vendredi 27 septembre 2013

Médecine générale-médecine libérale ?



Le 23 septembre 2013, la ministre des affaires sociales et de la santé Marisol Touraine a présenté sa Stratégie Nationale de Santé (SNS) résumée par les médias et commentateurs en tout genre à la généralisation du tiers-payant d’ici 2017. Il est bien dommage de caricaturer les 30 pages de cette feuille de route à ces quelques lignes et de s’engouffrer dans des batailles futiles sur ce seul thème. Le texte est pourtant très clair, il s’agit d’une « possibilité ouverte aux médecins généralistes et spécialistes d’accorder une dispense d’avance de frais (tiers-payant) à leurs patients ». Donc, jusqu’à preuve du contraire, rien d’obligatoire. Bref, une fois de plus, on parle en creux, on interprète, on exagère, chacun y va de sa petite musique sans aller lire la source et ça, c'est vraiment casse bonbons car c'est une perte de salive, de temps, et d'énergie pour rien. Certains syndicats "représentatifs" de je ne sais pas trop qui ni quoi vont même jusqu'à brandir la menace d'une grève  (je comprends pourquoi je ne suis pas syndiqué). Ce qu’on peut objectivement penser, c’est que ça ne va pas révolutionner notre système de santé, qu’il n’est pas démontré que cela entraîne une surconsommation médicale, et que ça va peut-être permettre à certaines personnes en difficulté non bénéficiaires de la CMU d’accéder plus facilement aux soins, donc pour ce dernier point, ça me paraît plutôt positif. Bref, pour juger cette feuille de route, autant aller à la source, c’est facile, c’est ici.

Personnellement, je trouve que ce texte balaie de nombreux sujets, et qu’il fixe des priorités claires et judicieuses, donc que ça va plutôt dans le bon sens. Après, ne soyons pas dupes, il ne s’agit que d’un texte, que d’annonces, qui devraient se traduire par une loi, puis une application, et c’est souvent durant ces étapes-là que l’optimisme dégringole dans les chaussettes. On verra bien.

La lecture de ce texte m’a donné l’envie de faire un billet intitulé « Médecine générale-médecine libérale ? ». Je pense ne pas me faire que des amis avec cet écrit mais l’intérêt d’un blog est d’exposer ses points de vue. Et comme apparemment, ce qui marque les esprits et fait causer les gens, ce sont les caricatures, les raccourcis à la noix, et les résumés à deux balles, alors ne sois pas étonné d’en trouver un florilège dans ce qui va suivre avec une dose  homéopathique de second degré et d’ironie.

Commençons par simplifier les choses en disant qu’il y a deux principaux types d’exercice de la médecine en France, ou plutôt deux statuts : la médecine libérale, et la médecine hospitalière. (Je sais, c’est pas tout mais c’est plus simple comme ça).

Lorsque tu vas consulter ton médecin généraliste, c’est presque toujours un médecin libéral, majoritairement en secteur 1. C’est-à-dire que tu lui règles une consultation dont le tarif est fixé et ce montant te sera remboursé en partie par ton organisme de couverture sociale, bien souvent Madame Sécu. Tu n’es donc que l’intermédiaire de cette petite transaction, et Madame Touraine souhaiterait simplifier cette transaction. Elle t’éviterait ainsi d’être cet intermédiaire. C’est tout. Pas de quoi en faire tout un fromage hein ? Bon, c’est vrai que c’est un peu plus compliqué que ça parce qu’il n’y a pas que Madame Sécu et qu’il reste l’histoire du ticket modérateur, de la franchise, mais pour tout ça y a des ordinateurs, soyons modernes, innovons, tant que ça ne retombe pas sur le dos du médecin... Bref, revenons à ton médecin généraliste libéral de secteur 1. Il s’occupe de toi, du mieux qu’il peut, doit rendre de plus en plus de comptes à son principal patron M’dame Sécu (en fait, le vrai big boss c'est Frédéric Van Roeckeghem, le dirlo de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie), qui lui fixe le prix de sa consultation, qui contrôle un peu ses prescriptions, son nombre d’actes, etc… Ton médecin généraliste libéral en secteur 1, on peut un peu dire qu’il exerce une mission de service public et qu’il doit assurer sur la base du « volontariat » la permanence des soins. Ne t’inquiète pas, ça c’est juste volontaire, et s’il ne le fait pas de façon volontaire, t’inquiète vraiment pas parce qu’il se fait réquisitionner et ainsi, devient volontaire pour assurer la permanence des soins. Je ne sais pas pourquoi, mais là je ne serais pas étonné que tu commences à comprendre l’illustration de mon billet… On commence à rigoler un peu hein ! "Médecine générale-médecine libérale" qu'ils disent...

