jeudi 24 avril 2014

LES EXPERTS épisode 2 : la ministre ne suit pas.

L’épisode 1 des Experts en intégrale et en VO est disponible gratuitement ici.

En voici un petit résumé :
 
Ce premier épisode visait à persifler à doses homéopathiques et dans une ambiance bon enfant au sujet de l’avis des experts du Haut Conseil de la Santé Publique émis en novembre 2013 sur la vaccination contre le rotavirus responsable chaque année de milliers de gastroentérites aiguës. L’avis préconisait de vacciner les nourrissons âgés de moins de 6 mois contre une infection dont le taux de mortalité est estimé en France entre 0,33 et 0,74 pour 100 000 enfants de moins de 3 ans par saison tout en sachant qu’il existe une augmentation du risque de survenue d’invagination intestinale aiguë liée à cette vaccination (5,6 cas pour 100 000 enfants vaccinés d’après une étude de surveillance en Australie).
 
Petite précision importante, ces vaccins étant à l’heure actuelle onéreux et non remboursés, les experts sous entendaient que la mise en place de cette stratégie vaccinale imposait une baisse des prix induisant des ratios coût/efficacité acceptables.
 
 
Épisode 2 : Les experts : la ministre ne suit pas.  
 

Le 22 avril 2014, dans le cadre de la semaine européenne de la vaccination, la ministre des affaires sociales et de la santé en personne présentait le calendrier vaccinal 2014. Maintenant qu'elle publie dans The Lancet, prestigieuse revue médicale internationale, rien de très surprenant.
 
A mon sens, pas de grandes nouveautés dans ce calendrier par rapport à son aîné de 2013. La vaccination contre le HPV chez les filles entre 11 et 14 ans passe de 3 à 2 doses. La stratégie du cocooning est renforcée afin de protéger les nourrissons contre la coqueluche. Et quelques recommandations sont précisées pour des cas particuliers.

Mais…

Mais pas un mot sur la vaccination contre le rotavirus !

Le calendrier vaccinal étant mis à jour sur la base des recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique, il semble donc que le ministère n’ait pour le moment pas suivi celle émise pour lutter contre la gastroentérite à rotavirus.

Je n'oserais en tirer la moindre conclusion, surtout après mon dernier post invitant à la modération : MODERATUS.

Néanmoins, et j'en suis désolé par avance, me dispenser de quelques réflexions, quelques questionnements m'est difficile. Alors voilà :

-La ministre des AFFAIRES SOCIALES et de la santé (la différence de taille de police est intentionnelle) serait-elle dubitative, elle aussi, quant à cette recommandation ?

-Serait-ce un signe de frilosité ? Ou au contraire de sagesse ? Aurait-elle besoin de temps, de prise de recul, contrairement au Président qui lui se lance sans hésiter dans un pari ?

-N'aurait-elle pas le même genre de proches conseillers amateurs de cirage de pompes ?

 

-Industriels et ministère n'ont peut-être tout simplement pas encore trouvé de terrain d'entente financier permettant d'autoriser le remboursement de ces vaccins en ces temps d'austérité de gestion rigoureuse.
 
On le saura sans doute dans l'épisode 3 qui ne devrait probablement pas sortir avant l'annonce du calendrier vaccinal 2015.
 
D'ici là, le suspens reste entier...


jeudi 17 avril 2014

MODERATUS


 
Il y a bien longtemps dans notre pays comme dans d'autres pays aujourd’hui développés, on mourait de faim. Terrible famine. On souffre pour ne pas dire qu’on meurt maintenant des conséquences de trop de et/ou de malbouffe. Je défie quiconque de me dire qu’il ne connaît pas le célèbre slogan :
 
« Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé » ou encore « Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas »
 
gentiment inscrit par celui-là même qui te vend de la merde. Inscriptions certes imposées par les autorités qui au passage se dédouanent en même temps qu'elles dédouanent les industriels de toute responsabilité au cas où il t’arriverait malheur. Tu ne pourras pas dire que tu n’étais pas prévenu. Traduction : on autorise des types à se faire du fric en te vendant de la nourriture mauvaise à la santé mais tu le sais, tu es un grand garçon donc tu n'as pas à te plaindre...
 
