Flash-back.
Fin
d’été, journée plutôt calme, esprit serein.
Je
ne te connais pas, alors avant d’aller te chercher, j’ouvre ton
dossier informatique pour en savoir plus. Histoire de voir en gros où
je mets les pieds, de quoi il va en retourner. Non, M’sieur Gaston,
je ne te connais pas. Pourtant j’essaie déjà de m’immiscer dans
une partie de ta vie. T’inquiète pas M’sieur Gaston, c’est pas
de la curiosité, juste de la bienveillance.
Apparemment,
le médecin que je remplace ne te connaît guère plus. D’après le
logiciel, une consultation cinq ans plus tôt pour trois fois rien.
Bon,
très bien, ça me va. Les trucs compliqués avec plein d’antécédents
partout dont des noms de maladie de
TrucBiduleChoseInconnueAuBataillonACoucherDehors que je suis obligé
d’aller fouiner sans trop le montrer pour savoir ce que c’est
sans avoir l’air trop con déjà que je ne suis que généraliste,
ça me donne mal à la tête. (Je sais qu’elle est longue cette
phrase mais je l’aime bien comme ça, na !).
Donc
un type de la cinquantaine passée, sans antécédent, qui ne va
jamais chez le toubib, ça ne devrait pas être grand-chose. Je me
lève, je sors du bureau, je me dirige vers la salle d’attente,
comme d’habituuude (ceci n’est pas un clin d’œil à Cloclo mais
à Matthieu Calafiore, un doc qui mouille la
chemise pour l’enseignement de la médecine générale). J’ouvre
la porte. Tu es là, debout, à observer les affiches murales,
accompagné par le son de la pompe de l’aquarium dans lequel deux
poissons rouges nagent en rond. Si tu attends là debout M’sieur
Gaston, ça confirme ce que je pense, tu n’as pas bien grand-chose
de méchant. Quand t’as un truc gravos, ça fait mal, ça saigne,
ça arrive à peine à marcher les trucs gravos. Tu me regardes, je
te tends la main en t’invitant à te diriger dans le bureau de
consultation. On s’assoit.
Tu
m’expliques ce qui t’amène. Tu poses tes mains sur ton bide
légèrement bedonnant en m’informant que tu fais de la
diverticulose. Tu grimaces un peu en appuyant sur la région
épigastrique. C’est la première fois que je te vois, je ne sais
pas comment tu es habituellement, mais j’ai l’impression que tu
es fatigué même si tu souris. On échange quelques mots, le
transit, la digestion, l’appétit, etc… Tu me reparles de ta
diverticulose que tu sors de je ne sais trop où. Tu me sers ce
diagnostic sur un plateau, alors moi, intérieurement, ne voulant pas
te contredire, tout en chantonnant ces paroles célèbres « J’ai
la rate qui s’dilate… »,
je prépare déjà l’ordonnance que je te ferai pour ce que
j’appelle des douleurs abdominales d’allure banale, et qui
ponctuera notre rencontre. Un problème, une solution…
Tu
te déchausses. On se lève en même temps. Et avant de te diriger
vers la table d’examen, tu ajoutes que ça te brûle dans la
carlingue en tournoyant ton poing serré en regard de ton sternum. Tu te forces à toussoter histoire
de me prouver ce que tu avances. Puis tu précises que c’est
probablement ton fiston qui va retenter sa deuxième première année
de médecine qui t’a refilé sa bronchite. Intérieurement, je
réfléchis à ce que je vais ajouter sur ton ordonnance pour ta
soi-disant bronchite. Deux problèmes, deux solutions…
Tu
t’allonges et on échange sur ton fiston qui tousse depuis une
semaine. Il t’attend patiemment dans la voiture garée sur le
parking du cabinet. Il bosse ses cours, pour le concours
chaque minute compte…
Comme
tu viens principalement pour ton ventre, c’est par là que je
débute mon examen. Je pose mes mains, je palpe chaque cadran, c’est
souple, ça ne déclenche pas de douleur particulière. Pas de frisson, pas de
fièvre, ça ne semble vraiment pas bien méchant. Les "pas de ceci, pas de cela" sont importants en médecine. C’est donc bien ce
que je disais, des douleurs abdominales d’allure banale. Je le sais
mieux que toi, je suis médecin tout de même. Un antispasmodique
devrait faire l’affaire.
Bon
M’sieur Gaston, tu m’as parlé de bronchite. « J’ai
la rate qui s’dilate, j’ai le foie qu’est pas droit… ».
