jeudi 8 décembre 2016

LES BRUTES À BARBE ?



J’ai lu ce fameux livre.

Un essai qui a levé beaucoup d’encre médicale contre lui. Essai transformé ?

Bien que quelques scintillements d’éclairs persistent, j’ai préféré attendre la fin des grondements du tonnerre autour de ces pages pour les lire.

Un certain nombre de médecins semble avoir été blessé par le titre assumé de l’écrivain Martin Winckler : Les brutes en blanc et par la question de son bandeau qui claque comme un uppercut : Pourquoi y-a-t-il tant de médecins maltraitants ?

Finalement, j’ai choisi de ne pas ouvrir le livre de l’auteur Martin Winckler. Mais j’ai ouvert celui de mon confrère généraliste, le Docteur Marc Zaffran. Cela me semblait simplifier la tâche, mettre de côté Dr Jekyll et Mr Hyde pour mieux me concentrer sur l’ouvrage d’un généraliste lu par un généraliste. Généraliste, généraliser, généralister, généralités ? En fait la chose ne me fut pas aisée car l’écrivain hante forcément les lignes ce qui brouille l’esprit.


Le titre ?

Rien de très surprenant si l’on a lu le trépied wincklerien : La maladie de Sachs, Les trois médecins, et Le Chœur des femmes, qui sous forme fictive dénonçait déjà la brutalité du métier, des études médicales, du milieu médical et tendait vers LE soignant idéal, ce professionnel inatteignable.

Rien de très surprenant non plus pour les visiteurs du site internet de l’auteur [ou du (d)au(c)teur ?] sur lequel était publiée il y a quelques années une série de portraits de médecins maltraitants, méprisants, phobiques et même terroristes !

Il a fallu ainsi se concentrer pour aborder cet ouvrage dont le titre a été interprété comme le diagnostic d’un trouble, d’un syndrome que le docteur Zaffran allait j’imagine nous décrire, nous en détailler les signes, les éventuelles étiologies (causes) et pourquoi pas le traitement.

À l’annonce d’un diagnostic, à la description d’un trouble, plusieurs réactions peuvent schématiquement être observées :

-le déni, cela ne me concerne pas, circulez, il n’y a rien à voir !

-l’affolement général, sidérant, je suis atteint, je suis foutu !

-le questionnement, je ne pense pas être atteint, mais quand même, il y a deux ou trois signes qui m’inquiètent, peut-être bien que oui mais non, et merde, je crois qu’en fait si.

Vous savez ça fait ça quand on commence à aborder la pathologie durant les études de médecine, ce que j’ai nommé un jour le stade pré-pubère du futur médecin. C’est aussi ce qu’on peut ressentir quand on s’informe sur une maladie en parcourant le net ou certains magazines jusqu’à aboutir parfois à la réaction précédente : l’affolement général.

J’ai été un peu dans ce troisième cas de figure lorsque le diagnostic du Dr Zaffran est tombé dans certaines unes de journaux : « Je ne pense pas être une brute, mais quand même, deux ou trois signes m’inquiètent, peut-être bien que oui mais non, et merde, je crois qu’en fait si. En puisant dans ce que j’ai caché sous le tapis dans un coin de mon cerveau, il m’est probablement arrivé d’être une putain de sale brute, mais chut… secret médical ! » Secret médical ou omerta ?


Le contenu ?

Marc Zaffran décrit cette blanche brutalité, un trouble qui contamine essentiellement le futur médecin durant ses études en milieu hospitalier, un peu comme un virus en latence, sournois. Comme souvent en médecine, les causes sont multifactorielles. Les causes environnementales favorisantes y prennent une large part : le contexte socio-familial, le système de formation, l’environnement institutionnel.

Ce trouble affecte donc le médecin très tôt dans son cursus, s’installe progressivement, durablement, les signes les plus visibles apparaissent plus tard lors de son exercice (serait-ce une maladie professionnelle ?), sa particularité étant que ceux qui en subissent les pires conséquences sont les patients. C’est justement à travers les nombreux témoignages de ces derniers que le Dr Zaffran en est venu à établir son diagnostic.

Voici ce que j’ai compris de l’ossature de la méthode employée par le médecin généraliste :

1) Je puise dans mon expérience de médecin en formation, de médecin en exercice.

2) Je recueille les témoignages, expériences, souffrances de nombreux patients.

3) J’appuie mes dires de références, d’études.

On a ici ce qui ressemble aux trois piliers de l’Evidence Based Medicine.

Reprenons point par point.

Le point 1 : l’expérience du médecin :

La formation médicale du Dr Zaffran se déroule dans les années soixante-dix. On peut donc lui reprocher que ce qu’il en puise est daté, qu’en quarante ans les choses ont changé et que la brutalité vécue ou ressentie n’est plus. C’est alors l’effritement d’une partie du pilier 1 qui menace de faire s’effondrer le reste. Cela peut s’entendre. Sauf que…

Sauf que lorsqu’on lit certains passages de la vie de Zaffran le carabin des seventies et que ces scènes nous renvoient à nos propres souvenirs comme si nous les avions vécues au détail près avec vingt à trente ans de décalage dans d’autres lieux, c’est assez troublant. Il est également assez tourneboulant de lire des scènes similaires relatées sur les blogs d’étudiants en formation médicale actuellement. Sans parler des jeunes et moins jeunes internes reçus régulièrement en stage qui confient parfois ce genre d’événements. Donc dire que les études médicales ne sont que violences et brutalités est faux et exagéré. Tout comme il est faux de dire qu’il n’y a plus de violences ni de brutalités durant les études de médecine de nos jours.