Moderatus…
 
Il n’y a pas si longtemps dans notre pays, nous étions totalement démunis face à de nombreuses pathologies infectieuses. La découverte des antibiotiques fut une formidable et incontestable avancée (1928, Fleming, découverte de la pénicilline). Ces molécules ont permis de sauver des vies. N’oublions pas qu’elles en sauvent encore. Mais nous  payons aujourd’hui les conséquences de leur surconsommation. Je défie quiconque de me dire qu’il ne connaît pas le célèbre slogan d’Ameli :
 
« Les antibiotiques c’est pas automatique » ou encore « Les antibiotiques utilisés à tort, ils deviendront moins forts».
 
Moderatus…
 
Il n’y a pas si longtemps dans notre pays, nous disposions de très peu de médicaments. Même si malheureusement il nous en manque encore pour vaincre certaines pathologies, nous en avons désormais pléthore au point que nous pouvons parfois tomber malade pour ne pas dire mourir de surprescriptions, de surdosages et d’interactions médicamenteuses.
 
Moderatus…
 
Il n’y a pas si longtemps, nous ne savions pas dépister. Nous payons aujourd’hui les conséquences de certains dépistages (dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA, dépistage systématique du cancer du sein par mammographie même s’il ne faut pas le dire).
 
Moderatus…
 
Il y a un bon moment maintenant, on a découvert le principe de la vaccination (Jenner, 1796, bien avant les antibiotiques). Cette découverte fut une formidable avancée. L’OMS avance les chiffres de 3 millions de morts et 750 000 handicaps prévenus chaque année grâce à la vaccination. Comment ne pas être séduit par ces chiffres et par l’idée non pas de traiter mais d’éviter de contracter une maladie dont certains cancers ?
 
On pourrait envisager de faire les mêmes réflexions sur les vaccins que celles faites sur les précédents sujets. Mais transposer ces réflexions est risqué en ce moment… On se fait beaucoup plus d’amis, beaucoup moins d’ulcères, et probablement plus de fric si on choisit d’avancer tête baissée dans la voie de la vaccination à tout va. Impossible donc d’en tirer la conclusion : Moderatus.
 
Dans une société du sensationnel et de l’immédiat où l’on pense tout maîtriser, pas très étonnant que la médecine de l’action soit préférée à la médecine de la réflexion. Il est évident que face à un arrêt cardiorespiratoire comme devant d’autres situations d’urgence, le médecin (mais pas que) n’a pas de question à se poser, il faut agir et vite. Mais pour tout le reste ? Moderatus ?
 
Même s'il faut agir, la médecine, n’est ce pas aussi parfois savoir et accepter de ne rien faire ?
 
La médecine, n’est ce pas souvent savoir marcher en équilibre sur un fil ?
 
Si tel est le cas, que se passe-t-il si tu te précipites ?
 
Parfois ça passe, souvent ça casse.
 
Que se passe-t-il si en équilibre sur ce fil tu ouvres le parapluie (à comprendre ici comme une médecine défensive lorsqu’on se barricade derrière des prescriptions exagérées d’examens ou de traitements) ?
 
Tu penses beaucoup à te protéger, un peu à protéger le patient, être le puissant qui maîtrise tout. Rien de plus humain. Mais sur un fil, si tu ouvres le parapluie, tu te casses tout simplement la gueule.
 
Douter, se remettre en question, prendre du recul, c’est chiant, c’est angoissant, c’est dévalorisant, c’est avancer moins vite qu’on ne l’avait prévu. Mais c’est avancer quand même.
 
Pourquoi toujours plus ? Toujours trop ? Pourquoi seule prévaut la loi du tout ou rien ? Est-il si difficile d’avancer de façon modérée, nuancée, sans passer d’un extrême à l’autre ? Sans pour autant être considéré comme un extrémiste ?
 
La médecine est à mes yeux aujourd'hui quasi exclusivement centrée sur la technicité.
 
Pour certains, c’est une forme de pouvoir. Une forme seulement ? Non, c'est un pouvoir à part entière.
 
Pour d’autres, c'est un banal bien de consommation.
 
On peut sans excès dire que trop souvent médecine rime avec business, gain, rentabilité.
 
Affublée de tous ces attributs, la médecine peut-elle encore être un art ?
 
Moderatus...

