lundi 27 novembre 2017

2 POIDS - 3 MESURES - 1 ORDRE ? (suite)

Deux situations survenues la même journée sont abordées ici, l’une l’a débutée, l’autre l’a ponctuée. Comme souvent, il s’agit avant tout d’apporter des éléments de réflexion, des questionnements, et d’observer qu’en fonction de l’ordre dans lequel on prend les choses, deux poids peuvent mener à deux voire trois mesures mais qu’au final, un seul ordre s’impose, pourvu que ça soit le bon.


Situation 1 :

Important retard vaccinal chez une petite fille de 3 ans à lire ici.


Situation 2 :

Ma matinée de consultations avait donc débuté par l’histoire de cette petite fille de trois ans m’ayant une nouvelle fois fait réfléchir sur le sujet des vaccinations.

La journée s’est terminée sur un tout autre thème.

Raccourcis maladroits pour certains, liens étroits malhonnêtes pour d'autres, voire total hors-sujet pour quelques-uns, on connaît les mécanismes de défense et l'avantage des œillères. Pourtant, la médecine générale élevée au rang de spécialité ne tire-t'elle pas sa spécificité en raccommodant des tranches de vies pour en puiser des pistes de réflexions tenant compte de la globalité des problématiques ? 

Ne nous posons pas trop de questions comme le suggèrent certains et passons à cette fameuse seconde situation. 

Rentré à la maison, je relève mon courrier. J’y découvre cette invitation destinée à mon épouse : 


Pour mémoire, le sujet avait déjà été évoqué en mai dans ce billet  avec des références de la Haute Autorité de Santé et de l’Institut National du Cancer.

Des femmes sans critères de risque sont invitées dès l’âge de 40 ans à un dépistage du cancer du sein 100 % utile. Concernant mon épouse, il s’agit de la seconde invitation en six mois depuis ses 40 ans tout frais.

Reprenons cet écrit : « 100 % utile dès 40 ans » qui ressemble étrangement au célèbre slogan de la Française des Jeux « 100 % des gagnants ont tenté leur chance » à la différence près qu’il ne s’agit pas d’un jeu…



D’abord : « 100 % utile ».

Existe-t-il en médecine un examen qui serait 100 % utile ? En d’autres termes, cela revient à affirmer que l’examen est à 100 % bénéfique et ne comporte aucun risque. Troublant n’est-ce pas ?

Ensuite : « dès 40 ans ».

D’après des sources comme la HAS et l’INca (deux instances anciennement pilotées par notre actuelle ministre de la santé), si dépistage du cancer du sein il peut y avoir, c’est à partir de 50 ans* et pas avant. 

De nouveau troublant n’est-ce pas ? Et même contraire aux données actuelles de la science pourrait-on dire non ?

Aussi incroyable que cela puisse paraître, il semble y avoir non pas un mais deux mensonges dans la même phrase.

Pour le fun, voici l’introduction d’un article dans lequel le Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins s’exprimait sur l’extension de l’obligation vaccinale :

Au moment où certains praticiens s'opposent à l'extension de l'obligation à 11 vaccins pour les enfants de moins de deux ans, le président de l'Ordre des médecins, le Dr Patrick Bouet remet les pendules à l'heure. ll met en garde : les professionnels qui relaieront des arguments contraires aux données de la science pourront être poursuivis. « Quelles que soient les convictions personnelles d'un professionnel, il se doit de protéger ceux qui l'entourent. Il n'y a pas de débat », clame-t-il dans une interview exclusive au Généraliste.

Que conclure si nous extrapolons ces propos à notre mammobile annoncé comme 100 % utile dès 40 ans ?

Depuis le temps que l’on pose la question sur ce drôle de dépistage « 100 % utile dès 40 ans » vendu aux communes donc financé par nos impôts, je n’ai observé qu’une réponse gênée de l’INca se défaussant sur l’Agence Régionale de Santé et un silence médiatique total.

Quant à l’ordre des médecins qui semble se saisir soudainement de questions scientifiques, aurait-il un avis éclairé et éclairant sur le sujet ? Que dire des médecins qui prônent ce dépistage et vivent du mammobile ?

L’ordre s’étant affranchi de son habituelle neutralité scientifique en s’engouffrant dans le non-débat sur l’extension de l’obligation vaccinale, ma curiosité de connaître son avis sur d’autres questions est attisée comme jamais. Ce fut une agréable surprise lorsque j'ai découvert qu'un médecin spécialiste en médecine générale avait réussi à se hisser à la tête de l'ordre des médecins. Mon confrère généraliste établirait-il ces liens maladroits comme j'ai eu le toupet de le faire ? Raccommoderait-il lui aussi ces tranches de vie-là ? Parions plutôt sur la sagesse du silence pour certains ou le politiquement correct pour d'autres. Ainsi 100 % des gagnants auront tenté leur chance.

2 poids-3 mesures-1 ordre ?


*Pour être tout à fait exhaustif, la copie pourrait un jour est revue même à partir de 50 ans. 

mercredi 22 novembre 2017

2 POIDS - 3 MESURES - 1 ORDRE ?

Deux situations survenues la même journée seront abordées ici, l’une l’a débutée, l’autre l’a ponctuée. Comme souvent, il s’agit avant tout d’apporter des éléments de réflexion, des questionnements, et d’observer qu’en fonction de l’ordre dans lequel on prend les choses, deux poids peuvent mener à deux voire trois mesures mais qu’au final, un seul ordre s’impose, pourvu que ça soit le bon. 