Ton médecin généraliste libéral en secteur 1 dont le tarif de la consultation est fixé par M’dame Sécu, réquisitionnable s’il n’est pas volontaire pour assurer la permanence des soins, a, comme toute profession libérale digne de ce nom tout plein de charges à régler, ce qui fait que sur ce tarif exOOOrbitant de 23 Euros la consultation, y en a une bonne part qui part. Alors pour qu’il en reste dans la popoche, ben, faut faire des actes. Pas beaucoup d’actes, pas beaucoup d’sous, beaucoup d’actes, un peu plus de sous. C'est fastoche. Pour aller encore plus loin en caricaturant histoire de polémiquer un peu, pour pouvoir prétendre aller commander une belle BMW, un médecin généraliste libéral en secteur 1 a plutôt intérêt à enchaîner les consultations de malades pas trop malades, voire pas du tout. Ben oui, les pas du tout malades ou juste un petit peu, ça va plus vite, donc ça fait un peu plus de sous. Celui qui passe du temps avec de vrais malades vraiment malades qui prennent du temps, ou qui prend du temps à rassurer celui qu'a peur de le devenir ou croyait l'être, ou encore à expliquer et donner des conseils pour éviter de le devenir ou l'être un peu moins, celui qui fait son job en fait, ben y peut aller se brosser un peu. Tu vas me dire qu’on peut très bien être heureux dans la vie sans rouler en BM, encore heureux mon neveu, je suis complètement d’accord. Mais tout ça, c’est juste pour me permettre d’amener les questions : la médecine générale est-elle vraiment libérale ? Et est-ce judicieux qu’elle le soit, qu’elle le reste ?

Petit à petit, de nouveaux modes de rémunération arrivent pour le médecin généraliste libéral, que l’on appelle une rémunération au forfait. Le médecin généraliste devient une sorte d’hybride, assis le cul entre deux chaises, avec les inconvénients du médecin libéral, sans les avantages du médecin salarié. C’est assez drôle parce que pendant ce temps-là du côté des médecins hospitaliers, on a vu arriver la tarification à l’activité. En gros, le médecin à l’hôpital reçoit un salaire, mais pour faire rentrer des sousous à l’hôpital qu’en n’a plus beaucoup, on a décidé de mettre un peu la méthode de la médecine libérale à l’hôpital. Donc le travail en équipe ou en réseau pour le médecin hospitalier, c’est pas trop rentable pour l’hôpital, c’est mieux qu’il fasse des actes, beaucoup d'actes. Je suis sûr que tu comprends de mieux en mieux mon illustration. Et pire, on pourrait imaginer que finalement, pour faire plus d’actes, les malades qui se rendent à l’hôpital, ça serait plus simple qu’ils ne soient pas trop malades en fait non ?

Bon, revenons à notre médecin généraliste libéral secteur 1. Imaginons qu’il t’adresse chez un confrère spécialiste. Là tu as le choix entre un spécialiste libéral, ou hospitalier. Le spécialiste libéral est souvent en secteur 2, ça veut dire qu’il peut te demander le prix de la consultation fixée par la sécu plus un dépassement. Donc lui, il est un peu plus libéral que le généraliste ou que son confrère spécialiste secteur 1. Mais pas trop quand même surtout depuis que Madame Touraine (oui déjà ou encore elle, tu vois qu'en fait un ministre ça bosse, après on est d'accord ou pas mais y en a qui bossent) a décidé d’encadrer les dépassements d’honoraires, ça s’appelle l’avenant n° 8 à la convention médicale ce truc. Si en revanche tu vas voir un spécialiste hospitalier, tu ne débourses rien. Voilà, on pourrait s’arrêter là.