On a reproché au Dr Zaffran de ne plus exercer et de ne plus vivre en France. Cela suffirait donc à décrédibiliser son écrit sur la profession médicale. On peut aussi se dire que c’est en levant le nez du guidon, en allant voir ce qui se passe ailleurs, en prenant un peu de distance, qu’il est plus facile de voir et dénoncer ce que ceux qui ont le nez tellement collé au guidon ne voient pas. Et entre nous, vous en connaissez beaucoup des médecins en exercice en France qui ont les couilles de briser la loi du silence sur la maltraitance médicale ?

Donc même si je ne suis pas forcément d’accord sur tout, même si je pense qu’il faut se méfier des amalgames et généralités, que des choses s’améliorent et qu’il faut promouvoir ces améliorations, je considère que l’essentiel du point 1 reste solide.

Le point 2 : les témoignages de patients :

Il suffit de faire soi-même l’expérience. Interrogez votre entourage familial, amical, professionnel, vos patients si vous êtes médecin. Il est assez aisé de récolter quelques expériences assez brutales et violentes. Ce ne sont souvent que des mots ou des attitudes, mais des mots qui font mal.

Évidemment l’aura de l’écrivain Winckler a permis au Dr Zaffran de récolter de nombreux témoignages sur de nombreuses années. C’est là que l’on peut se demander s’il n’y pas du coup une vision biaisée, exagérée de la réalité qui aurait pu nourrir la colère du médecin le poussant à des propos que certains interprètent comme des généralités, un discrédit, voire des insultes sur l’ensemble de la profession ? C’est un peu comme lorsqu’on exerce dans un service spécialisé dans la leucémie et que l’on reçoit tous les patients atteints des leucémies les plus graves de la région. On a l’impression que tout le monde sera atteint de cette pathologie un jour ou l’autre alors qu’heureusement, une minorité de la population est atteinte.

On ne peut donc nier le point 2, à savoir les témoignages de patients ayant subi de la violence, de la brutalité, de la maltraitance de la part des médecins. Elle ne doit être ni excusée, ni minorée, au contraire dénoncée en étant vigilant à ne pas la majorer, l’extrapoler.

Le point 3 : les références :

C’est sans doute le point qui constitue la principale limite de l’écrit, la fragilité des trois piliers. Imaginons que Les brutes en blanc soit une thèse de médecine présentée devant un jury. C’est possiblement sur ses références bibliographiques que le thésard se ferait tailler un costume, brutaliser par ses Maîtres. C’est sur ce point que le lecteur médecin attendrait plus de solidité. Le propre de la médecine en général et de la médecine générale en particulier est de savoir passer la main au bon moment pour confirmer, affiner, infirmer un diagnostic. Le diagnostic du médecin généraliste Marc Zaffran sur les hommes en blanc n’aurait-il pas gagné en crédibilité à être affiné par de meilleures références et/ou en s’entourant d’experts du sujet ? La « caste » médicale se serait sans doute moins soulevée mais un écrit trop spécialisé, trop scientifique ne risquait-il pas de perdre le lecteur lambda ou le patient alpha ?

Ou tout simplement, la littérature sur ce thème est maigre, les experts inexistants et tout le mérite revient au Dr Zaffran d’ouvrir courageusement un débat demandant approfondissements. Il est alors important de préciser que nous sommes dans le cadre d’une hypothèse diagnostique et non dans celui d’un diagnostic indiscutable. Aux chercheurs, aux fouineurs ensuite d’apporter les solides bases du point 3 comme en son temps Pasteur a apporté les preuves scientifiques de l’hypothèse de Semmelweis sur la fièvre puerpérale formulée quelques décennies plus tôt sous les foudres de la communauté médicale incapable de comprendre l’intérêt de se laver les mains.

Pour conclure sur le point 3 : probablement le point sur lequel Marc Zaffran peut se faire le plus dézinguer par ceux qui ont lu ou liront son livre alors que le problème mérite d’être posé donc travail à approfondir et poursuivre ?

Ce dernier point permet d’enchaîner avec le traitement car qui dit trouble dit forcément traitement.


Le traitement ?

Comme souvent en médecine, le traitement proposé par le Dr Zaffran est un traitement essentiellement symptomatique. D’où l’intérêt d’enrichir le point 3 afin d’envisager un traitement étiologique ou mieux encore une démarche préventive afin d’éradiquer le syndrome des brutes en blanc.

Pour l’heure ce traitement peut être résumé à :

-la fuite (un patient pris dans les griffes d’une brute médicale doit fuir sans payer)

et/ou

-la poursuite (il est conseillé au patient victime de porter plainte contre le médecin).

Il est trop tôt pour juger l’efficacité de ces deux démarches thérapeutiques seule ou en association mais une réussite indiscutable a été le traitement médiatique Des brutes en blanc ou plutôt de Les brutes en blanc (Des/Les : un détail qui peut faire toute la différence).