Situation 1 :

Ce jour-là, ma matinée de consultations commence par la première rencontre d’une jeune femme accompagnant sa fille de trois ans. Nous faisons connaissance, déroulé habituel d’une première consultation : interrogatoire, antécédents, etc… La petite profite de ce temps de discussion avec sa maman pour se diriger gaiement vers la caisse remplie de jouets. Madame m’informe qu’elle vient d’emménager dans le secteur. Elle a vécu longuement dans le 9 3, puis s’est installée quelques années dans le 9 7, retour aux sources, avant d’atterrir depuis peu dans le coin. De temps en temps, la petite, gracieuse et à l’aise, jette un œil sur sa mère avant de poursuivre l’exploration miraculeuse de ma caisse à jouets. Dans le même temps, c’est sur les pages du carnet de santé de la fillette que je pose furtivement mon regard tout en conversant. Je m’aperçois qu’une seule injection du vaccin Infanrix Hexa et du vaccin Prévenar ont été réalisées à l’âge de deux mois. Et rien d’autre concernant les vaccinations n’est mentionné.

Si le carnet de santé a été correctement rempli, me voici donc devant une maman dont l’enfant n’est pas en conformité avec la loi sur l’actuelle obligation vaccinale (Diphtérie-Tétanos-Poliomyélite). On peut même imaginer que je suis en droit voire que c’est mon devoir de le signaler aux autorités compétentes. Un poids-une mesure-un ordre. Mais fort heureusement, entre les mesures, les procédures, le supposé ordre des choses, il y a de l’humain pour remettre les choses dans le bon ordre.

Il n’y a aucun oubli dans le carnet de santé de cette petite fille dont les vaccinations ne sont effectivement pas à jour. Lorsque Madame a emménagé ici, qu’elle a entamé les démarches pour inscrire sa fille à l’école maternelle, les textes législatifs ont été appliqués. Alors on lui a refusé l’inscription scolaire. 

Cette maman m’amène donc sa fille afin de remettre de l’ordre dans ses vaccins et qu’elle puisse l’inscrire à l’école. Tout devrait rentrer dans l’ordre rapidement.

Sauf que contaminé par des consultations précédentes, par le discours ambiant et les polémiques actuelles sur l’extension des obligations vaccinales, j’ai posé la question suivante à cette jeune femme : « Avez-vous des craintes, des réticences sur ces vaccinations ? »

Sa réponse m’a foutu en rogne.

Pas contre elle, ni contre les agents administratifs qui ont respecté la procédure en refusant l’inscription. Mais contre le décalage entre nos représentations et la triste réalité de la vie des gens. Et contre tout ce qui risque d’advenir prochainement si on se laisse aveugler par ce décalage.

Car avais-je affaire à une maman anti-vaccin comme on pourrait logiquement le penser ?

Avant qu’elle ne réponde à ma question, j’ai cru lire dans son regard un mélange de détresse, de souffrance et de culpabilité. Oui, durant une consultation, il y a une multitude de petits signes subjectifs bien éloignés de la séméiologie universitaire.

« Pas du tout docteur ! Je n’ai absolument aucune crainte, mais… »

Elle m’a alors raconté son parcours. Pas en détail, nous n’avons pas besoin de détails, un simple résumé suffit. La fuite, la solitude, les foyers d’hébergement. Les yeux humides, cette femme me raconte qu’elle a fui des années de violence, qu’elle a fui pour sauver sa peau et celle de sa fille. On sent toute la douleur resurgir à l’évocation de ces événements. On imagine les scènes qu’elle revit comme à l’identique. Et on comprend rapidement ce qu’elle dira elle-même :

« Alors vous comprenez docteur, les vaccins, c’était vraiment le dernier de mes soucis ».

Cette mère hors-la-loi si l’on se réfère aux pages de vaccinations du carnet de santé de sa fille est au contraire une mère qui a tout fait pour la protéger, et qui continue de tout faire au mieux pour elle en cherchant à la scolariser alors que rien ne l’y oblige à cet âge.

La violence, ou plutôt les violences, voilà un fléau de santé publique. Combien d’enfants, d’adultes, de familles, paralysés dans l’isolement, le mutisme, l’évitement, les addictions, emprisonnés dans des diagnostics de troubles de la relation, du comportement, de syndromes dépressifs ou autres pathologies psychiatriques après avoir subi ou été témoins de violences sous toutes leurs formes ?

Combien de mères ou de parents auraient eu la force de pousser une autre porte comme a su le faire cette jeune femme pour sa fille de trois ans quasiment pas vaccinée ? Pour bien des cas fragilisés, le poids de mesures de plus en plus contraignantes ne vous enfonce-t-il pas la tête sous l’eau plus encore ?

Elle, elle a eu le courage et la volonté de ne pas baisser les bras, d’affronter les jugements, les regards. La petite ira à l’école, un peu plus tard que les autres, mais elle ira.


Il faut des règles, des mesures, des lois, mais ne nous cachons pas derrière et restons vigilants à ce qu’elles ne nous déshumanisent pas, à ce qu’elles n’excluent pas ceux qu’elles sont censées protéger, à ce qu’elles ne nous fassent pas perdre le sens de nos actes, de nos décisions.


Situation 2 :

vendredi 17 novembre 2017

LE DésORDRE DES CLOWNS ?



Une quinzaine de billets publiés sur ce blog évoque le thème des vaccins majoritairement pédiatriques. Je défie quiconque de trouver un seul élément au sein de ces écrits comme au sein de la centaine d'articles de ce blog, reflet partiel de ma pratique loin d’être parfaite, allant à l’encontre des données de la science. Mes derniers billets ont exclusivement traité de l’extension de l’obligation vaccinale. Je me suis clairement exprimé contre cette extension seul ici ou en m’associant à quelques confrères dans une lettre commune. Tant que la loi n’est pas entrée en vigueur, j’estime que l’on est en droit de s’exprimer et qu’il est toujours temps de participer à sa façon au débat.

J’assume et je réitère cette prise de position qui se fonde essentiellement sur deux piliers.

Premièrement, au-delà du seul thème de la vaccination et en dehors des situations d’urgence, je conçois ma place de médecin comme celle d’un copilote. Le patient ou le parent d’un enfant est le pilote, je ne fais que l’accompagner sur le chemin de la santé. Je tente de le guider au mieux, selon ses choix, avec des conseils, des avis, des préconisations, des prescriptions.

