mercredi 27 août 2014

Bac + 9 = 2000 Euros/mois ou l'ubiquité du foutage de gueule !

Le 21 août 2014, après une dizaine d’années de revendications syndicales, alors que tout le monde s’en tamponne goulûment le coquillard, les décrets « revalorisant » le statut des médecins territoriaux sont parus au Journal Officiel. Victoire !?!?

Signés s’il vous plaît de la main du premier ministre MANUEL VALLS, de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique MARYLISE LEBRANCHU, du ministre des finances et des comptes publics MICHEL SAPIN, de la ministre des affaires sociales et de la santé MARISOL TOURAINE, du ministre de l’intérieur BERNARD CAZENEUVE, du secrétaire d’État chargé du budget CHRISTIAN ECKERT (heureusement qu’y en n’a pas un de plus car j’ai plus de souffle, inspiration profonde….. voilà, ça va mieux, et tu remarqueras au passage que le remaniement ministériel du 26/08 les a tous épargnés les veinards).

Comme on pourrait s’y attendre, il s’agit de revaloriser la grille indiciaire (le salaire) peu attractive des médecins exerçant au sein de la fonction publique territoriale, et de l’approcher voire de l’aligner avec les grilles d’autres fonctions publiques.

Les négociations ne datent pas d’aujourd’hui et une avancée importante semblait poindre en fin d’année 2013 puisque le cabinet de la ministre de la fonction publique annonçait qu’un décret revalorisant la grille des médecins territoriaux serait présenté au Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale (CSFPT) en janvier 2014, en vue d’une publication au premier trimestre.

La publication au premier trimestre a donc eu lieu le 21 août… Boh, c’est pas bien grave hein, on n’est plus à quelques mois près ! Et pis y a fallu aussi collecter les gribouillis de toute cette tripotée de ministres. Tu vois bien, c’est pas si fastoche que ça !

Et pis pour le même prix, on n’a pas un mais DEUX décrets !!! Donc ça prend deux fois plus de temps sûrement.

Le projet de décret présenté en février 2014 était encourageant puisqu’il laissait entrevoir une honorable revalorisation notamment pour les médecins en bas de l’échelle autrement appelés « médecins de 2 ème classe ». Au passage, il faut probablement avoir l’esprit sacrément tordu pour pondre ce type de grilles. Comme quoi l’ENA & Co. forme (ate) des tronches encore plus zarbi que la fac de médecine…

Si tu veux juger sur pièces, c’est par là Décret 1 et Décret 2. Bon courage.

Au final, il y a bel et bien une revalorisation mais mais mais mais mais….. accompagnée d’un reclassement. Cela veut tout bonnement dire qu’un médecin ayant atteint un certain échelon se verra reclassé dans un nouvel échelon impliquant au mieux une petite revalorisation du type trois mars et un carambar, au pire rien du tout. Et pour couronner le tout, il pourra prétendre avancer dans les échelons moins vite qu’auparavant. Alors, tu la sens la belle entourloupe ?

Comme tu la sens pas trop et que j'ai du mal à résister à l'envie de détailler le sujet, voici du concret.

Le fucking tableau de la grille est là (un peu flou et de traviole, je sais) :

 

Si tu es normalement constitué, tu dois grosso modo paner que dalle à ce tableau, ce qui est plus que probablement fait exprès.

Voici une traduction : après 9 ans d'études et la spécialité de médecine générale en poche, tu peux tenter d'aller bosser dans la fonction publique territoriale, et ainsi être possiblement recruté comme médecin 2ème classe 1er échelon avec un indice brut de 528. Tu suis ? Non ? C'est normal. A cet indice brut correspond un indice majoré de 452 qui n’apparaît pas sur le tableau. Pourtant l'indice majoré, c’est important puisque c'est tes sous ! Le point d'indice, c'est à ce jour environ 4,63 Euros. Soit 4,63 multiplié par 452 = 2000 et quelques Euros bruts, auxquels tu peux ajouter une ou deux indemnités variables selon la collectivité qui t'emploie, donc en gros les 2000 euros + indemnités – cotisations = tu retombes sur tes pattes ce qui veut dire environ à vue de nez que ça te fait ton salaire mensuel net avant impôts. Bac + 9 = possiblement 2000 et quelques Euros par mois en début de carrière soit 24000 Euros/an avant impôts (je ne ferai aucun commentaire et laisserai le lecteur juger de lui-même si ça vaut le coup de faire 9 ans d'études tout en continuant à éructer que tous les médecins sont des nantis sans faire la distinction avec d'éventuels chirurgiens esthétiques implanteurs de cheveux qui les yeux dans les yeux les couilles dans le slip ont réussi à se hisser jusqu'au ministère du budget ni vu ni connu et vas-y que j'... bip). Revenons à notre jeune médecin territorial qui devra ensuite engranger entre 13 et 15 années et demi d'ancienneté pour atteindre l'indice majoré de 783 qui équivaut à l'heure actuelle si tu suis toujours à 3 600 Euros.