Ce qui est certain, c’est que je ne t’ai pas entendu tousser une
seule fois à part lorsque tu t’es forcé à le faire. Je n’y
crois pas à ta bronchite, pas plus qu’à ta diverticulose
d’ailleurs. Je pense vraiment que tu n’as pas grand-chose. D’un
autre côté, consulter pour le moindre pet de travers, ça ne semble
pas être ton genre. Alors que viens-tu réellement faire ici ?
T’en as plein le dos au boulot et tu vas me réclamer un arrêt ?
Ou alors c’est au pieu que ça ne va pas fort avec la mère du
fiston ? Ben quoi ? Avant-hier on me l’a faite celle-là.
Un type de ton âge s’est pointé avec des sensations bizarres dans
le creux de sa main. J’ai tout regardé, devant, derrière, entre
les doigts, les pouls, les réflexes, etc… sauf les lignes parce
que je sais pas faire. Et rien. Rien de rien. Je séchais grave. La
consultation allait se terminer comme ça, tous deux insatisfaits. Le
type m’a finalement avoué ne pas avoir de problème avec sa main,
puis très gêné, il m’a indiqué que son vrai souci se situait
sous la ceinture. Pas toujours facile à introduire ce genre de truc
faut dire. Donc toi, ça se trouve c’est pareil. Depuis le début
tu m’embarques partout sauf là où tu devrais. On va finir par
faire fausse route voire se foutre dans le fossé. Bon, puisque tu
es là, et que tu ne viens jamais chez le médecin, on va écouter un
peu dans ta carcasse des fois qu’elle ait des choses à dire, puis
prendre ta tension, puis regarder un peu tout ça quoi.
Fin
d’été, journée plutôt calme, pas un chat dans la salle
d’attente, le téléphone ne sonne pas, esprit serein. « J’ai
les hanches qui s’démanchent, l’épigastre qui s’encastre,
l’abdomen qui s’démène, j’ai l’thorax qui s’désaxe, la
poitrine qui s’débine… »
Je
pose mon stéthoscope sur ta poitrine, ça bat. Tant que ça bat, ça
va. Mais ça bat vite là-dedans M’sieur Gaston dis donc ! Le
stress de la blouse blanche ? Vraiment ça bat vite ! Et
surtout, ça souffle ! Pas le petit souffle sournois que tu te
demandes si c’est le cœur ou ton imagination. Non, là, y a pas à
chier, y a un souffle du tonnerre que même le fiston qui révise son
concours P1 dans la bagnole entendrait. La diverticulose ?
Qu’est-ce qu’elle vient foutre ici la diverticulose de mes deux ?
C’est quoi ce bordel ? Bon, restons calme et serein. C’est
un souffle ancien, et tu as oublié de m’en parler, voilà tout, on
ne va pas en faire tout un fromage. « J’ai
les reins bien trop fins, les boyaux bien trop gros, j’ai l’sternum
qui s’dégomme, et l’sacrum c’est tout comme… »
Putain,
non, on ne t’a jamais parlé de souffle, et t’as pas plus de
bronchite que de diverticulose, ça te brûle vraiment dans le
caisson depuis deux-trois jours, surtout quand tu fais des efforts.
Putain, il est où l’électro ? Les fils, c’est dans quel
sens déjà ? Le Rouge, Red, Right ! Yes ! Le vert au
pied, ouais le vert c’est le gazon, c’est en bas. Le jaune, la
couleur du soleil, en haut, à gauche puisqu’à droite c’est le
Rouge-Red-Right. Y reste plus que le noir, fastoche. Oh pis les
ventouses, elles tiennent pas les ventouses sur ton torse tout
poilu ! Et y a des putains de nœuds dans les fils. Le temps que
je perds à te faire cet électro, mais si je le fais pas, le toubib
du SAMU, y va penser quoi ? Y va se foutre de ma gueule (quand
j’suis stressé, j’dis beaucoup de gros mots, désolé).
Y
a du papier là-dedans au moins pour imprimer l’électro ?
C’est comme à la caisse du supermarché, quand t’es pressé, y a
plus de papier ! (Aux chiottes aussi ça le fait des fois).
Allez, arrête de déconner, c’est pas drôle là. Tout est
branché, on peut y aller. Le tracé sort. Oh parbleu ! Oh
pardee* ! « J’ai
les cuisses qui s’raidissent, les guiboles qui flageolent… »
-Allô
le 15, j’ai vraiment besoin de vous. Pardee* pour sûr j’vous jure
que j’ai besoin de vous là tout de suite maintenant. J’avoue que
je suis souvent très nul pour vendre mon patient, je l’ai même
avoué il y a quelques mois : ici avec cette question ironique : Se former à la vente pour être un bon médecin ? , mais là s’vous plaît, vous pouvez venir en mettant le giro et le
pimpon, magnez-vous le cul bordel !