Bien sûr, l’utilité d’un traitement réside dans son efficacité. Mais il doit également être simple et accessible. Or, le traitement proposé est-il simple et accessible pour les patients les plus vulnérables (personnes âgées, handicapées, affaiblies par une grave maladie) ? Est-ce aisé par exemple pour un patient âgé, grabataire, en institution, victime d’une brute en blanc, de prendre la poudre d’escampette et de la traîner devant la justice ? D’ailleurs, les patients vulnérables ne sont-ils pas les meilleures proies et les plus nombreuses victimes de ces brutes ? Et ces brutes sont-elles forcément des médecins ? Le Dr Zaffran utilise souvent dans ses écrits le terme soignant et concentre pourtant son diagnostic sur les seuls médecins. Si on le suit dans sa logique et son diagnostic et que l’on veut être exhaustif, ne doit-on pas considérer qu’une brute un blanc peut se cacher dans tout soignant ? Pour avoir été témoin en tant qu’interne en gynécologie de la brutalité de certaines sage-femmes sur leurs élèves et pour échanger régulièrement avec mes collègues infirmières sur leur parcours de formation et leurs expériences professionnelles, je crains que la maltraitance durant leurs études est bien réelle et qu’elles ont toutes côtoyé au moins une brute au sein même de leur profession.

Voilà comment alors que nous sommes dans la partie « Traitement » nous en sommes à étendre le spectre du diagnostic à tout le corps soignant (et je vous préviens, ça n’est pas fini) tout en considérant que les patients les plus vulnérables n’ont pas forcément accès au traitement et c’est là un des paradoxes tellement fréquent en médecine à l’origine de l’augmentation des inégalités en santé. Quant aux véritables crapules médicales, ne sont-elles pas aussi intouchables que le soignant idéal est inatteignable ? Le traitement judiciaire préconisé par le Dr Zaffran ne risque-t-il pas d’être aussi efficace que quelques granules homéopathiques sur ces brutes-là tandis que ses effets indésirables pourraient intoxiquer gravement des médecins fragilisés par leurs doutes et questionnements en quête de devenir ce soignant idéal ?


Des patients plus blancs que blancs ?

D’un côte du bureau médical, la brute, de l’autre le bon patient. La réalité serait-elle aussi simple ? À la façon dont ont été brossés divers portraits de médecins maltraitants, il semble assez facile d’établir en miroir ceux de patients impatients, intolérants, exigeant d’être guéris avant d’avoir été examinés, examinés avant d’être malades, les plus exigeants étant rarement les plus malades. Le quotidien du médecin tout simplement bercé par les douces violences de la vie. Mais il arrive parfois que la véritable brutalité gagne le camp des patients et qu’elle s’abatte justement sur des médecins vulnérables de façon peut-être explicable mais en aucun cas excusable. La boucle est bouclée, les brutes en blanc sont partout surtout si l’on baisse le seuil de définition de la brutalité comme on l’a vu faire avec celui de la glycémie, du cholestérol ou de la tension artérielle. C’est l’histoire de mon Père Noël, cette brute à barbe blanche. Certains patients font leur liste de médicaments ou d’examens avant de venir consulter leur médecin comme les enfants font leur liste de cadeaux au Père Noël. Tout comme les enfants n’auront pas forcément tous les cadeaux souhaités au pied du sapin, les médecins ne répondront pas forcément à la demande de leurs patients et ce pour leur bien. Est-ce de la brutalité ? Pour certains patients, cela pourra être vécu comme tel d’où un risque de sur-diagnostic.


Les risques ?

Ce n’est pas parce qu’il y aurait risques qu’il faut étouffer l’affaire, soyons clair. La lumière centrée sur le problème de la maltraitance médicale allumée par le Dr Z. ne doit pas être éteinte par les éventuels risques bien que s’ils existent, ils faillent tout de même les prendre en considération.

Le sur-diagnostic : en fonction de la subjectivité de chacun, des brutes en blanc n’en sont pas.

Le sur-traitement : fuir ou poursuivre un médecin qui n’est pas une brute en blanc n’est pas dénué d’effets indésirables graves car se prendre un procès dans les dents peut être fatal.

Au contraire le sous-diagnostic donc l’absence de traitement contre les véritables brutes en blanc.

En résumé, il peut être difficile de tirer juste.


Pour conclure :

A contre-courant de tout ce que je viens d’écrire, je me demande si les médecins bienveillants doivent forcément être écartés du diagnostic de brutes en blanc. Je pense qu’on a plus de chance de rencontrer des médecins humains et bienveillants que des brutes mais la bienveillance immunise-t-elle forcément contre toutes les formes de maltraitance ? Vous voyez que l’on peut encore élargir le champ du diagnostic.

Martin Winckler, l’auteur à succès pour les uns, l’auteur de brutalités sur un corps médical meurtri pour les autres, permet grâce à son nom de plume de sonner le tocsin sur des gestes, des attitudes, des comportements, des mots et jugements inacceptables et condamnables. On peut lui reconnaître le mérite d’ouvrir ce débat douloureux.

Mais parmi d’autres, j’ai commis une grave erreur dans ma lecture puis dans l’écriture de ce billet. J’ai précisé avoir lu non pas le livre de Martin Winckler mais celui de mon confrère médecin généraliste le Dr Marc Zaffran. Alors j’en ai donné mon analyse, j’ai évoqué son trouble, son diagnostic, résumé son traitement, sa méthode diagnostique. J’ai ensuite embrayé sur les possibilités d’élargir les critères diagnostiques, de diminuer le seuil de diagnostic, les risques de sur-diagnostic et de sur-traitement, la difficulté pour les patients les plus fragiles d’accéder au traitement. Pour tenter de vous y entraîner avec moi, je suis tombé intentionnellement au fond du piège dans lequel sont engluées nos sociétés favorisées, dans la source d’une maltraitance sournoise et fréquente qui fait de toute la chaîne de soignants même humaine et bienveillante une brute en blanc : la médicalisation de tous les aspects de la vie.