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mardi 8 avril 2014

DISSECTION

 
Une petite séance de dissection de ce qui s’est passé récemment au sujet de la vaccination HPV est me semble-t-il très informative sur les procédés utilisés dans notre pays pour éviter tout débat clair et serein dans le champ sanitaire d’une façon générale.
Je rappelle au passage que l’article 35 du code de déontologie médicale stipule :

« Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. »

A mes yeux la problématique posée par la vaccination contre le HPV est la suivante :
 
« La Commission de la transparence rappelle qu’en l’état actuel du dossier, les résultats suivants ne sont pas établis :
 
- efficacité en termes de prévention des cancers du col (bien que des données complémentaires aient été apportées concernant spécifiquement les lésions précancéreuses CIN 3 et AIS, précurseurs immédiats du cancer du col),
 
- durée de la protection croisée n’est pas connue au-delà de 3,6 ans,
 
- immunogénicité dans les populations d’immunodéprimés (étude en cours),
 
- évaluation d’une modification éventuelle de l’écologie virale liée à l’introduction de la vaccination. »
 
Il s’agit là de textes tirés de la Commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé (1), qui elle-même se base en général sur les rapports du Haut Conseil de la Santé Publique, qui lui-même se base sur l’avis du Comité Technique des Vaccinations (tu le sens le millefeuille…).
 
Il me semble donc que nous sommes assez éloignés de ce genre de références :
 

 
Genre d’ouvrages et de pensées que je ne cautionne absolument pas mais avec lesquels certains souhaitent faire l’amalgame dès qu’on émet la moindre contradiction. C'est d'ailleurs à mon humble avis justement grâce à une rigueur scientifique sans faille et le moins de zones d'ombre possible que l'on peut espérer lutter efficacement contre ce ramassis de conneries.
 
Les instances officielles semblent donc claires, et comme je l’ai déjà écrit ici : De la réactivité des ARS ou encore là :  Coupons des têtes !, je répète que je suis étonné, en dehors de tout parti pris politique, de voir le Président de la République parier sur cette vaccination dans le nouveau plan cancer.
 
S’étonner, douter, émettre des réserves ne signifie pas forcément être contre, encore moins mentir.
 
Voici encore une ou deux phrases tirées de l’avis (2) du HCSP sur la question :
 
« L’efficacité du vaccin Gardasil® sur le cancer invasif du col de l’utérus ne peut pas actuellement être démontrée puisqu’il existe un délai moyen d’au moins 15 ans entre l’infection HPV et la survenue d’un cancer. En revanche, l’efficacité des vaccins contre les papillomavirus humains peut être évaluée de manière indirecte par la prévention des lésions cervicales de haut grade (CIN2/3) qui font suite à l’infection (si le virus n’est pas éliminé) et précèdent le stade de cancer invasif. »
 
« De nombreuses études randomisées contrôlées ont été mises en place par la firme en vue de l’autorisation de mise sur le marché.» (ce qui est important à remarquer est en gras et souligné par mes soins).
  
A la lecture de ces phrases, il me semble que dire aux patientes qu'il s'agit de la vaccination contre le cancer du col n'est pas une information loyale et claire. Elle le deviendra peut-être, mais à ce jour, elle ne l'est pas. Ensuite, les études prises en références par le HCSP ont été mises en place par la firme. Je n'en conclus rien, mais c'est intéressant et important à savoir... C'est tout.
 
Je pense que le doute est donc permis et difficilement sanctionnable...
 
Pourtant, lorsqu’un médecin exprime des doutes et des critiques contre un ardent défenseur de cette vaccination comme ce fut le cas ici sur le blog d'Hippocrate et Pindare, le rouleau compresseur se met en marche. Le médecin se fait rapidement étriller par la rédactrice en chef d’un site dit « spécialisé » au nom incroyablement pompeux de Journal International de la Médecine. Ouais, carrément ! Il suffit pourtant de gratter un peu et de lire la réponse du berger à la bergère : Qui désinforme vraiment ? pour s'apercevoir que le sérieux et la rigueur de ce site sont discutables. Malgré sa renommée apparemment et ouvrons bien les guillemets "internationale", je ne connaissais pas ce site qui comme d’autres possède à mes yeux deux intérêts majeurs. Le premier est de permettre d’observer les rouages de la promotion des produits de l’industrie pharmaceutique, ce genre de sites étant bien souvent à la botte des laboratoires même si leurs membres affirment la main sur le cœur être complètement indépendants, choses qu'ils pensent sans doute, je ne remets pas en cause leur sincérité.