Fin
d’été, le calme précédait la tempête, esprit pas du tout
serein, j’ai chaud dans la tête, je transpire, je flippe, mais
faut pas le montrer, chut ! « Les
rotules qui ondulent, les tibias raplapla… »
-Eh
fiston ! Lève le nez de tes cours de médecine et viens par ici
faut qu’on cause du padre. Tiens, prends mon stétho et écoute.
C’est ce qu’on appelle un souffle cardiaque. Le padre ou le
father si tu préfères, bref, M’sieur Gaston va devoir aller à
l’hôpital, c’est sérieux. Le SAMU va bientôt arriver. Je vous
préviens tous les deux, ça impressionne toujours quand les cow-boys
en salopette blanche débarquent. Mais ça va aller, c’est sérieux,
mais tout va bien se passer.
Le
SAMU arrive. Ouf de chez ouf de soulagement. J'ai envie de les embrasser. Tous sans exception. Même l'ambulancier aux grosses paluches et aux longues moustaches tombantes. Un peu de retenue tout de même. Je tends la main à mon confrère chef des salopettes
blanches. Je me prends un vent (c’est loin d’être tout le temps
comme ça, amis urgentistes je vous aime, mais parfois ça arrive, et
c’est comme ça que ça s’est passé ce jour-là). Je lui
explique le pourquoi du comment de mon appel avec mon petit bout de
papier ECG tout froissé à la main. Il ne me calcule pas. Il est
concentré sur son patient qui n’est plus le mien. Je ne suis plus
acteur, mais simple spectateur. Dépossédé de mon statut, de
« mon » patient. La prochaine fois, je mettrai une
salopette tiens ! Parce que même si on dit tout le temps le contraire, l'habit fait quand même un petit peu le moine, dans la vraie vie.
Enfin,
il me regarde furtivement. Il est sur le point de m’adresser quelques mots (si,
si, je le sens) :
-On
l’embarque ton patient, il fait un infarct. (Ben je sais, c’est
un petit peu pour ça que je vous ai appelé M’sieur l’chef des
salopettes. Je me suis peut-être mal exprimé au téléphone,
désolé). Allez, on y va, salut.
-Au
revoir et merci. Bien confraternellement. (J’vous tends pas la main
M’sieur parce que deux vents dans la journée, ça fait une
tempête).
Le
lendemain, comme je sais que personne ne m’en donnera, je pars à la pêche aux
nouvelles M’sieur Gaston. Tu as été transféré au grand CHU
pour te faire opérer en urgence par les grands docteurs. Tu as fait
un gros infarctus avec une rupture septale (un trou dans la paroi du milieu du cœur) d’où le gros souffle.
« Je fais de la diverticulose et mon fils m’a refilé sa
bronchite » que tu me disais petit saligaud de cachotier…
Quelques
semaines plus tard, me revoilà à remplacer dans le même cabinet et
toi, te revoilà à consulter dans le même cabinet. Tu as mal au
cœur… Ah, je vais peut-être tout de suite commencer par le bide
alors… Je commence à te connaître M’sieur Gaston… Même pas
besoin de regarder dans ton dossier informatique.
Parfois, ça ne tient vraiment qu’à un fil. Cette histoire aurait vraiment pu se terminer autrement. Parce que parfois, on
n’est pas connecté, ou seulement un peu moins, comme je l’avais
relaté ici lorsque ce soir-là j'avais été le roi des losers.
Imagine
le tableau si ça avait commencé comme ça :
Rude
hiver, salle d’attente pleine à craquer de grippés, le téléphone
sonne à tue-tête, moi-même je suis bien pris et j’en ai plein la
tête, les yeux qui brûlent, le nez comme les oreilles bouchés, le
cerveau embué. « J’ai
le nez tout bouché, l’trou du cou qui s’découd, et du coup
voyez-vous, j’suis gêné pour parler… ».
Et ma femme qui vient de se casser. Pourquoi t’es partie ? Je
t’aime. C’est pas fini. Non. J’suis sûr que tu vas revenir. Allez
reviens, me laisse pas crever de chagrin là, tout seul comme un
vaurien. Laisse-moi au moins voir les gamins. J'étais fort minable, nous étions formidables...