Second pilier, tous ces éléments que je mets à disposition du pilote doivent être argumentés le plus scientifiquement et le plus indépendamment possible tout en respectant bien évidemment la déontologie et la législation quand loi il y a.

Ce n'est pas plus compliqué que ça. Pour moi, la relation de soin verticale est d'un autre âge. Laissez-vous tomber paisiblement de votre piédestal de toubib les amis, je vous assure que c'est indolore !

Dans un récent billet, je relatais mes difficultés et mes questions face à un père ayant refusé les vaccinations pour son enfant. Ayant échoué à assurer mon rôle de copilote durant cette consultation, tout proche de la sortie de piste, la première conclusion venant à l’esprit est que l’obligation réglera ce genre d’échec. Je n’ai pourtant pas tiré cette conclusion-là, j’ai tiré de cette mauvaise expérience d’autres réflexions qui malheureusement se vérifient jour après jour.

J’ai toujours considéré que le plus important n’était pas forcément une décision prise un jour, mais toutes celles qui en découleraient le lendemain puis le surlendemain.

Illustrations :

Dans ce billet (LA CONFRULTATION) publié le 7 octobre 2017, j'évoquais la possibilité de rendre obligatoire la vaccination contre le Human PapillomaVirus (HPV) visant essentiellement à lutter contre les infections pouvant mener au cancer du col de l’utérus.

Une dizaine de jours après, lors de l'examen en commission des lois à l'assemblée nationale de l'article concernant l'extension de l'obligation vaccinale, le rapporteur de la loi ne disait rien d'autre :

«  Il ne faut pas qu'on ait peur de débattre, au-delà de la question de la vaccination obligatoire, sur les étapes suivantes, sur ce qu'il y aura après pour protéger les enfants. Peut-être qu'un jour nous arriverons à débattre sereinement de la question du papillomavirus dans le cancer de l'utérus, etc... »

Nous pouvons facilement supposer avec ces quelques lignes, que dans la tête de ce député et médecin, la loi étendant l’obligation à onze vaccins n’est possiblement qu’une étape avant d’autres.

Toujours dans ce fameux billet, j'exprimais l'idée suivante : l’Ordre des Médecins s’étant félicité dans un communiqué de l’extension de l’obligation vaccinale, ne pourrait-on pas désormais lui demander de faire régner l’ordre ?

Dans une récente interview, le Président du Conseil National de l'Ordre des Médecins en personne tenait des propos semblant aller dans ce sens.

Mais de quel ordre parle-t-on ?

Un peu de dérision pour détendre l’atmosphère.

Le désordre n'est-il pas mis et alimenté par des clowns ?

Rapide flash-back sur l'obligation vaccinale :

-2013/2014 : le Haut Conseil de la Santé Publique s'accapare du sujet de l'obligation vaccinale et rend son avis : "Politique vaccinale et obligation vaccinale en population générale" consultable sur ce site.

Naïvement, de ma place de médecin copilote, j'interprète cet avis comme un premier pas vers la levée future de l'obligation.

-2016 : une Concertation Citoyenne à l'initiative de Marisol Touraine n'amène ni les citoyens ni les professionnels à se prononcer en faveur d'une extension de l'obligation. C'est pourtant l'unique option choisie par les experts et retenue par la ministre Touraine.

-printemps 2017 : Mme Touraine passe le flambeau au Professeur Buzyn, passage durant lequel l'ex-ministre appuie sur la nécessité absolue de faire passer cette extension.

-automne 2017 : l'extension est actée pour les enfants à naître à partir de janvier 2018.

Dès l'avis du HCSP de 2014, j'étais donc à côté de la plaque, un vrai clown !

Rappelons cependant qu’entre temps, la Société Française de Santé Publique s’est plutôt exprimée contre cette extension d’obligation vaccinale comme le Collège National des Généralistes Enseignants tout en sachant que la pratique vaccinale fait grandement partie de la pratique de médecine générale. Bien qu’il ne soit pas un institut d’EXPERTS vaccinologues, on peut penser sans pousser le bouchon trop loin que le Collège de Généralistes possède une expertise certaine sur la question.

MAIS.

Il manque sans doute un élément fondamental dans ce déroulé rapide ayant conduit au vote de l’obligation des onze vaccins pédiatriques. J’ai omis d’introduire l’intervention d’un autre clown. Je pense que paradoxalement et n’en déplaise à ses nombreux aficionados, le clown Joyeux a tristement servi la cause des promoteurs de l’obligation. Il a habilement capté le projecteur sur lui. L’Ordre des Médecins a tenté de le rattraper, de le radier, en vain jusqu’à ce jour, participant à intensifier la lumière sur ce clown qui a réussi quasiment à lui seul à précipiter la décision experto-gouvernementale d’imposer ces vaccinations sans débat serein. Décision applaudie et soutenue par une quarantaine de sociétés savantes (et syndicats médicaux pour gonfler les rangs ?) dont on peut se demander sans être insultant pour quelques-unes d’entre elles de quel niveau d’expertise et d’indépendance sur la question elles peuvent se glorifier par rapport à une instance comme le CNGE.

Ainsi, modeste clown parmi les clowns, de simple copilote, cette décision va me faire remonter demain sur la selle de pilote, laissant vacante celle de copilote, le patient-parent étant quant à lui relégué passager arrière seconde classe en route sur un drôle de chemin tortueux.

C’est justement parce que nous sommes à la proche veille de l’application plus que probable de cette décision que les clowneries de toutes parts s’intensifient. On ne s’entend, ou plutôt, on ne s’écoute pas. On raccourcit, on travestit, on fait des amalgames maladroits voire malhonnêtes.