 
Mais le second intérêt est finalement bien plus important pour chacun d'entre nous. Il est à découvrir ci-dessous en image :


 
 
(le JIM n’étant publié qu’en version numérique, il suffit d’en imprimer une ou deux pages selon l'importance de la commission quotidienne et ça devrait faire l’affaire. Pensons à la planète.)
 
 

Venons-en désormais au Professeur Vallancien qui sur son blog hébergé par le site du Monde titre son billet du 4 avril : "Gardasil, la pétition mensongère".
 
J'ai apparemment plus ou moins utilisé les mêmes références que lui pour écrire ce billet, mais nous n’en avons pas sorti les mêmes phrases. Le résultat final est donc différent. Le fond comme la forme de son billet m’ont noyé d’informations plutôt indigestes et me laissent le goût d’une certaine précipitation. Je reconnais avoir l’impression que monsieur le Professeur jette toutes ses armes pour sauver le soldat Gardasil très légèrement non pas mis à mal mais mis en doute au plus grand désarroi du Général Sanofi-Pasteur-MSD. Cela est relativement intéressant quand on sait que c’est ce genre de leader d’opinion qui va user ses fonds de culotte sur les fauteuils cossus du ministère de la santé pour souffler de bons conseils aux oreilles des ministres qui s’y succèdent.
 
En toute confraternité, même si je sais qu’il n’est pas toujours aisé de décrocher d'un métier exercé consciencieusement et avec passion, à plus de 68 ans, n’est-il pas temps pour lui de profiter d’une belle et douce retraite ? Et d’aller par exemple s’exercer à la pétanque ? Les boules, j'imagine qu'un professeur d'urologie, ça doit toucher. Tiens, je suis prêt à l’y inviter pour une jolie partie à l’ombre des platanes de la place de mon village peuchère ! A condition qu’il soit bon joueur et ne me soupçonne pas sans cesse de « turqueries malsaines » au cas où je venais à gagner la partie.
 
Pour résumer une fois de plus et avec plus de sérieux l’histoire du Gardasil, il ne s’agit pas d’être aveuglément pour, ni obstinément contre, il s’agit simplement d’obtenir plus de clarté pour à mon sens pouvoir respecter l’article 35 du code de déontologie médicale sus-cité. Pas de quoi en faire tout un fromage si ?


Quant aux procédés utilisés par le camp des promoteurs effrénés, il n’y a rien de très innovant. Un médecin charismatique largement médiatisé donne son avis musclé du haut de la pyramide. Quelques porte-voix peu talentueux aux compétences à vérifier relaient la parole en profitant au passage pour décrédibiliser la partie adverse qualifiée d’anti-progrès, laissant insidieusement planer le doute sur des mouvances limite sectaires. Et en voiture Simone, le tour est joué. Il suffit d’aller disséquer dans les confins de l’histoire comme dans certains événements plus récents pour vérifier que le procédé ne fait que se répéter de façon certes moins barbare de nos jours. Je parle ici seulement des procédés et ne veux surtout pas sous-entendre que l’affaire du Gardasil si affaire il y a se terminera de la même façon. Mais un lointain parallèle avec des faits passés me semble intéressant et les plus curieux pourront aller les disséquer :

-Fort heureusement, il n’est par exemple plus possible de nos jours de condamner au bûcher des médecins accusés de sorcellerie comme ce fut le cas sous l’Inquisition, alors que ceux-ci ne cherchaient qu’à comprendre et à expliquer.

 
-Les hypothèses de Semmelweis sur l’origine de la fièvre puerpérale rencontrèrent les plus vives critiques et hostilités de la communauté médicale, il aurait probablement lui aussi eu droit à la condamnation au bûcher sous l’Inquisition.

 
-Le lynchage et les attaques subis par Irène Frachon lors de la mise en lumière des effets du Médiator est un exemple parlant et récent à méditer.
 
-Même s’il profère régulièrement des propos peu élogieux sur ses confrères généralistes, rappelons-nous de l’alerte du Dr Patrick Pelloux lors de la canicule de 2003, et la légèreté du GRAAAND PROFESSOR DE PEDIÂÂÂTRIE MATTEI, alors ministre de la santé à l’époque où l’on pensait encore qu’un ministre de la santé était utile… Il ne s’agit pas ici de disséquer un procédé mais plutôt de rappeler que même un professeur de médecine aux fonctions honorables et au CV intimidant peut parfois se révéler un peu light au point de faire pschitt !
 