Bon
je noircis vraiment le tableau, mais imagine ce patient-là dans
ce contexte-là avec un médecin préoccupé par dix mille autres
trucs… Et le patient qui lui présente les choses ainsi :
« J’ai la rate qui s’dilate…»
Certains pensent que les médecins généralistes ne sont là en gros que pour s'occuper des #NezQuiCoulent et faire des #Certifalacon. Soit. Très mauvaise caricature non ? Moi je n'oserais jamais dire par exemple que les banquiers ne sont là que pour faire du fric et encore moins que les assureurs sont tous des voleurs. Ben non, quand même, voyons... Sans trop se monter le bourrichon, moi je trouve que cette histoire illustre à la fois la difficulté et la beauté de l'exercice de la médecine générale. Savoir entrer en connexion, ne pas partir bille en tête sur ta première hypothèse, glaner un mot, un signe, une attitude qui fait que tu changes ton fusil d'épaule, que tu rattrapes le tir. Avoir cette petite veilleuse dans un coin de la tête qui te dit "Eh mon gaillard, au milieu de ces #NezQuiCoulent et ces #Certifalacon, peut se cacher un vrai malade qu'il serait préférable de ne pas louper dacodac ?". Trouver le juste milieu entre cette discrète petite veilleuse et la terrible angoisse que tu communiques maladroitement au patient, et que tu apaises en dégainant la mitrailleuse à examens complémentaires inutiles voire dangereux.
Honnêtement, M'sieur Gaston, j'étais à deux doigts de te laisser repartir paisiblement avec un antispasmodique à la noix, faussement rassuré. Le fiston t'aurait alors retrouvé dans un triste état. Il aurait peut-être raté une nouvelle fois son concours d'entrée en médecine et ne serait sans doute jamais devenu cardiologue (ça c'est pour le côté romanesque, c'est carrément du pipeau en fait mais ça le fait hein !). Pourtant M'sieur Gaston, celui qui t'a marqué, c'est le Doc à la salopette blanche avec ses gestes sûrs, son équipe sous ses ordres, sa parole ferme. Et celui qui t'a complètement scotché, c'est le grand chirurgien du grand CHU qui t'a brillamment opéré, avec son armée silencieuse de 15 blouses blanches à sa botte lorsqu'il te rendait visite chaque matin après ton intervention. Je te comprends M'sieur Gaston. Parce que ben ouais en fait, je l'avoue, j'avais un peu l'air con moi avec mes fils emmêlés, mes poires qui ne tenaient pas, et cet ECG que j'ai regardé comme si j'en n'avais jamais vu. Ben ouais M'sieur Gaston, des infarctus, y en n'a pas tous les quatre matins dans un cabinet de médecine gé, surtout des comme les tiens qui ne se présentent pas comme dans les bouquins. Ouais M'sieur Gaston, j'étais pas trop à l'aise quand j'ai appelé le 15, je n'ai sûrement pas dit d'une voix assurée tous les mots-clés comme y faut qui te rapportent un max de point à l'internat. Et quand les types du SAMU sont arrivés, je suis vite passé du statut de Docteur à celui de petit stagiaire qui sait rien faire à part regarder sans broncher. Ouais, c'est vrai M'sieur Gaston. J'aurais peut-être dû faire ci, ou faire ça, dû dire ci et pas ça. Ben ouais, et si et si et si. Mais quand même M'sieur Gaston, aujourd'hui, t'es bel et bien vivant et si t'as pu voir briller ce grand chirurgien, j'y suis un tout petit peu pour quelque chose non ?
L'exercice de la médecine générale est beau, difficile, et rend humble.
*Je sais que pardi ça s'écrit : pardi, mais là j'ai écrit Pardee parce que c'est le nom d'un tracé qu'on peut voir à l'électrocardiogramme et qui signe un infarctus du myocarde (j'la fais courte et simple pour que tu comprennes si t'es pas toubib)
Certains pensent que les médecins généralistes ne sont là en gros que pour s'occuper des #NezQuiCoulent et faire des #Certifalacon. Soit. Très mauvaise caricature non ? Moi je n'oserais jamais dire par exemple que les banquiers ne sont là que pour faire du fric et encore moins que les assureurs sont tous des voleurs. Ben non, quand même, voyons... Sans trop se monter le bourrichon, moi je trouve que cette histoire illustre à la fois la difficulté et la beauté de l'exercice de la médecine générale. Savoir entrer en connexion, ne pas partir bille en tête sur ta première hypothèse, glaner un mot, un signe, une attitude qui fait que tu changes ton fusil d'épaule, que tu rattrapes le tir. Avoir cette petite veilleuse dans un coin de la tête qui te dit "Eh mon gaillard, au milieu de ces #NezQuiCoulent et ces #Certifalacon, peut se cacher un vrai malade qu'il serait préférable de ne pas louper dacodac ?". Trouver le juste milieu entre cette discrète petite veilleuse et la terrible angoisse que tu communiques maladroitement au patient, et que tu apaises en dégainant la mitrailleuse à examens complémentaires inutiles voire dangereux.