D’anciennes gloires de la médecine nobélisées jadis mettent en scène leurs pitreries comme si elles souhaitaient conclure leur parcours non pas par un tour mais par un bras d’honneur adressé aux institutions qu’elles ont pourtant servi des décennies. Les patrons flingueurs dézinguent sans retenue à la manière d’adolescents rebelles confirmant que la vieillesse est un retour à l’enfance.

Le Président de l’Ordre en père fouettard tente de les remettre dans le cadre ou de les y en faire sortir, on ne sait plus trop. Propos ciblés sur ces clowns-là ou plus larges sur des médecins qui ne rigolent pas sur ce sujet-là ? On s’y perd.

Trois de mes confrères ont réagi aux mots du Président Bouet sous des angles différents, complémentaires et très intéressants : 



La colère et le trouble nous font tous parfois sortir de nos gonds, surtout lorsque l’on se sent injustement visés. C’est humain et utile.

Il est dommage de constater que certains journalistesqui plus est, médecins, dont le rôle me semble être de se distancier du feu de l’actualité pour mieux la présenter tombent à leur tour dans la caricature et l’amalgame participant mieux que personne au désordre des clowns. 



Ainsi va la vie.

Demain, les médecins pilotes qui hier et aujourd’hui imposent des vaccins recommandés sans en informer clairement et loyalement leurs patients seront enfin en conformité avec la loi. Leur siège de pilote sera renforcé. En d’autres termes pour ceux qui n’auraient pas compris ce que j’évoque là ou qui fermeraient volontairement les yeux, régulièrement chaque jour des vaccinations (mais bien d’autres choses allant parfois à l’encontre des données de la science comme cet exemple) sont pratiquées sans explications préalables, sans information sur les obligations, les recommandations, les bénéfices, les risques, et tout ce monde de clowns s’en accommode.

Si demain l’Ordre sanctionne un médecin ne respectant pas la législation vaccinale, il sera dans son bon rôle aussi bien qu’il le serait à mon sens aujourd’hui s’il venait à s’exprimer voire à rappeler à l’ordre un médecin ayant imposé en catimini une recommandation vaccinale. D’ailleurs, ces pratiques-là n’auraient-elles pas participé elles aussi à la défiance vis-à-vis des vaccins ? Tenez bon les gars, dans quelques semaines vous aurez réussi à passer mieux que d’autres entre les largesses des mailles du filet.

Vivement que la fin de cette triste partie soit sifflée, que les pitreries cessent, qu’après le désordre, chaque clown retire son nez, descende de scène, de son piédestal, pour justement prendre de la hauteur et que tous les acteurs retrouvent non pas un peu d’ordre mais au moins quelques pincées de sagesse et d’humilité.

Clownement vôtre.  


samedi 4 novembre 2017

QUEL CURSEUR AU PAYS DE PASTEUR ?


Onze vaccins seront obligatoires pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2018 en France.

Ces onze vaccins ont pour objectif d’éviter la Diphtérie, le Tétanos, la Poliomyélite, la Coqueluche, l’Hépatite B, les méningites à haemophilus, à pneumocoque et à méningocoque de type C, ainsi que la rougeole, les oreillons et la rubéole.

Voilà où le curseur a été placé au pays de Pasteur pour la vaccination pédiatrique.

Simple à comprendre.

Pouvions-nous placer le curseur ailleurs ? D’ailleurs, quel curseur utiliser pour décider ?

Reprenons les choses simplement, par étapes, vulgarisons le propos, avec le risque évident et assumé de perdre en exhaustivité et précisions.

Premièrement, un vaccin est un médicament.

C’est un médicament administré pour éviter la survenue d’une maladie infectieuse virale ou bactérienne. Il s’agit là du bénéfice attendu, de son effet désiré. Ce bénéfice peut être défini pour l’individu mais aussi pour la population.

Ajoutons tout de suite que cette arme de défense peut atteindre son objectif si elle est associée à d’autres mesures. C’est un levier, parmi d’autres leviers

Comme tout médicament, le vaccin peut malheureusement entraîner des effets indésirables, souvent bénins, parfois graves. Le nier, c’est mentir.

Mais lorsque le ou les bénéfices attendus sont largement supérieurs aux risques éventuels, alors le jeu en vaut la chandelle.

Maintenant que cela est dit, que notre curseur commence à bouger, avançons grâce à ce schéma (schéma 1) qui modélise les étapes par lesquelles on passe face à une maladie à prévention vaccinale de l’apparition du vaccin à l’éradication de la maladie.

Schéma 1 ; d’après Chen R. T. Lancet 1996 ; 347 : 1496
Étape 1 : une maladie infectieuse est fréquente et fait des ravages dans la population (décès, complications avec séquelles) sans qu’on puisse la prévenir.

Étape 2 : un vaccin est mis au point. La population, consciente du danger de la maladie, se fait vacciner. La couverture vaccinale augmente, l’incidence de la maladie diminue. Les premiers effets indésirables, difficilement évitables, souvent bénins, parfois graves, apparaissent.

Étape 3 : la couverture vaccinale est quasiment optimale, la maladie beaucoup moins fréquente, la population est beaucoup moins consciente de sa gravité mais perçoit en revanche les effets indésirables du vaccin. La confiance s’estompe pour laisser place aux doutes, à la méfiance. La couverture vaccinale diminue. Un pic épidémique réapparaît.

Étape 4 : le pic épidémique est une piqûre de rappel sur la dangerosité de la maladie, la population reprend le chemin de la vaccination.

Étape 5 : un bon taux de couverture vaccinale durable permet de diminuer grandement l’incidence de la maladie, le taux d’effets indésirables est stable et acceptable par rapport à l’enjeu. L’éradication est à portée d’aiguille voire atteinte ce qui permet d’arrêter la vaccination contre la maladie éradiquée.

Ce schéma me semble bien fixer les idées, bien affiner la place de notre curseur. Simplifier les choses les rend plus compréhensibles. Mais dans le même temps, restons conscients que ça éloigne forcément de la réalité.