Il y aurait encore bien d’autres exemples à citer, mais ceux-ci me semblent emblématiques et méritent d’être disséqués. Bonne dissection ! Cela permettra peut-être à tous de conserver la tête froide, bien ancrée sur ses épaules, pour œuvrer dans le même sens…


(1) Avis de la commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé sur le GARDASIL (20/03/2013)
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-04/gardasil_modif_population_cible_avis2_ct_12747.pdf

 (2) Le vaccin Gardasil® et la stratégie de prévention globale des cancers du col de l’utérus : Avis et rapport du HCSP du 21/10/2011 http://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=231



jeudi 3 avril 2014

COUPONS DES TÊTES !

 

En lisant le blog d'un confrère, je découvre dans son dernier billet qu'un « grand nom » de la médecine, Officier de la Légion d'honneur ainsi que de l'Ordre National du Mérite s'offusque contre des médecins signataires d'une pétition. Monsieur le Professeur va même jusqu'à se demander s'il ne serait pas possible de les poursuivre.
 
Étant moi-même signataire de cette pétition, je me sens évidemment quelque peu visé par ses propos que l'on pourrait qualifier de méprisants, arrogants, humiliants, etc... Mais autant s'arrêter là puisque rien ne sert d'envoyer des noms d'oiseaux par écrans interposés et surtout, nous sommes soumis au respect de la confraternité...
 
Alors posons calmement les choses. La pétition concerne la vaccination contre le Human Papillomavirus (HPV), souvent raccourcie à la vaccination contre le cancer du col de l'utérus. Pour ne pas polémiquer stérilement et éviter toutes peurs inutiles, un article très éclairant sur cette vaccination est disponible sur le site Atoute du Dr Dominique Dupagne.
 
En voici la conclusion :

Tout ce que l’on peut dire actuellement du GARDASIL et du CERVARIX se résume ainsi "Ce vaccin procure un bénéfice très faible, s’il existe, et expose à un risque très faible d’accident grave, s’il existe"
Il me semble que c’est peu pour justifier un tel battage publicitaire et une dépense de 400€ pour 400 000 jeunes filles tous les ans (160 millions d’euros). Une telle somme aurait peut-être été mieux utilisée en organisant au niveau national le dépistage par frottis, qui a fait ses preuves.

 
La fameuse pétition incriminée, même qualifiée de « pétition d'horreur » (consultable ici) demande la mise en place d'une mission parlementaire sur l'opportunité de cette vaccination.
 
En signant cette pétition, on peut vite être caricaturés en « anti-vaccin », « anti-progrès », et même pourquoi pas être « pour le cancer du col », hein pendant qu'on y est pourquoi pas aller jusque-là...
 
Me concernant, j'ai tout simplement signé cette pétition car j'ai besoin d'être éclairé sur le sujet, donc d'être éclairant pour les patients. J'ai d'autant plus besoin d'être éclairé que, bien que persistent des zones d'ombre plus sur l'efficacité que sur la dangerosité du vaccin, le Président de la République en personne l'a inscrit comme une priorité du plan cancer annoncé récemment. J'avoue avoir été très étonné par cette annonce. Alors l'idée de mouiller les politiques jusque sur leur terrain en demandant une mission parlementaire m'a plutôt séduit.
 
Quelque chose m'a peut-être échappé, mais je ne vois vraiment pas pourquoi le médecin qui a courageusement lancé cette pétition ainsi que tous les signataires devraient être poursuivis.
 
Le « grand professeur » se posant cette question a pour atout un CV bien fourni, mais comme on dit : l'habit ne fait pas le moine... Un temps chargé de diverses missions ministérielles, cela l'autorise probablement à défendre les recommandations quand celles-ci l'arrangent comme ça semble être le cas pour la vaccination contre le HPV, tout en les dénigrant avec vigueur quand elles ne vont pas dans son sens, comme c'est le cas pour le dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA. Ce virtuose du grand écart peut donc élégamment poser la question de la sanction de ses confrères qui eux se posent la question de la clarté.
 
