord une sorte de collusion avec les "oligarques" du métier, les beaux prête-noms et cela donne l'illusion d'être une concertation. De même que fabriquer des recos et formulaires idiots comme ceux de l'Inpes entre autres mouillent des médecins de tous les bords qui y ont juste contribué sans pour autant voire et maîtriser l'entièreté du papier, trop sensibles à la flatterie ou à la vanité d'être convié en tant qu'"élite" du métier. Franchement, pourquoi appeler une institution "haute autorité"? C'est juste un symptôme de notre façon de raisonner.
RépondreSupprimerLa réalité (du moins c'est ma perception) est que ce contexte de crise et de dette pourrait être une chance pour les patients, l'occasion de tout remettre à plat pour aller vers un meilleur soin et non pas un max de soin.
@ m bronner
RépondreSupprimerVous avez raison : pourquoi appeler cette autorité ( HAS) "haute". Je n'avais jamais réfléchi sur cette dénomination . C'est en effet très symptomatique de la "position d'autorité" qui fixe les règles à suivre et qui se veut opposable. C'est d'autant plus symptomatique que certaines de ces règles à suivre ont été annulées en conseil d'état puis modifiées pour tenir compte des liens d'intérêt qui avaient biaisés les recommandations.