Alors illustrons un peu.

La variole, fréquente à l’époque, grave, tueuse, a été éradiquée. La vaccination a été rendue obligatoire en France de 1902 à 1979. On peut sans doute superposer l’histoire de cette maladie et de sa vaccination avec les courbes de notre schéma.

La poliomyélite est en phase d’éradication. Elle a fait des ravages en France. Je me souviens, enfant, à la campagne, voir ce monsieur déambuler en fauteuil. J’entends encore ma grand-mère répondre à la question que je posais sur cet homme roulant : « La polio quand il était petit ». Je ne savais pas ce qu’était la polio mais je prenais conscience des séquelles et des dangers de cette maladie.

J’entends mon grand-père gueuler parce que je jouais dans la ferraille crasseuse : « Sors de là tu vas choper le tétanos ! ». Je ne savais pas plus que la polio ce qu’était le tétanos mais au ton de la voix de mon aïeul, ça avait l’air mauvais. Ces souvenirs d’enfance importent peu et n’auraient pas leur place dans un écrit scientifique mais ils ont le mérite d’illustrer comment s’ancrent les dangers et les craintes d’une maladie dans la mémoire collective, source d’adhésion à la vaccination.

Poursuivons.

On voit rapidement une première limite à ce schéma justement avec le tétanos. Le tétanos ne se transmet pas entre personnes, les bactéries sont présentes dans le sol, l’éradication est impossible. Cette maladie est rare mais grave. Si l’on veut mettre toutes les chances de son côté pour l’éviter, il faut soi-même être vacciné sans compter sur la vaccination de ses petits copains ou de ses voisins. Voilà où nous pouvons placer le curseur concernant le tétanos.

Parlons un peu de l’étape 3 : la perte de confiance avec une diminution de la couverture vaccinale. C’est là où nous en serions actuellement au pays de Pasteur. C’est là que les décideurs ont placé le curseur, les motivant à étendre l’obligation vaccinale en estimant que cette obligation rétablirait la confiance. C’est là où deux camps s’affrontent avec des arguments opposés tout en utilisant sensiblement la même méthode : la peur, l’émotion.

D’un côté, les anti vaccins gonflent les pectoraux pour hurler que les vaccins ne servent à rien tandis qu’ils ont des effets néfastes catastrophiques pour l’humanité.

De l’autre, une armée affirmant que la vaccination ne se discute pas, qu’on ne peut se permettre plus longtemps de compter les morts comme s’ils en pleuvaient chaque jour par maladies infectieuses évitables par la vaccination autant que par le tabac, l’alcool, les accidents domestiques ou encore les accidents de la route (10 morts/j à eux seuls).

C’est là que ce schéma bien qu’imprécis me semble intéressant à sortir pour appuyer ce qu’une troisième voix tente de faire entendre sans jouer sur les peurs, sans user de dogmatisme. Une voix qui essaie d’alerter sur l’importance de distinguer chaque vaccin, d’être le plus transparent possible sur les effets indésirables prouvés ou restant à prouver. Par exemple, le blog d’un confrère relève une étude intéressante ici . Cette étude pose une question, émet une hypothèse amenant à d’autres questions, d’autres explorations à faire. C’est ainsi qu’on avance et qu’on évolue. Clore le débat serait nocif. Ce n’est pas être anti-vaccin que de dire qu’il faut continuer à observer ce qu’on fait et accepter de revenir en arrière si besoin. Ça me semble d’ailleurs être le meilleur moyen d’éviter de donner du grain à moudre aux ligues anti vaccinales.

Prenons les antibiotiques. Une formidable découverte qui a sauvé et sauve encore de très nombreuses vies. Mais cela n’empêche pas que les antibiotiques peuvent avoir des effets indésirables graves voire mortels, des effets indésirables sur l’individu mais aussi sur la population. Ce n’est pas être « anti-antibiotique » que d’affirmer cela. Cela n’empêche pas que la médecine vétérinaire, la médecine hospitalière et la médecine ambulatoire utilisent les antibiotiques par excès et que cela devienne problématique pour le futur, pour les vies futures à sauver non ?

Pour les vaccins, les décideurs ont décidé. Ils ont globalisé, ils ont « packagé », ils n’ont pas fait dans la nuance. Pouvions-nous nous permettre de nuancer ?

En distinguant chaque maladie et son vaccin, le curseur aurait peut-être pu être placé ailleurs.

Reprenons notre schéma mais avec une maladie dont l’incidence serait moins élevée tout en étant suffisamment grave pour justifier une vaccination (schéma 2). Le curseur « incidence de la maladie » est plus bas, l’obligation vaccinale mène à une couverture importante avec dans le même temps des effets indésirables qui augmentent mécaniquement. On voit que la marge entre incidence de la maladie et taux d’effets indésirables est plus étroite rendant la balance bénéfices/risques moins favorable que sur notre schéma 1.
Schéma 2

Imaginons désormais une maladie toujours aussi grave mais encore moins fréquente. On déplace nos curseurs et on observe que le nombre d’effets indésirables égale voire dépasse la fréquence de la maladie. Dans ce cas-là, la balance bénéfices/risques est défavorable (schéma 3).


Schéma 3


En jouant avec ces trois schémas, en recherchant l’incidence de chaque maladie à prévention vaccinale, en déplaçant les curseurs (les amateurs d’informatique pourraient facilement nous en faire une appli), on peut assez rapidement se faire une vague idée sur la question.

Je dis bien une vague idée. D’autres paramètres sont à prendre en compte car les choses sont plus complexes que ça. Je répète que simplifier, schématiser, améliore la compréhension sans être suffisant. Et tout dépend des objectifs fixés, d’autres curseurs.