Sanctionner le questionnement, annihiler la réflexion, faire de certains grands pontes des distributeurs de dogmes à ne surtout pas contredire mais à faire appliquer par de pauvres petits médecins lobotomisés, c'est tuer la démocratie.
 
Cette façon de faire et de penser ne peut-elle pas mener loin, très loin, très très loin ?

 

 
Dans un élan de colère rendant souvent maladroit, j'avais initialement mis ici la photo d'un lieu peu avenant. Mais mon propre malaise ainsi que la sagesse de certains de mes confrères m'ont décidé à m'autocensurer.

Rien ne sert de caricaturer à outrance, ne prenons pas les défauts de certains, restons sereins et débattons confraternellement.
 
 
Ou alors, demandons-nous si les différents scientifiques venant tout récemment d'émettre de nouvelles réserves sur l'efficacité de ce vaccin ne devraient pas être poursuivis pour avoir fait leur métier en se questionnant...
 


mardi 1 avril 2014

LE SYNDROME DE DEVIANCE SEXUELLE LIE A KELL



Je vais évoquer ici la dernière trouvaille d’un géant de l’industrie pharmaceutique, la star, le maître absolu et incontesté que beaucoup de médecins vénèrent. Pour éviter tout problème, je préfère le rebaptiser d’un nom fictif : SHYZER. J’insiste, ce nom est complètement inventé et toute ressemblance avec la réalité est purement fortuite. Il s’agit d’un puissant laboratoire bien connu des jeunes carabins comme des vieux médecins, grâce à l’abnégation de la plus que sexy Jessy, son emblématique déléguée, et de sa troupe de collègues dispersées dans toutes les régions du pays, dans tous les pays du monde. SHYZER n’est finalement pas un géant, c’est un mastodonte, qui travaille et innove dans tous les domaines de la santé. Il a d’abord tiré sa richesse de ses célèbres traitements du champ cardio-vasculaire. Puis, sans abandonner ce domaine qui lui vaut une reconnaissance mondiale, il s’est orienté et spécialisé dans tout ce qui concerne la sexualité : les infections sexuellement transmissibles, la stérilité, la contraception, les troubles de la libido, l’impuissance, l’éjaculation précoce, l’addiction au sexe et autres troubles du comportement, les prothèses mammaires et péniennes, la reconstruction d’hymen, le vaginisme, la stimulation et l’amplification du point G, sans oublier les faux ventres de grossesse en silicone qui permettent aux femmes définitivement stériles de pouvoir vivre un aspect de cet état de grâce, notamment à travers le regard des personnes croisées, etc., etc., etc...

Au sein de SHYZER, on innove, on déborde d’idées, on brise les frontières, on imagine tous azimuts, on s’autorise à dépasser la raison, ça brille, ça fait du bruit, ça fascine, ça fait rêver. Le budget communication du laboratoire est énorme, c’est même le premier poste de dépenses. La société emploie à tour de bras et fait vivre des milliers de familles. Paradoxalement, elle possède une équipe médicale et scientifique relativement restreinte. Mais on s’attache les services de nombreux collaborateurs prestigieux tous aussi influents les uns que les autres. Ils comprennent plusieurs spécialistes de tout horizon, de grands noms de l’infectiologie, de la gynécologie, de l’urologie, de la sexologie, de la psychiatrie. On compte également dans leurs rangs des psychothérapeutes, psychanalystes, chirurgiens esthétiques, endocrinologues, généticiens, biologistes, pharmaciens, mais aussi sociologues, ethnologues, philosophes, juristes, avocats, journalistes, écrivains, publicitaires, etc., etc., etc...
 