La médecine est violente et brutale dans le sens où l’on a cherché et l’on cherche encore plus à médicaliser les moindres recoins de la vie, de la conception, de la grossesse, de la naissance, de l’enfance et ses troubles, l’adolescence et ses vagues, la vieillesse et ses faiblesses et ainsi de suite jusqu’à la mort. Il est plus que temps de démédicaliser, dé-prescrire, ramener l’illusion de la Toute Puissance médicale dans le champ du juste équilibre des soins. L’engrenage de la médicalisation sans frein instille cette illusion de Toute Puissance dans l’esprit des soignants comme dans les yeux des patients, et plus largement de tous les citoyens. Cette illusion est source de violences qui touchent tous les corps, le corps médical, les corps et les âmes humaines. Outre l’avantage de diminuer même partiellement la maltraitance médicale, la démédicalisation c’est dans mon esprit une médecine plus et mieux ciblée sur des patients qui en ont véritablement besoin, c’est un meilleur accès à des soins appropriés pour les plus vulnérables et les plus éloignés d’entre nous d’un système qui leur tourne de plus en plus le dos. Ce n’est donc absolument pas de l’anti-médecine. C’est enfin une des réponses à la pénurie médicale, problématique exclusivement abordée par l’angle du « y a pas assez de médecins » sans jamais se demander « et s’il y avait trop de médecine ? ». Je crois viscéralement que la lumière doit être braquée sur ce débat-là, qu’il faut à la fois l’approfondir des contributions les plus diverses et indépendantes tout en le vulgarisant pour un large public.


PS : il n’est pas exclu qu’à la seule lecture du titre de ce billet, un communiqué émane du CNOB (Conseil National de l’Ordre des Barbus), un peu d’humour n’a jamais tué personne.

mercredi 26 octobre 2016

RETOURNER LE RÉTROVISEUR ?

Peu le temps ni le goût d’écrire en ce moment mais l’envie de proposer dans un premier temps un peu de relativisme dans ce monde de brutes multicolores.

Je n’ai pas cherché ce qui va suivre. Parfois les plus belles perles se présentent spontanément sur notre chemin, alors on les ramasse, on les observe, on médite et on peut aller jusqu’à les partager. Ces perles sont des affiches qui datent, des pages qui sentent le temps. N’en demandez pas plus, je ne saurai répondre avec précision. Faufilez-vous entre les lignes écrites par des médecins de l’époque, posez vos yeux sur les images anciennes, passez mes quelques commentaires si vous les trouvez futiles. Regardons ensemble dans le rétroviseur de ce drôle de monde qu’est le monde médical en conservant à l’esprit qu’il s’agit là d’éléments passés voire dépassés. Ensuite nous retournerons le rétroviseur.



Saviez-vous pourquoi la femme possède deux seins ?


Dame nature ayant prévu (elle est très prévoyante Dame nature) une paire de « mamelles » par enfant, l’expulsion de jumeaux est anormale.

Mais même si Dame nature a prévu une paire de « mamelles » et du lait maternel, l’homme a toujours eu la prétention de se hisser au moins à son niveau. 


Le médecin a cependant l’humilité d’être approximatif concernant la durée de la grossesse d’autant que la nature semble brouiller les pistes en fonction du lieu de vie de la femme enceinte. Quid de la femme qui déménagerait de France en Allemagne en cours de grossesse ? Quant à l’homme en partance, à qui faire certifier la date de séparation ? L’huissier ou le médecin ? 





Sans attendre le seuil des 300 jours, en grand seigneur le prince charmant pourra toujours conduire son ex « à toute époque de la grossesse » dans une maison d’accouchement confortable.



Et prier pour qu’elle ne développe pas une folie furieuse puerpérale ! 



Si votre douce se plaint de « goûts bizarres », vous savez ce qui vous attend.


Si vous ne savez pas, vous pouvez toujours aller faire un tour aux couveuses avec des bébés vivants à l’intérieur s’il vous plaît. Cela peut être utile, intéressant et instructif.



Quelques conseils pour coucher bébé, une histoire tourneboulante à dormir debout ! (Je rappelle pour les zappeurs du net qu’il s’agit là de regarder dans le rétroviseur ce qui s’écrivait jadis sur ce sujet donc à ne pas prendre pour des conseils actuels, merci)



Et les vaccins au fait ? Celui contre la tuberculose, vous en pensez quoi docteur ?



Valeur thérapeutique incertaine mais innocuité absolue à condition que...


Des docteurs connus et réputés conseillent même…

Pas obligatoire mais le mieux est de demander conseil à son médecin pour se dégager de toute responsabilité.

J’adore les passages de ce gros bouquin désarticulé aux pages jaunies qui sentent tellement le temps. Le temps présent ?

Le temps d’avant : Robert, ça y est, ils arrivent, les biberons Robert !



Les campagnes d’affichage de maintenant du Robert de Béziers… Le pire. Épuisant les grands et les mi grands.


Aïe ! Pas de politique (si cela s’appelle de la politique) ! On a dit surtout pas de politique ! Encore moins pendant les repas conseillaient les docteurs pour une bonne hygiène alimentaire. Il faut toujours écouter les docteurs, ils savent eux ce qui est bon ou pas : 




D’autant que la politique, ça fait monter la tension mais heureusement :




Tout est bon dans cette affiche, le nom du laboratoire dans le nom du médicament, l’action douce et prolongée sans dépression secondaire, l’image du patient hypertendu mais qui a l’air si serein malgré ses 21 de tension. On flippe pour moins que ça de nos jours non ?