Honnêtement, M'sieur Gaston, j'étais à deux doigts de te laisser repartir paisiblement avec un antispasmodique à la noix, faussement rassuré. Le fiston t'aurait alors retrouvé dans un triste état. Il aurait peut-être raté une nouvelle fois son concours d'entrée en médecine et ne serait sans doute jamais devenu cardiologue (ça c'est pour le côté romanesque, c'est carrément du pipeau en fait mais ça le fait hein !). Pourtant M'sieur Gaston, celui qui t'a marqué, c'est le Doc à la salopette blanche avec ses gestes sûrs, son équipe sous ses ordres, sa parole ferme. Et celui qui t'a complètement scotché, c'est le grand chirurgien du grand CHU qui t'a brillamment opéré, avec son armée silencieuse de 15 blouses blanches à sa botte lorsqu'il te rendait visite chaque matin après ton intervention. Je te comprends M'sieur Gaston. Parce que ben ouais en fait, je l'avoue, j'avais un peu l'air con moi avec mes fils emmêlés, mes poires qui ne tenaient pas, et cet ECG que j'ai regardé comme si j'en n'avais jamais vu. Ben ouais M'sieur Gaston, des infarctus, y en n'a pas tous les quatre matins dans un cabinet de médecine gé, surtout des comme les tiens qui ne se présentent pas comme dans les bouquins. Ouais M'sieur Gaston, j'étais pas trop à l'aise quand j'ai appelé le 15, je n'ai sûrement pas dit d'une voix assurée tous les mots-clés comme y faut qui te rapportent un max de point à l'internat. Et quand les types du SAMU sont arrivés, je suis vite passé du statut de Docteur à celui de petit stagiaire qui sait rien faire à part regarder sans broncher. Ouais, c'est vrai M'sieur Gaston. J'aurais peut-être dû faire ci, ou faire ça, dû dire ci et pas ça. Ben ouais, et si et si et si. Mais quand même M'sieur Gaston, aujourd'hui, t'es bel et bien vivant et si t'as pu voir briller ce grand chirurgien, j'y suis un tout petit peu pour quelque chose non ?
L'exercice de la médecine générale est beau, difficile, et rend humble.
*Je sais que pardi ça s'écrit : pardi, mais là j'ai écrit Pardee parce que c'est le nom d'un tracé qu'on peut voir à l'électrocardiogramme et qui signe un infarctus du myocarde (j'la fais courte et simple pour que tu comprennes si t'es pas toubib)
"Quand t’as un truc gravos, ça fait mal, ça saigne, ça arrive à peine à marcher les trucs gravos"... Y a que les bons qui savent que cette phrase est d'une connerie abyssale. Merci pour ton auto-dérision, pour ce billet qui va rappeler aux grands pontes que les premiers sauveurs de vie, bien souvent, sont nos petits MG. Une petite piqûre anti-alzheimer pour leur tapoter sur l'épaule, histoire (minimum syndical) qu'ils aient la politesse de se fendre d'un courrier (oh, pas de remerciements hein. Faut pas pousser le bouchon ;-) ) de compte-rendu exhaustif. Ça peut faire plaisir à la piétaille d'en bas, les ceuss qui font MG "parce qu'ils zont sûrement foiré au grand casting", et, accessoirement, être fort utile au patient.
RépondreSupprimerMoi, je lui dois la vie à mon médecin généraliste. Je lui dois AUSSI d'être entendue quand je parle QUALITÉ de vie (un substantif que peu de spécialistes de mon parcours de crabahuteuse intègrent quotidiennement dans leurs beaux discours).
Ne change rien. Et t'inquiète pas va. Mr Gaston, lui, il le sait à qui il doit d'être encore là. Espérons que son grand dadet retiendra Le grand M et le grand G qui ont su garder son daddy dans sa supporter team.
C'est ce que l'on appelle "le sens clinique".
RépondreSupprimerCelui qui conduit à mettre un stéthoscope sur le coeur d'un mec qui a mal au ventre. Parce qu'un petit clignotant qu'il n'expliquera pas s'est allumé dans le cerveau du médecin.
Des années d'étude et de pratique pour ce petit truc en plus. Une spécificité médicale. Une télémédecine ou un bouquin ne fera jamais aussi bien. Ca nous est arrivé à tous d'avoir cette petite lumière, même si ce n'est pas tous les jours (hélas).
Il faut en être fier ++ , A défendre, et à préserver. L'essence du métier de médecin, ce qui sauve des vies.