Il serait prévu que les futures grandes campagnes de marketing de chaque nouveau traitement, ou de relance d’anciens médicaments relookés, mettent en scène de grands noms du sport, de la chanson ou du cinéma. Le tout nouveau directeur international de SHYZER a souhaité rester anonyme. Mais le laboratoire va très certainement bientôt défrayer la chronique en annonçant l’identification d’un nouveau syndrome. Une demande d’autorisation de mise sur le marché d’une molécule censée traiter comme prévenir ce trouble serait même sur le point d’être déposée. On doit la découverte de ce trouble à un psycho-généticien d’origine hongroise, ayant cette originalité d’être à la fois psychiatre et généticien. Ce médecin exerce au sein d’un service de psychiatrie fermé recevant de grands délinquants sexuels. Il a publié il y a quelques mois un article dans une revue médicale peu connue mais tout de même tirée à quelques milliers d’exemplaires, The Sunset View Journal of Medicine. Je n’ai personnellement pas lu cette étude car n’y ai pas accès (l’abonnement étant fixé à la modique somme de 500 Euros/an… et je viens tout juste d’en laisser très exactement 305 pour ma cotisation à l’Ordre des médecins, alors ça va hein). Le médecin y décrirait qu’un nombre significatif de ses patients aurait la particularité d’être d’un groupe sanguin Kell d’un phénotype relativement rare dans la population générale. Il terminerait son écrit en proposant de baptiser ce trouble le syndrome de Déviance Sexuelle lié à Kell. A l’affût du moindre article, de la moindre hypothèse non vérifiée, l’équipe de communication de SHYZER se serait engouffrée dans la brèche en accaparant ce papier pour n’en publier que certaines parties dans les semaines à venir. A part quelques spécialistes avertis, on sait très bien que le commun des mortels ne connaît pas la revue médicale, que personne n’ira ainsi vérifier la véracité de l’article, et encore moins critiquer la méthodologie de l’étude. D’autant que le timing pour divulguer l’information a parfaitement été étudié. Les communicants de SHYZER sont des professionnels aguerris, tout est minutieusement préparé. Les phrases de l’article sembleraient être subtilement tirées de leur contexte pour produire le meilleur effet possible. Elles seront associées à des messages puissants et forts, à des graphiques indiscutables, au soutien de grands spécialistes de la question, induisant sournoisement la certitude absolue sur l’existence du syndrome et de son traitement miraculeux. Tout est d’une précision chirurgicale. On ne ferait en revanche nullement mention des précautions que le « découvreur » prend dans son article quant à ses observations. Les phrases utilisées par le géant du médicament ne représentent en réalité qu’une infime partie du long article descriptif des patients que le psychiatre suit depuis plus de vingt-cinq ans. Le médecin insiste pourtant longuement sur la description de l’ensemble des points communs entre tous ses patients, sur le détail des facteurs favorisants. Il évoque des facteurs environnementaux, sociaux, les antécédents de sévices sexuels, les délinquants étant souvent eux-mêmes d’anciennes victimes. Finalement, le fait que la majorité des malades soit d’un groupe sanguin particulier n’est qu’une simple observation, presque une anecdote voire une parenthèse de l’article sans aucune démonstration de lien de causalité. Le psycho-généticien précise d’ailleurs qu’aucune conclusion formelle ne doit être tirée de son étude descriptive. Il terminerait en réalité son article sur un ton humoristique en imaginant qu’un jour on pourrait peut-être nommer cet éventuel trouble le syndrome de DSK pour mieux prévenir ce type de comportement chez les hommes du groupe sanguin en question. Il ne s’agit bien sûr que d’une boutade, une forme de dérision visant certains de ses confrères voulant sans cesse absolument tout expliquer grâce à la génétique pendant que d’autres s’acharnent à le faire avec la psychologie ou l’environnement. Le médecin serait ulcéré qu’on s’apprête à utiliser une partie de ses écrits de la sorte. A peine aurait-il eu le temps de contacter ses avocats que SHYZER tenterait d’acheter son silence en l’arrosant de plusieurs milliers de dollars, une somme ridicule comparée aux rentrées potentielles du nouveau traitement curatif et préventif… Même si le pactole en convaincrait plus d’un, ce toubib aurait catégoriquement refusé l’argent. Mais le buzz médiatique est malheureusement bel et bien sur le point d’être lancé.

Au cas où par le plus grand des hasards, tu n’entendrais pas parler de cette histoire, de ce syndrome et de son traitement dans les jours ou semaines à venir, rien de plus normal. Je suis le seul à être au courant. En revanche, toi, tu sembles avoir oublié que nous sommes aujourd’hui le premier avril. Tu peux donc oublier tout ce que tu viens de lire et aller paisiblement dormir sur tes deux oreilles. Quoique, on dit souvent que la réalité dépasse la fiction, mais on dit rarement que la fiction est puisée de certaines réalités. Mais le plus important, c’est l’humour, il paraît que c’est bon à la santé. Alors à ta santé !