A en croire l’image suivante d’un autre laboratoire, on devait se refiler le même dessinateur à l’époque. Regardez le patient, c’est le même non ? Ou alors s'agissait-il des prémices d’une future OPA ? 



Le syndrome de la cinquantaine n’est donc pas un mythe, et mieux que ça, il se traite et c’est remboursé !

Enfin le meilleur pour la fin. Quelques conseils pour rester bien portantes mesdames : 



Allez les filles lustrez-moi ça, il faut que ça brille.

Quant aux jeunes hommes ces branleurs ! La branlette cette déformation sexuelle ! Ce fléau qui perturbe le système nerveux de façon définitive !





***

Regarder dans le rétroviseur peut faire sourire.


J’ai souri à la lecture de ces passages, à la vue de ces images. Un sourire retenu, non moqueur. Car regarder dans le rétroviseur permet de relativiser tout en prenant conscience que l’on sourira sur nous, nos dogmes, nos certitudes et nos questionnements actuels d’ici quelques décennies.

**

Puis j’ai retourné le rétroviseur.


Alors j’ai souri d’un sourire un peu triste, grimaçant et désabusé face à ces dogmes, certitudes, (im)postures dans certains domaines de la médecine que l’on sait urgent et utile à revoir ou réinterroger dès aujourd’hui.

L’actualité toute fraîche sur le dépistage organisé du cancer du sein (voir ce texte ici) ou encore la décision du ministère de la santé de ne pas dérembourser les médicaments anti-Alzheimer (malgré ce communiqué de la Haute Autorité de Santé) ne semblent pas à même d’effacer mon rictus.

De mes yeux de minuscule médecin de bas terrain vague, voilà ce que représente de nos jours la principale brutalité infligée aux patients sans pour autant en nier les autres formes auxquelles je participe probablement, un peu, parfois, beaucoup, passionnément, à la folie. Quand on sait mais que l’on tait ou que l’on décide de s’asseoir sur ce qui est prouvé, c’est scandaleux.

*

Retourner le rétroviseur, ce n’est pas regarder dans une boule de cristal mais bel et bien s’attendre à de futurs scandales.

**

Voltaire disait de la médecine : «L’art de la médecine consiste à distraire le malade pendant que la nature le guérit.»

Je me demande si on ne peut s’autoriser à penser que l’art de la politique ne consiste pas à distraire le peuple pendant que la finance le spolie.


***


En savoir plus sur :

-la médiocrité de la ministre de la santé : il suffit de la voir à l’œuvre dans les média chaque jour, cette fin de règne est un festival. La levée de fonds pour une éventuelle campagne de son mentor primerait-elle sur la santé publique ?

-le Rapport du comité d’orientation sur le dépistage organisé du cancer du sein par mammographie (09/2016) :


-l’Avis de la commission de transparence sur les médicaments de la maladie d’Alzheimer : publication prochaine ici


Les pages qui sentent le temps sont issues d’un ouvrage dont la publication daterait des années 1935-1940, intitulé La nouvelle médecine familiale, Éditions Musy Frères, écrit par les Drs Brillault, Petit, Baumel, Bercovici, Doubosarski de la faculté de médecine de Paris et la Dr Strary de la faculté de médecine de Genève. 


lundi 3 octobre 2016

CHASSE AUX POKEMON ET AUTRES HISTOIRES DE CHASSE ?



***

« Y a pas à payer et c’est bon pour la santé parce que ça nous oblige à marcher »

Voici une bribe de discussion estivale avec mon fils.

Comment avoir réussi à échapper à l’hystérie liée à l’ouverture de la chasse aux Pokémon ?

Je me souviens lui dire alors que je terminais de cuire quelques saucisses sur le barbecue :

« J’espère que tu ne téléchargeras pas ce jeu » (un vrai bon père testostéroné aurait dit « Tu ne téléchargeras pas ce jeu mon fils »)

Sa réponse m’en a fait griller mes saucisses :

« Trop tard je l’ai déjà ».

C’est là qu’il a fallu approfondir la conversation.
Qu’il est difficile de nager à contre-courant nom d’une pipe.

Gratuit ? Oui jusqu’à un certain point et si l’on ne parle qu’en terme financier car on peut aussi parler du temps de cerveau consacré à ce jeu à défaut d’autres activités comme lire, faire du vélo, se balader, flâner sans but. Flâner, s’ennuyer, on a tellement oublié que ce sont dans ces moments que l’on prend le temps de se construire. Quant aux millions de données collectées sur les comportements de consommateurs que nous sommes, elles ne seront évidemment pas gratuites pour tout le monde.

Bon à la santé ? En général et depuis que je suis médecin, c’est assez drôle, je me méfie de cet argument comme de la peste.

Bref l’été a été l’occasion d’ouvrir cette drôle de chasse.


***

Autre bribe de discussion estivale avec ma femme et autre histoire de chasse.

« Tu ne devineras jamais ce que m’a raconté Sofia ».

« Qui ça ? »

« Mais tu sais Sofia, c’est nananinananerre, etc…eh ben, tu te rends compte, à 43 ans, se prendre une chasse comme ça et pour ça, l’autre lui dit oui mais c’est fou ça, on vous prescrit des examens, vous ne les faites pas, pourtant c’est gratuit, et après faut pas venir pleurer, franchement, c’est de l’inconscience, il s’agit de votre santé et tatati et tataterre, bref, c’est nul hein ? »

« Oui assez je trouve »

Sofia ne s’appelle pas ainsi mais existe vraiment contrairement à ma copine coiffeuse présentée l’année dernière en ce lieu. 