Très sincèrement, tout cela n’est qu’un micro-détail au milieu de la crise que traverse notre pays, de la misère et des graves conflits qui s'abattent sur notre si belle planète, nous sommes bien d’accord.

Ce petit détail est même plutôt rassurant puisqu’il montre le fabuleux don d’ubiquité du foutage de gueule. Que l’on soit médecin ou pas, soignant ou pas, fonctionnaire ou pas, salarié, libéral, pharmacien en colère, chômeur, étranger, RSAiste, CMUiste, jeune, vieux, etc, pas de jaloux, chacun dans son domaine a droit à son foutage de gueule venu tout droit de nos élites. S'il est un principe de notre belle devise nationale respecté à la lettre, c'est bien le principe d'égalité... face au foutage de gueule !

Mais au-delà de ce cas précis, ce détail sans grande conséquence sur le fond, ne peut-on pas s’inquiéter de la méthode employée par ces élites ? Faire miroiter des choses inatteignables, rouler dans la farine, entuber à tout-va, transpirer la mauvaise foi, les entourloupettes de dernière minute, tout cela n’est-il pas dangereux ? Pourquoi esquiver de réelles discussions entre adultes consentants ? Pourquoi ne pas dire : « écoutez les gars, les temps sont durs, ça on peut pas, on préfère être honnêtes »  pour mieux faire passer la pilule ? Mais non, les élites continuent à nous entourlouper comme des veaux. Heureusement ou pas, la majorité du peuple est sage.

Certains s’arment de ce genre de produit de sorte que ça fasse moins mal la prochaine fois en sachant qu’il paraît que c’est encore mieux en la mélangeant avec de la Xylocaïne :

 


D’autres rêvent secrètement à ça sans pour autant oser bouger le petit doigt :





J'avoue personnellement osciller très maladroitement entre les deux options.

Mais au final, face à l'épidémie galopante du désenchantement, j’ai bien peur qu’à force de se décrédibiliser en permanence, le pouvoir politique comme certaines faiblesses forces syndicales ne radicalisent les esprits d'un trop grand nombre au point d’ouvrir un boulevard à d'autres bien plus malveillants encore... J'espère me tromper lourdement.


jeudi 14 août 2014

Inpessile heureux !

 
 
 
Il y a quelques mois, j’ai publié un billet intitulé "Toubib or not toubib ?" . Il s’agissait d’une tentative d’explications de ce qui contribua à faire diminuer le taux de mortalité infantile de 1900 à nos jours en France. L’objectif était de terminer cette explication en évoquant la santé d’une façon générale pour prendre conscience que le médecin n’est finalement qu’un maillon de la chaîne dans toute cette histoire. Un maillon utile, nécessaire, parfois indispensable, mais un maillon seulement. Pour preuve, tu peux mettre dix toubibs bardés de diplômes, de compétences et d’expérience autour d’un type désœuvré à la rue qui n’a pas une thune pour bouffer, les toubibs pourront se gratter la tête tant qu’ils veulent, ils ne régleront pas son problème. A moins que…
 
A moins que, bien avant d’arriver à cette situation extrême, le médecin généraliste de ce pauvre homme ait correctement pris en compte les inégalités sociales de santé qu’il subissait ! Il suffisait tout simplement de demander à ce patient : son sexe, sa date de naissance, son adresse, son statut par rapport à l’emploi, sa profession éventuelle, son type de couverture sociale, et ses capacités de compréhension du langage écrit. Fastoche non ? Le genre de renseignements qu’aucun médecin généraliste ne relevait avant la naissance d’un fabuleux document concocté par l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (Inpes).
 
Plus sérieusement, ce document intitulé « Prendre en compte les inégalités sociales de santé en médecine générale » pose un véritable problème que personne ne peut nier. L’amélioration de la santé et de l’espérance de vie bénéficient d’avantage aux personnes socio économiquement favorisées. Nul doute que les différents membres du groupe de travail ayant élaboré ce document (dont certains ont peut-être tout bonnement été sollicités uniquement pour apporter une caution afin de mieux faire avaler la pilule aux médecins généralistes) sont pétris de bonnes intentions.
 