Exemple qui ne concerne pas l’obligation vaccinale : dans la famille maladie infantile fréquente, rarement grave, mais qui fout le bordel en termes d’absence pour enfant malade et coûteuse pour les finances publiques je peux vous sortir la varicelle ou encore la gastro-entérite à rotavirus. Un vaccin existe contre chacune de ces pathologies. On estime aujourd’hui que la varicelle chez l’enfant est bénigne, qu’elle ne justifie pas de vaccination de masse qui risquerait de plus de faire reculer l’âge de survenue de la maladie chez des adultes où là en revanche elle serait potentiellement grave (effet indésirable pour la population). Quant à la gastro, si un jour on met le curseur sur l’argument économique, alors la vaccination sera recommandée. Pour le moment, malgré les zigs et le zag des instances comme relaté antérieurement ici-même, elle ne l’est pas. Au final, je ne sais pas quel curseur ils utilisent, mais certains médecins recommandent et réalisent dans leur coin ces deux vaccins à tous leurs petits patients. Une sorte de curseur pour apprenti sorcier ?

Si l’on revient sur nos deux derniers schémas et que l’on se pose la question suivante : parmi les onze vaccins obligatoires, certains correspondent-ils aux courbes de ces schémas ?

Pour répondre, il suffit de rechercher la fréquence annuelle des onze maladies en France, la fréquence des effets indésirables connus, graves et imputables au vaccin. La courbe de couverture vaccinale est au moins la courbe actuelle sachant qu’elle devrait augmenter avec l’obligation.

Si l’on trouve une ou plusieurs maladies dans ce cas, il semble que la balance bénéfices/risques d’une vaccination universelle ne soit pas si favorable et que la vaccination ciblée des populations à risque soit une meilleure voie.

Une fois de plus, en schématisant, en caricaturant, en imageant, on travestit la réalité. Mais on améliore sa compréhension. Alors caricaturons et imageons.

Pour tenter d’éradiquer le terrorisme sur notre territoire, parmi d’autres mesures, il y a le fichage de personnes à risque. En fonction de certains critères, des personnes susceptibles de commettre un acte terroriste sont fichées S. Imaginons un seul instant d’un côté des « anti-fichages S » hurlant que les fichiers S ne servent à rien et qu’ils sont très dangereux. De l’autre côté, les promoteurs sans limite des fichiers S vous affirment d’un ton solennel la main sur le cœur qu’on ne peut se permettre de compter les morts plus longtemps, il faut donc agir et étendre le fichage S à l’ensemble de la population… Imaginons, imaginons, imaginons, l’efficacité d’une telle mesure. Elle ne ferait que renforcer les antis qui finiraient par avoir raison : « ça ne sert à rien et c’est dangereux ! ». Au passage, l’imagination est souvent dépassée par la réalité.

Si l’on transpose ces réflexions (que certains pourront juger idiotes, violentes, déplacées, provocantes, tout ce que vous voulez, j’assume, je prends) aux maladies infectieuses graves mais à faible incidence, on comprend tout de suite mieux l’intérêt d’une vaccination ciblée et l’inconvénient d’une vaccination universelle.

Mais au pays de Pasteur, les décideurs (63 voix pour, 3 voix contre, 9 abstentions, 502 députés absents des bancs de l’assemblée) ont placé le curseur ainsi : onze vaccins obligatoires pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2018 sous peine d’être refusés en crèche, à l’école, etc… soit un des leviers permettant d’accéder à la socialisation, à l’éducation, donc à la santé.


Juste une histoire de curseur au pays de Pasteur. 


lundi 16 octobre 2017

LETTRE OUVERTE AUX DÉPUTÉS CONTRE LE PROJET D'EXTENSION DE L'OBLIGATION DE VACCINATION DES NOURRISSONS

Médecins généralistes                                                                                Le 16 octobre 2017
concernés par le projet d’obligation
vaccinale pour les nourrissons.

A Mesdames et Messieurs les députés
Copie à : Monsieur le premier Ministre
Copie à la Ministre des solidarités et de la santé
Copie aux présidents de groupes parlementaires
Copie au Président de la République française M. Macron



Mesdames et Messieurs les député(e)s :


Nous, médecins généralistes, vous demandons de ne pas voter l’article 34 du PLFSS 2018 élargissant les obligations vaccinales à huit vaccins supplémentaires chez les nourrissons de moins de 2 ans à compter du premier janvier 2018 pour une durée indéfinie. Nous estimons que cette obligation groupée est injustifiée, contraire aux données de la science, aux droits des patients et aux principes du Droit en démocratie.

Parce que nous sommes des citoyens et des professionnels de santé concernés par la santé publique, nous vous écrivons pour nous opposer au projet de loi visant à élargir à onze vaccins au lieu de trois l’obligation vaccinale chez les nourrissons.

Nous ne nous situons pas dans une perspective qui serait celle d’une controverse stérile et idéologique entre partisans et opposants à la vaccination en général.

Nous sommes simplement soucieux de vous sensibiliser au fait que l’histoire des vaccinations en France n’est pas linéaire, qu’elle a connu des succès et des échecs, que des vaccins sont apparus et ont disparu pour cause d’efficacité/inefficacité, voire de dangerosité. Mais nous souhaitions surtout réaffirmer que chaque vaccination s’inscrit dans une démarche globale de santé publique qui doit associer l’acte vaccinal lui-même à l’amélioration des conditions de vie régnant dans la société et notamment des conditions socio-économiques de certains milieux défavorisés, grâce aux structures sociales d’accompagnement et à des campagnes de prévention primaire et de promotion de la santé.

Pour la première fois en France un gouvernement voudrait faire voter par le Parlement une obligation groupée pour 11 vaccins. La dernière fois que le Parlement a voté une obligation vaccinale c’était pour le vaccin contre la poliomyélite en 1964. Ensuite et à ce jour, considérant que la population était plus instruite que par le passé et en raison de l’inefficacité de l’obligation vaccinale, les autorités n’ont pas jugé utile d'imposer de nouvelles obligations vaccinales.