Sofia s’est rendue comme chaque année chez son gynécologue. Ce dernier n’a rien trouvé de mieux que de l’engueuler car voyez-vous, la mécréante n’a pas réalisé la mammographie de dépistage prescrite l’année passée alors qu’un tel examen n’est pas justifié dans sa situation et à son âge. Si les propos rapportés sont véridiques, le médecin a cherché à terroriser Sofia.

Sofia s’est pris une chasse par un médecin chasseur ou plutôt un médecin braconnier. Oui un médecin qui traque en dehors des recommandations et de la date officielle peut être considéré comme un braconnier, un braconnier qui ne se fera jamais prendre. Il a prescrit un examen « gratuit » et ne vise que la « bonne santé » de sa patiente…

Gratuit et bon à la santé… Pokémon et autres histoires de chasses. C’est gratuit mais comment se fait-il que quelques-uns se rincent au passage ? C’est là qu’il aurait fallu approfondir la conversation.
Qu’il est difficile de nager à contre-courant nom d’une pipe.

Dès qu’on joue sur les peurs, méfiance, il n’y a pas toujours un loup mais la méfiance est de mise.

Tout ça pour en arriver à la chasse officielle du mois de septembre et là ça devient compliqué. Entre la chasse à la bécasse, au canard, au sanglier, etc sachant que la chasse aux Pokémon n’est pas pour autant fermée, je ne vous explique pas le bordel.

Et le mois d’octobre ne devrait pas voir les choses se simplifier puisque toutes les chasses vont se croiser. Le chasseur de Pokémon sera reconnaissable tête baissée et vissée à son téléphone portable. Méfiez-vous, il ne vous voit pas forcément. Le chasseur traditionnel souvent de vert vêtu a le fusil à l’épaule. Méfiez-vous également, lui non plus ne vous voit pas forcément et peut vous confondre au point de vous décharger ses plombs initialement destinés à un sanglier dans le popotin. Enfin depuis plusieurs années désormais au mois d’octobre, toute une foule se drape de rose pour courir, nager, communiquer sur la chasse au cancer du sein.

Là, il s’agit de la chasse officielle et recommandée à partir de cinquante ans, pas du braconnage subi par Sofia dont le cas n’est malheureusement pas isolé.

Mais les choses peuvent se complexifier un peu plus car, notre ami gynéco de Sofia qui chasse avant l’heure de cinquante ans, ce qui fait de lui un braconnier, n’en est pas un tant que ça. Parce que voyez-vous, dans certaines zones, le braconnage avant cinquante ans est autorisé et même institué. C’est une sorte de coutume, quelque chose de quasi sacré. Les habitués du blog comprendront, pour les autres, le feuilleton de ce qui est dénoncé ici depuis quelques années désormais au sujet du dépistage du cancer du $ein dès quarante ans est consultable via les liens suivants :






***

Autre bribe de conversation :

« Alors Doc, tu t’inscris ? Tu viens avec nous ? »

« Non. »

« Comment ça non ? Tu es médecin quand même. Tu es contre ce genre d’événement ? Tu es pour le cancer ? »

C’est là qu’il a fallu approfondir la conversation.
Qu’il est difficile de nager à contre-courant nom d’une pipe.

Cet échange m’a agacé mais il m’a semblé très instructif. Tout est dit ou presque en quelques mots.
Il y a quelques jours, je suis sollicité pour participer à une manifestation à venir dans le cadre d’Octobre Rose. Je refuse. Conclusion : je suis pour le cancer…
Nous voilà au cœur même du principe de l’affaire, culpabiliser les non participants à la Pink Party exactement comme on joue avec les peurs et culpabilités des femmes refusant de se soumettre à ce dépistage de plus en plus discuté (même la ministre de la santé serait prête à revoir la copie), exactement comme l’aurait fait le gynéco de Sofia alors qu’elle n’a que la quarantaine. A la question « tu es pour le cancer ? » j’ai préféré répondre sur le ton de l’humour un truc à la con du style « ben oui tu vois bien, s’il n’y a plus de malades il n’y a plus besoin de médecins donc comment allons-nous faire pour gagner notre vie ? ». Puis, j’ai invité cette personne à aller s’informer sur le site http://cancer-rose.fr/ en lui expliquant que la question n’était pas de savoir si moi médecin j’étais pour ou contre ce dépistage mais que l’essentiel à mes yeux était de donner les outils nécessaires aux citoyens pour qu’ils puissent décider par eux-mêmes ce que ne permet pas à mon sens le magma médiatique autour d’Octobre Rose.

J’invite d’ailleurs tous ceux qui se posent des questions sur le sujet, femmes, hommes, maris, conjoints, amants, aimants, bref tout le monde à aller piocher des arguments d’aide à la décision sur ce site. Allez lire la brochure éditée l’année dernière ou visionner la vidéo montée cette année sur leur page action : http://cancer-rose.fr/actions.html . C’est gratuit, mais vraiment gratis hein !