Mais en fait non, parce que le médecin hospitalier qui reçoit une paye fixe et qui doit faire beaucoup d’actes pour le bien de la trésorerie de l’hôpital, ben, en fait, il peut avoir une activité libérale et même te demander un dépassement. Aïe, aïe, aïe, ça se complique. Non, tu vas voir c’est simple comme bonjour. Si tu veux aller voir le Professeur Trucmuche au CHU, le meilleur des docteurs, puisqu’il est professeur et qu’il apprend aux petits docteurs, même à ceux qui seront généralistes libéraux en secteur 1 alors que lui-même n’a jamais fait de médecine générale… donc lui si tu veux le voir, pas de soucis, il te recevra dans 6 mois. Ah, ça t’arrange pas trop et ça t’inquiète de le voir dans si longtemps ? Pas de soucis, il peut te recevoir dans 6 jours, en consultation privée, dont le tarif est  de….. puis au cas où il faille te faire une intervention, pareil, ça peut aller assez vite, avec un petit dépassement de ……. Bon, OK, la santé n’a pas de prix et puis de toute façon, grâce à Marisol et son avenant number eight, c’est encadré tout ça. Ben en fait non, perdu, l’encadrement pour le moment ne concerne que les médecins libéraux secteur 2, pas les médecins hospitaliers grands PUPH non libéraux salariés qui ont une activité libérale à l’hôpital. Pas facile tout ça hein ? Tu le vois de mieux en mieux le serpent qui se mord la queue ? Tu comprends ce que ça veut dire : nous faire avaler des couleuvres ?

C’est un peu le bordel tout ça. Tu t'y retrouves dans le parcours de soin, ça va ? Tant que tu as ton chéquier tout va bien, tu ne peux pas te perdre. Finalement, cette petite balade dans cette jungle permet de se rendre compte que ton médecin généraliste n'est pas tant libéral que ça même s'il reste persuadé de l'être. Il est en tout cas moins libéral que son confrère spécialiste en secteur 2 et même moins que certains médecins hospitaliers. C'est drôle non ? (Je sais, certains commencent à rire jaune là, mais c'est pas ma faute).

Donc le 23 septembre, la ministre nous a éclairés en fixant le cap pour les 10 ans à venir au sujet de notre système de santé. Concernant la médecine générale, la feuille de route de la ministre est franchement intéressante. Elle place le médecin généraliste comme « pivot de la politique de prévention ». Si j’ai bien compris, il sera toujours rémunéré à l’acte pour ce qui concernera le curatif, et d’une autre façon pour son activité de prévention et de coordination. Sauf que je ne vois pas trop comment il est possible de découper les choses ainsi. Elle écrit elle-même qu’il est indispensable de ne pas cloisonner curatif et préventif. L’axe 1 de sa feuille de route est intitulé : « Prioriser la prévention sur le curatif et agir sur les déterminants de santé », avec plus loin dans sa prose cette phrase « notre système de santé doit donner toute sa place à la prévention et à la promotion de la santé, outil négligé depuis des décennies, levier majeur de réduction de la mortalité et de la morbidité évitables…. ». Je suis plutôt d'accord. Bon, faut pas trop se la raconter, le médecin généraliste n’est qu’un acteur parmi d’autres dans cette histoire, et tous les autres acteurs ne sont pas que des médecins et heureusement. La santé, et la prévention, c’est loin d’être l’unique résultante du boulot des toubibs, avouons-le. Mais si le médecin généraliste de demain doit devenir un de ces acteurs et avoir ce rôle majeur que semble vouloir lui confier la ministre, j’avoue ne pas être convaincu que son statut d’hybride mi-libéral mi je sais pas trop quoi, bref, je ne suis pas certain que le laisser assis le cul entre deux chaises soit une bonne solution. Tu vois sûrement où je veux en venir. Oui, au risque de m’attirer les foudres des grands défenseurs de la médecine libérale, je crois que quitte à vouloir aller dans ce sens, ben allons-y franchement, parlons de salariat pur et simple de la médecine générale. On dirait que c’est un sujet tabou, pourquoi ne pas lancer concrètement et sereinement ce débat ? A quelques exceptions près, le médecin généraliste à l’heure actuelle est le seul spécialiste contrairement à ses confrères à ne pouvoir exercer son métier qu’en milieu libéral. Il n’est jamais bon d’imposer, mais pourquoi ne pas au moins lui laisser le choix entre l’exercice libéral et un statut salarié proche ou équivalent à celui des praticiens hospitaliers ? Il me semble que ce serait une des solutions pour pouvoir appliquer le texte de Madame Touraine, s’il est appliqué un jour. Et j’ai un peu le sentiment que le salariat est le souhait des jeunes générations. Mais je ne voudrais surtout pas m’exprimer à leur place, moi le plus tout à fait très jeune sans être vieux pour autant. Franchement, disons les choses, médecin généraliste est un beau métier et le problème actuel de son attractivité réside plus dans son statut libéral quasi exclusif. Ce n'est pas la médecine générale qui est un frein, c'est la médecine libérale. L'attrait des jeunes médecins pour l'exercice salarié n'est d'ailleurs pas spécifique à la médecine générale, les jeunes spécialistes choisissent majoritairement ce type d'exercice (Sources Conseil National de l'Ordre des Médecins page 19 du document en lien).