Donc, pourquoi revenir sur cette décision des années 60 ?

Madame la ministre des solidarités et de la santé indique que l’obligation vaccinale permettra de restaurer la confiance, d’augmenter la couverture vaccinale et par là d’apporter un bénéfice majeur en termes de santé publique. C’est ce bénéfice qui justifierait l’obligation de vaccination des nourrissons par 11 vaccins.

Elle déclare fonder sa décision sur le constat d’un accroissement de la défiance de la population française à l’égard des vaccins qui se traduirait par le déclin de la couverture vaccinale des nourrissons. Or, ces deux arguments nous paraissent sujets à caution. La population française n’est pas fondamentalement méfiante envers les vaccins, comme le montrent différentes enquêtes d’opinion (Annexe I). Mais un infléchissement de la confiance est survenu, et les raisons n’en sont pas mystérieuses. L’origine de cet infléchissement réside dans deux épisodes survenus ces dernières années dont les autorités alors en place portent l’entière responsabilité.

Le premier est le précédent de la décision de la vaccination anti grippale de masse contre le virus A (H1N1). Cette crise, qui s’est produite en 2009, a été provoquée par le défaut de prise en compte des données plutôt rassurantes venant de l’hémisphère sud, qui a mené à la décision d’appliquer le plan « grippe aviaire » (mortalité extrême) à une grippe d’intensité normale et par l’exclusion des médecins généralistes du dispositif mis en place, les vaccins fabriqués en masse étant injectés à la hâte dans des lieux de vaccination collectifs en dépit des risques évidents de contamination.

Cet épisode représente un double échec : celui de l’expertise scientifique qui prédisait des dizaines de milliers de morts et celui de la concertation et de la prise de décision partagée entre les politiques, les professionnels de santé et surtout les citoyens. Nul doute que la confiance des Français a été fortement entamée par cette succession d’erreurs.

Le deuxième épisode est celui, non encore résolu, des pénuries récurrentes et durables de vaccins recommandés pour les nourrissons, les enfants et adolescents depuis le début 2015 devant lesquelles les gouvernements successifs sont restés sans réaction alors qu’elles pénalisaient de très nombreux parents. Ces pénuries peuvent facilement expliquer à elles seules la modeste baisse de couverture observée à partir de cette période du fait des contraintes pratiques pour les parents qui ne trouvaient plus les vaccins recommandés dans les pharmacies.

Malgré le risque de baisse de couverture vaccinale dû à cette pénurie, les différents gouvernements n’ont pas jugé utile d’intervenir pour mettre fin à cette situation. Pourtant, comme l’a précisé le Conseil d’Etat dans sa décision du 8 février 2017 concernant l’indisponibilité depuis 2008 sur le marché français du vaccin Diphtérie-Tétanos-Polio obligatoire non combiné à d’autres valences, le gouvernement et la ministre des Solidarités et de la Santé disposent de nombreux moyens légaux pour sanctionner les laboratoires pharmaceutiques défaillants et/ou se substituer à eux. En dépit de cela les ministres successifs ont toujours refusé d’utiliser ces moyens légaux à l’encontre des laboratoires. Cet épisode a également entamé la confiance des Français dans les recommandations vaccinales.

En tant que citoyens éduqués, et en application de la loi du 4 mars 2002, les Français ont le droit d’exiger des informations précises, claires et robustes sur les tenants et les aboutissants de la vaccination et n’ont pas à être soumis à des décisions précipitées et à une interprétation maximaliste de la concertation sur les vaccins. A plusieurs reprises dans les médias Madame la ministre a évoqué des chiffres inexacts sur la couverture vaccinale alors que celle-ci était en hausse constante chez les nourrissons jusqu’à 2015 (Annexe II), illustrant ainsi l’impréparation, le manque de réflexion et l’absence de fondements solides à sa décision.

En outre, cette décision ne s’inscrit pas dans une vision globale et cohérente de la santé publique. Lorsque le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) émettait des recommandations concernant les vaccins, sa mission n’était pas de déterminer des priorités de santé publique. Le HCSP devait décider si le rapport bénéfice-risque de chaque vaccin recommandé pour la vaccination universelle des nourrissons pouvait apparaître comme acceptable sur la base de différentes hypothèses d’efficacité et d’une connaissance partielle des risques. Ces recommandations comportent donc une part importante de subjectivité et d’incertitude et ne tiennent pas compte du contexte global de santé publique. Les décisions concernant les recommandations vaccinales ont aussi passé outre à plusieurs reprises le mauvais rapport coût-efficacité des vaccins recommandés. Ces aspects ne sont pas un détail dans le cadre du PLFSS et dans un contexte de restrictions budgétaires où il s’agit de définir des priorités en favorisant les actions de santé publique les plus coûts-efficaces (Annexe III).

Dans une perspective de santé publique, il faut savoir qu’il y a en France environ 2700 décès d’enfants de moins de un an, ce qui permet de définir la mortalité infantile, et 4000 décès au total chez les moins de 15 ans. Toutefois, 99% de ces décès ne sont pas évitables par l’extension de l’obligation vaccinale à huit vaccins supplémentaires. Même dans l’hypothèse irréaliste d’une couverture vaccinale à 100 % et d’une efficacité vaccinale à 100 % stable dans le temps, ce qui signifierait l’éradication de toutes les maladies à prévention vaccinale visées par les recommandations actuelles, les huit vaccins supplémentaires recommandés ne peuvent permettre de prévenir plus de 1% des décès survenant à ces âges. A titre de comparaison, les causes accidentelles représentent 8 à 9% de la mortalité des moins de 15 ans et 25% des décès soit un décès sur quatre entre 1 et 14 ans.

D’autre part, le modèle de la rougeole, constamment mis en avant, maladie pour laquelle la diminution du nombre de cas est proportionnelle à l’augmentation de la couverture vaccinale, n’est pas généralisable à toutes les maladies et à tous les vaccins et constitue plutôt une exception.