Au-delà du sujet de ce dépistage et d’Octobre Rose, j’ai l’impression que nous sommes de plus en plus dans une société abrutissante alors qu’il me semble tellement important de développer le sens critique et cela dès le plus jeune âge. Qu’il est devenu difficile de nager à contre-courant nom d’une pipe ! D’autant que tout est fait ou presque pour appuyer sur la tête de ceux qui tentent encore de le faire. Encore une histoire de chasse. La chasse aux empêcheurs de tourner en rond.

Pourtant chasseurs chasseuses, n’oubliez pas l’expression « qui va à la chasse perd sa place ». La preuve. Dans le domaine de la santé, nos décideurs de tout poil ont passé une grande partie de leur temps à chasser. On a voulu chasser le nomadisme médical, les fraudeurs, les fraudeurs patients comme les fraudeurs médecins, les déficits, les gaspillages, etc… Alors on a réformé, réforme du médecin traitant, mise en place de franchises médicales, libéralisation de l’hôpital public, pseudo-étatisation de la médecine générale libérale etc, etc… On peut remarquer que les politiques qui se préparent pour 2017 donc à la chasse aux électeurs voudraient des médecins généralistes partout dans nos campagnes tandis que la médecine ne fait quasiment jamais partie de leurs campagnes. Pendant qu’on chasse de tous les côtés, notre « meilleur système de santé » au monde a dégringolé de la première à la vingt-quatrième place en quinze ans. Ceci est un constat, je n’oserais établir un lien de causalité aussi simpliste. Mais ça fait réfléchir. « Qui part à la chasse perd sa place ? »

Nous voilà enfin à la fin de ce billet fourre-tout. Nous sommes partis de la chasse aux Pokémon pour arriver à un constat sur le classement de notre système de santé en passant par la chasse orchestrée dans le cadre d’Octobre Rose, un sujet en a chassé un autre avec en apparence aucun lien entre eux et pourtant… Prenons le temps de tisser des liens et de développer notre esprit critique. Laissons-nous emporter paisiblement par les flots sans oublier qu’il est nécessaire de donner un coup de nage à contre-courant de temps à autres.
Bonne chasse et n’hésitez pas à la tirer cette chasse quand vraiment vous ne le sentez pas le truc « gratuit et bon à la santé ».


mardi 13 septembre 2016

LE SLALOM DES TOUBIBS ?




Il m’arrive régulièrement comme à tous médecins je pense, de ressasser certaines consultations.

Il y a bien sûr les doutes et les questions sur ce qu’on a fait, ou pas fait, dit ou pas dit, dû ou n’aurait pas dû dire.

Certains patients réussissent parfois à nous désarçonner avec des questions que l’on n’a pas anticipées et dont les réponses ne se trouvent pas forcément dans les bouquins de médecine. Alors le toubib qui s’abaissera rarement à répondre qu’il ne sait pas se met à broder, inventer, improviser une réponse. Il slalome entre ce qu’il a appris, entendu ici ou là, vécu personnellement, pour éviter la sortie de piste. Allez les toubibs, reconnaissons-le, cela nous est tous arrivé au moins une fois durant notre carrière non ? C’est ainsi que la réponse improvisée (et dans le meilleur des cas vérifiée ultérieurement) vient enrichir notre expérience professionnelle puis pourra éventuellement resservir face à une situation similaire.

Mais en y regardant de plus près, il y a tout le reste sur lequel on ne se pose aucune question, persuadés que nous sommes de faire ou répondre exactement ce qu’il faut. Un peu comme ces mauvais réflexes de conduite acquis à la longue sans en être conscient. C’est pourquoi j’avais envie de revenir à froid sur cette consultation.

C’est un bébé né prématurément que je reçois ce jour-là. Il s’agit d’une consultation de pédiatrie et de vaccinations. L’enfant est né très exactement à 32 semaines d’aménorrhée (SA) et 5 jours (normalement et théoriquement une naissance à terme a lieu à 41 semaines d’aménorrhée à quelques brouettes près).

J’avais reçu depuis un moment le compte-rendu du service de réanimation pédiatrique dans lequel le bambin avait été hospitalisé à sa naissance. Ce sont en général des courriers bien détaillés de plusieurs pages. Je l’avais lu en diagonale puis rangé avant de le relire plus sérieusement au moment de la consultation en slalomant assez furtivement entre le résultat du pH artériel ombilical à la naissance et autres données bien trop compliquées pour moi. Je me suis en revanche arrêté un temps sur le schéma vaccinal préconisé par cette lettre du confrère que je rapporte ici :

« Prévoir un schéma vaccinal hexavalent et Prévenar à 2, 3 et 4 mois (<33 SA) »

Le vaccin hexavalent est le vaccin tout en un contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, le germe haemophilus influenzae b, et l’hépatite B.

Le vaccin Prévenar est celui destiné à lutter contre les types de pneumocoques les plus méchants.

Chez un bébé né à terme, depuis 2013 il est préconisé de débuter ces vaccinations par une injection à 2 puis 4 mois alors qu’auparavant on réalisait également une injection à 3 mois, soit 2, 3 et 4 mois.

Depuis 2013, je savais que pour le vaccin Prévenar, il était préconisé de réaliser une injection à 2, 3 et 4 mois chez les enfants nés prématurément (avant 37 SA). Soit de réaliser le schéma qui concernait tous les bébés indépendamment de leur terme comme cela se pratiquait avant 2013. Vous me suivez ? Vous faites le lien avec le titre du billet ? Le slalom, la sortie de piste, c’est plus clair ?