La problématique est donc posée, les intentions semblent bonnes, et pourtant : patatras ! Les réactions de certains médecins généralistes n’ont pas tardé comme ici ou encore . J’avoue comprendre leur agacement car finalement les préconisations émises dans le document de l’Inpes laissent sous-entendre que de simples questions de bon sens pour comprendre la situation d’un patient n’étaient jusqu’alors pas posées. En gros, les généralistes ne feraient pas leur boulot de base. Les généralistes, tiens oui au fait, pourquoi les stigmatiser une nouvelle fois et leur refourguer la question des inégalités sociales dans une besace déjà bien remplie ? Si la question des inégalités sociales doit être prise en compte par le monde de la santé, elle doit probablement l’être par tous les soignants (et je pense très sincèrement qu’elle l’est), de l’aide-soignante, en passant par l’infirmière, la sage-femme (qui peut penser qu’une sage-femme puisse prendre en charge une femme enceinte sans lui demander son sexe ahahah !…, son âge, son adresse, sa profession, sa couverture sociale, etc… afin d’intégrer ces éléments pour conseiller au mieux sa patiente durant sa grossesse ? ), jusqu’aux grands médecins spécialistes. Au sujet de ces derniers, l’un d’eux a pris le problème à bras-le-corps en faisant un vrai travail de prévention. Il a devancé et fait gagner du temps à un éventuel futur groupe de travail de l’Inpes en expliquant à ses confrères spécialistes comment reconnaître un riche afin de prendre en compte les inégalités sociales. Voilà, ça au moins, c’est fait !
 
Bref, tout ceci pour dire que si quelqu’un prend bien en pleine face toute la misère sociale de notre pays ainsi que son lot d’inégalités, il est fort probable que ce quelqu’un soit un petit peu le médecin généraliste. Et que face à cela, malgré le document de l’Inpes, le médecin généraliste soit tout autant démuni qu’avant ce document. Car c’est bien beau de prendre en compte, mais le principal n’est-il pas : que fait-on après ? Comme tout dépistage, c’est bien beau de dépister, mais si c’est pour ne rien proposer de concret pour améliorer la situation, ça fait une belle jambe à tout le monde, ça crée des angoisses de toute part, génère de l’impuissance et de la culpabilité chez le professionnel.
 
 
Allons même jusqu’à poser cette question vicieuse: le document de l’Inpes ne va-t-il pas aggraver quelques burn-out de plus chez certains médecins généralistes ? Roh ben non quand même faut pas pousser mémé dans les orties… Alors esquivons, esquivons !
 
 
Puisqu’il apparaît que les ouvriers vivent moins longtemps que les cadres, est-ce dû à leur mode de vie ? A leur travail ? Qu’en est-il des moyens mis en œuvre pour la médecine du travail chez les cadres et les ouvriers ? Y a-t-il plus de prévention chez les ouvriers pour éviter les accidents du travail ? Moi, je n’en sais rien, je pose juste des questions ? Ce document de l’Inpes aiguise ma curiosité et faute d’apporter des réponses, m’amène à tellement de questions. Est-ce si bon à la santé de se poser tant de questions ? Pas si sûr, alors esquivons.
 
Esquivons, organisons de nouveaux groupes de travail, éditons de nouveaux documents inutiles pour mieux taire les vrais problèmes, masquer l’impuissance voire parfois l’incompétence des principaux acteurs qui pourraient lutter contre les inégalités sociales. Continuons de créer de nouvelles instances dont notre pays semble tant raffoler, à côté de l’INPES, l’INVS, le HCSP, la HAS, l’INCa, les ARS (dont nous aurons déjà observé sur ce blog l’incroyable réactivité…).
 
 
Et surtout, balayons d’un revers de main ce qui à mes yeux d’inpessile heureux a récemment contribué à augmenter des inégalités sociales de santé largement évitables, comme par exemple et par pur hasard, l’instauration des franchises médicales. Des franchises mises en place par les petits copains d’une emblématique ministre de la santé dont le fils s’est un beau jour retrouvé catapulté une fois de plus par le plus grand des hasards à la direction générale de l’Inpes affublé du doux attribut de « Plaidoyer de la santé ».  
 