On peut ainsi noter que parmi les huit vaccins supplémentaires que l’on voudrait rendre obligatoires, certains concernent des maladies qui font déjà l’objet d’une prévention ciblée et qui ne circulent pas parmi les enfants en France. Ce qui signifie qu’on ne peut pas espérer prévenir des contaminations entre enfants par l’obligation vaccinale et ainsi obtenir un bénéfice en termes de santé publique (hépatite B). Cela signifie aussi que les enfants nés en France admis en collectivité et non vaccinés contre l’hépatite B ne représentent aucun risque pour les autres enfants. Pour d’autres vaccins, ces maladies sont rarissimes même en l’absence de vaccination (méningite à méningocoque C, 120 cas par an en moyenne dans l’ensemble de la population en l’absence de vaccination et un à trois décès par an chez les moins de 15 ans). Dans ce cas la vaccination universelle risque de provoquer plus d’effets indésirables graves chez les nourrissons, que de bénéfices dans la population générale. Cette vaccination est donc préconisée non pour éviter une menace sanitaire grave mais dans l’espoir illusoire, comme le montre l’exemple d’autres pays européens, d’une éradication possible de cette maladie rare. Pour d’autres vaccins enfin, l’efficacité est instable, et leur généralisation a même pu favoriser l’accroissement significatif de la fréquence dans la population de la maladie que le vaccin devait combattre (vaccin contre le pneumocoque). (voir Annexe III).

Pour chacun des onze vaccins concernés par cette mesure, les parents, vont être privés de la possibilité d’exercer un choix sous peine d’être exposés à des sanctions. Si cette mesure est appliquée, l’absence sur le carnet de santé d’un seul des onze vaccins concernés entraînera pour les parents l’impossibilité d’inscrire l’enfant concerné en collectivité (crèche, maternelle, école, collège, lycée). Le droit d’accéder à l’école étant lui-même étroitement lié à un droit fondamental, celui de l’accès à l’éducation. Or, comment justifier de faire peser de telles contraintes et sanctions sur les parents alors que les risques que feraient courir les enfants non vaccinés à la collectivité sont, pour certains des vaccins concernés par l’obligation groupée, inexistants ou infinitésimaux ?

On peut faire les mêmes objections pour les bénéfices de santé publique attendus qui sont, pour certains vaccins visés par l’obligation, marginaux ou très discutables.

Les sanctions envisagées apparaissent à la fois critiquables moralement  et éthiquement mais surtout, la privation de la liberté de choix et la lourdeur des sanctions associées posent la question de la proportionnalité des contraintes. Cette proportionnalité garantit la défense des droits fondamentaux en assurant que la puissance publique ne puisse limiter la liberté des citoyens que « dans la mesure indispensable à la protection des intérêts publics ».

A l’aune de cet ensemble d’arguments il nous paraît donc légitime que la représentation nationale donne son avis pour chacun des vaccins concernés et qu’elle le fasse en toute indépendance, sur des critères qui soient clairs, démontrés et pertinents sans déléguer à un groupe d’experts dont certains présentent des conflits d’intérêts financiers avec les laboratoires pharmaceutiques commercialisant ces vaccins, la responsabilité de décisions qui ne devraient avoir pour seul objectif que la protection des individus, ici des nourrissons et des enfants, et l’amélioration de la santé publique.

L’affaire Levothyrox est également là pour confirmer que le manque d’anticipation des autorités sanitaires, le déficit d’information et de concertation avec les professionnels de santé prescrivant et délivrant ces médicaments, et surtout l’oubli initial qu’il y avait trois millions de patients traités ne pouvaient que mener à des incompréhensions, des souffrances, des non-dits, et des rumeurs. Certains patients sont même allés jusqu’à arrêter leur traitement au risque de mettre leur santé en péril.

Madame la ministre des solidarités et de la santé a placé cette obligation sous le signe de la peur, insistant sur les dix décès dus à la rougeole depuis dix ans, mais n’a pas apporté les preuves que cette obligation serait suivie d’effets positifs à court et à moyen terme tant en termes de baisse de la mortalité et de la morbidité qu’en termes d’écologie infectieuse (apparition de résistances et/ou de changements d’âge de survenue des maladies).

Il nous semble donc impossible que vous puissiez voter cette loi en l'état, sans que les réelles conditions d'un débat démocratique aient été instaurées.

En annexe, plusieurs documents vous sont présentés afin d’illustrer cette lettre et de vous éclairer. L’un d’entre eux, l’annexe III, met en évidence les contradictions et les insuffisances dans les motifs ayant mené à cette décision et fait la démonstration que pour au moins trois vaccins sur les onze concernés par l’obligation cette mesure n’apportera aucun bénéfice de santé publique.

Premiers signataires :

Dr Claudina Michal-Teitelbaum, médecin généraliste ;
Dr Jean-Claude Grange, médecin généraliste ; Dr Christian Lehmann, médecin généraliste ;
Dr Sylvain Fèvre, médecin généraliste ; Dr Jean-Baptiste Blanc, médecin généraliste ;
Dr Marc Gourmelon, médecin généraliste ; Dr Bertrand Stalnikiewicz, médecin généraliste ;

Dr Dominique LOUBET, médecin généraliste ; Dr Isabelle CHIVILO, médecin généraliste ;
Dr Armel SEVESTRE, médecin généraliste ; Dr Alain SIARY, médecin généraliste


Les annexes, l'argumentaire détaillé et l'ensemble de ce courrier sont téléchargeables en PDF sur ce lien.

Nous invitons tous les soignants et tous les citoyens qui partagent ces arguments à diffuser cette lettre et à la transmettre à leur député. 

Médecins, vaccinateurs, pour soutenir notre réflexion sur les vaccinations intégrées dans une démarche globale de santé publique c'est ici : SOUTIEN EN LIGNE