Eh bien moi, en lisant la préconisation hospitalière, je me rendais compte que j’étais sorti de piste depuis plusieurs années car je ne savais pas que pour les enfants nés avant 33 SA il était nécessaire de réaliser également une injection d’hexavalent à 3 mois (ou de pentavalent si on informe et qu’on laisse le choix aux parents de ne pas vacciner leur enfant contre l’hépatite B et que ce vaccin est disponible).




Même s’il n’y a pas mort d’homme (quoique imaginons que l’enfant fasse une coqueluche cognée au point de se retrouver en réanimation alors que je n’ai pas suivi la préconisation hospitalière), c’est assez déstabilisant de se rendre compte en pleine consultation que l’on est sorti de piste depuis un long moment. Oui car mon premier réflexe a été de me dire :

 « Oh ben merde alors ! Je ne connaissais pas cette recommandation et même si je ne vois pas des bébés prématurés de moins de 33 SA tous les jours, il n’est pas impossible que certains soient passés à l’as de cette injection à 3 mois. Je suis un nul, s’ils s’en rendent compte, les parents vont me prendre pour un nul, et si les enfants en question sont revus par un pédiatre hospitalier, ce dernier va me prendre en toute confraternité pour un nul. »

Et puis cela renvoie également à tout le reste, tous ces domaines de la pratique médicale que nous pensons maîtriser alors qu’il n’est pas impossible que nous ne soyons pas dans les clous.

Sorti de la piste du slalom, turlupiné mais pas encore totalement découragé je me suis mis à surfer.

Je suis vite allé surfer sur le net histoire de voir de quand datait cette fichue recommandation vaccinale.

Je suis tombé d’emblée sur le site de ce que l’on appelle en médecine une société savante : la Société Française de Pédiatrie. A la lecture de l’article spécifiquement dédié à la vaccination des enfants prématurés ici, plus précisément à la lecture de cette partie


je me suis un peu plus enfoncé de honte dans mon fauteuil.

Avec un courrier de grands spécialistes d’un grand hôpital universitaire où l’on apprend la médecine aux bébés médecins, qui préconise ce schéma vaccinal, conforté d’un article publié sur le site d’une société de « savants », j’aurais pu stopper les frais à ce stade de ma descente et plier les gaules aussi sec.

Mais l’article me semblant trop peu étayé de références, j’ai repris le surf.

J’ai alors trouvé une autre recommandation émanant du Haut Conseil de la Santé Publique mise en ligne en juin 2015 et intitulée : "Recommandations vaccinales pour les enfants nés prématurés" consultable ici .

Voici sa conclusion :

« Le HCSP estime qu’il n’existe pas à ce jour de données épidémiologiques justifiant de recommander un schéma vaccinal renforcé pour l’immunisation des nourrissons nés prématurés contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche et les infections à Haemophilus influenzae b.
La priorité est de débuter la vaccination de ces nourrissons à l’âge de 8 semaines de vie. »

Comme quoi ça vaut le coup de surfer et slalomer entre différents articles puisque ce dernier venait de pointer que je n’étais finalement par chance pas tant à la ramasse que ça.

Mais alors qui croire et surtout que faire ? Appliquer la règle du « ni-ni » ? Ne pas choisir d’injecter la dose de vaccin penta ou hexavalent à 3 mois sans pour autant l’injecter nous mènerait alors à administrer une demi-dose dudit vaccin. On voit bien là les limites de la règle du ni-ni…

Et imaginons un instant que nous décidions d’impliquer les principaux intéressés dans cette histoire que sont les parents de l’enfant et ainsi il faut bien l’admettre se défiler en douceur.

« Alors les parents, voilà, concernant ce vaccin, les pédiatres de l’hôpital ainsi que les savants disent cela, les experts des autorités officielles disent l’inverse, moi au milieu je peux choisir de vous laisser choisir en sachant qu’il ne me paraît pas sérieux de ne pas choisir puisque faire une demi-dose de vaccin n’a à mes yeux ni queue ni tête (le ni-ni) ».

Questions :

Faut-il donner tous ces détails au patient ou aux parents ?

Faut-il toujours chercher ce fameux consentement pour tous nos actes ? N’y aurait-il pas un juste milieu entre « le jamais pour rien » et « le toujours pour tout » ?

Toujours est-il que je tairai ce que j’ai fait car je suis loin d’être exemplaire et je n’ai absolument pas envie de me faire tailler un costard.

Pour conclure :

-l’exercice de la médecine est grosso modo une histoire de slalom entre les connaissances et les expériences du médecin, entre les connaissances, expériences et choix des patients, entre les articles, les études, les comptes-rendus et avis de spécialistes. C’est donc bel et bien le slalom des toubibs qui même si ça ne se voit pas passent finalement pas mal de temps à tordre du cul.

-même si c’est difficile, peu valorisant, absolument pas valorisé, il semble utile d’envisager avoir tort là où on est persuadé d’avoir raison tellement on croit maîtriser le sujet finger in the nose.

- ce qui est assez drôle c’est que je ne serais pas étonné d’apprendre que certains auteurs de l’article de la Société Française de Pédiatrie aient contribué à la rédaction de celui du Haut Conseil de la Santé Publique, donc que le sujet ne soit pas si clair que ça même chez les experts. Encore une histoire de slalom entre le oui, le peut-être, le en fait non, à moins que et c’est sans doute là l’essentiel : évoluer grâce aux doutes et aux questionnements en espérant qu’ils soient uniquement guidés par l’intérêt des patients mais ça c’est une autre histoire.

- enfin, rien ne sert de surfer, il faut surfer à point !