 


Sur cet organigramme, Pierre Bachelot (pas Bachelet le chanteur des Corons hein !) n’est autre que le fiston de Roselyne. Comme quoi le hasard hein ! Tu connais l’histoire des fabricants de mines antipersonnel et des sociétés de déminages qui ne feraient qu’un ? Mythe ou réalité ? Oh je charge les Bachelot, c’est nul, mais t’inquiète, les socialistes vent debout contre les franchises à l’époque ne la ramènent pas trop maintenant qu’ils ont les manettes. Mais pas de stress mec, car pour réellement lutter contre les inégalités sociales, il faut entre autres et avant tout faire baisser le chômage et améliorer le pouvoir d’achat en relançant la croissance. Tu vois c’est pas compliqué. Et pour ça, il suffit de pousser la reprise, voilà comment on fait (tu vas voir, on va rigoler, c'est du même genre que le document de l'Inpes) :
 
"La note de l'Insee s'intitule Reprise poussive, alors, on peut dire il y a une reprise. Elle est poussive, donc faut la pousser, quand vous avez quelqu'un de poussif, faut le pousser. Eh ben, la reprise, c'est pareil, faut la pousser" dixit Mr le président François Hollande en marge du Conseil européen à propos des chiffres de l'Insee sur le chômage en fin d’année 2013. Si tu veux les images c’est ici.
 

Alors, tout va bien. Revenons à nos moutons : les inégalités sociales de santé à prendre en compte en médecine générale. Calmez-vous les généralistes, je vous sens un peu poussifs sur le sujet. Don’t worry, be happy ! On va vous pousser légèrement... dans le gouffre ! Moi, je vais continuer mon petit bonhomme de chemin sans trop me poser de questions. J’espère ainsi vivre longtemps en inpessile heureux sans qu’aucun médecin ne trouve le moyen de me guérir !
 
PS : par curiosité, j’ai filé ce document à une assistante sociale (34 ans de carrière) en lui demandant de le lire pour me donner son avis, sans faire le moindre commentaire. Ce n’est qu’un avis qui vaut ce qu’il vaut, mais le voici retranscrit ici avec son autorisation :
 
« Maintenant, j’ai plus peur qu’avant. Je m’attendais à découvrir quelque chose de nouveau, mais qu’il faille le redire, alors là ça me fout la trouille. Je croyais que c’était le b a ba »...

mercredi 6 août 2014

PUB MED

C’est l’été, les vacances, les barbecues, les apéros, etc… Alors je me suis dit qu’un post léger, facile à digérer, serait le bienvenu.

Il ne s’agira donc pas ici, malgré ce que pourrait laisser sous-entendre le titre, d’évoquer le célèbre moteur de recherche de données médicales PubMed. Nous allons en fait parler de Pub Med au pays des fromages qui puent.
  
 
 
Tu vas comprendre, crois-moi.

Pour cela, voici un article. Il n’est pas long, il faut le lire, et jusqu’au bout :


 
Voilà pourquoi j’ai intitulé ce post « Pub Med », c’est-à-dire : Publicité Médicale ou plutôt, Publicité faite par et pour le Médecin. On n’est pas pris en traître dans ce papier, le logo du célèbre groupe Bel est bien identifiable à la suite des propos du pédiÂtre. Donc au moins, on sait à quoi s’en tenir. On pourrait penser que cet article est tiré d’un magazine grand public chipé sur la plage à une maman partie faire des châteaux de sable avec ses bambins. Perdu ! Il est tiré de la revue médicale « Médecine et Enfance » du mois de mai 2014, à la page 146.

Tu ris Kiri ? Dommage fromage ! Moi je reste un peu sur ma faim. Alors j’imagine le tableau si on passait de la version papier à la version télé avec le sourire charmeur du doc aux dents éclatantes qui terminerait sa phrase par « fromages en portions » à l’instant même où débuterait le jingle « Bababa, bababybel… »

Oui parce que le jingle « Un gros cube, un p’tit cube, c’est l’heure de l’Apéricube », ça le ferait pas trop à cet âge !

(Il est possible qu’un des deux jingles, voire les deux, accompagnent désormais ta fin de journée, j’en suis profondément désolé)

Je ne connais absolument pas le milieu de la pub mais j’imagine qu’un grand principe est le martèlement du message via différentes sources de diffusion. Bingo !
Voici un second papier :
 
 
Celui-ci est tiré du N° 259 de la revue « Pédiatrie Pratique » du mois de juin 2014.
 
Il semble donc BEL et bien qu’au pays des fromages qui puent, des Guignols de l’info sévissent jusque dans les pages des revues médicales. Cela ne date pas d’aujourd’hui, je n'ai pas inventé le fil à couper le beurre, et voilà en gros comment tout cela est ficelé : clique ici et fais dérouler les étapes.
 
Sur ce, après cette parlotte et avec cette chaleur, gare à la déshydratation ! Je cours de ce pas m’abreuver de 33 cl d’un liquide pétillant et très sucré contenu dans une canette de couleur rouge. Moi, quel que soit le domaine, je préfère parler en Dénomination Commune Internationale qu’en nom commercial, car on pourrait me taxer de faire de la pub !