Bon, avant de s'étouffer, respirons calmement. Il est toujours bon de prendre un peu de recul et d’aller puiser dans l’histoire des éléments pour le futur. Ce lien vers une analyse historique et économique de la médecine libérale de la révolution à nos jours prouve que la question ne date pas d’aujourd’hui et que la réponse n'est donc probablement pas si simple. Mais au moins, débattons nom d'une pipe !

Enfin avant de conclure, je vais tout de même faire une critique sur le texte de Madame Touraine dans lequel on parle donc beaucoup de prévention. Voici quelques phrases glanées au milieu de ces 30 pages :

« investir le champ de la promotion de la santé et de la prévention et développer une action volontariste dans l’éducation à la santé dès l’école. »

« prioriser la prévention sur le curatif »

« l’école est un lieu décisif de réduction des inégalités sociales de santé »

« dépistage, vaccination, éducation pour la santé, ….., sont les principaux outils d’une promotion de la santé intégrée. »

Ces mots et ces phrases me font penser à une médecine qui existe déjà mais qui n’apparaît nul part (ou brièvement sous-entendue) dans la Stratégie Nationale de Santé. C’est une médecine pratiquée majoritairement par des médecins généralistes, travaillant en équipe pluridisciplinaire, axée sur la prévention, les vaccinations et le dépistage, en consultations ou en écoles et qui souffre des mêmes maux que la médecine générale : manque d’attractivité, zones sous dotées, méconnaissance voir absence totale de reconnaissance, et d’enseignement etc… Malgré une loi relativement récente réaffirmant son intérêt et ses missions de prévention (loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance renforçant le texte du Code de la Santé Publique), la PMI (Protection Maternelle et Infantile) n’apparaît pas dans la feuille de route de la ministre de la santé. A sa décharge, la PMI est une mission attribuée aux Conseils Généraux, dont au passage la trésorerie n’est pas folichonne… Elle ne dépend donc pas du ministère de la santé. Ouais je sais, ça se complique de nouveau, la PMI est composée de soignants (infirmières puéricultrices, sages-femmes, pédiatres, gynécologues, médecins généralistes, etc…) qui font du dépistage, des vaccinations et de la prévention, des suivis de femmes enceintes et d’enfants jusqu’à 6 ans mais tout ça, ben c’est pas une compétence du ministère de la santé. Donc chaque Conseil Général fait ce qu’il peut avec les moyens qu’il a pour honorer approximativement la loi. Bon, y a tout de même un ministère qui s’occupe plus ou moins de ça, déstresse…. Ouais, un Conseil Général est une collectivité territoriale. Les collectivités territoriales dépendent d’un ministère que tout le monde connaît bien surtout en ce moment : le ministère de l’Intérieur… Donc voilà en gros comment ça marche, Madame Touraine parle de prioriser la prévention sans parler de ce qui existe déjà : la PMI, qui de façon très caricaturale et en faisant un grossier raccourci je le reconnais dépend plus ou moins de Monsieur Valls plutôt occupé à courir derrière les gangs de Marseille, à renvoyer les Roms à la frontière, et à mimer mieux que personne un ancien Président pour tenter de le devenir à son tour. On est donc assez loin de la prévention.

Bref, c’est dommage de parler de prévention et d’école sans vraiment évoquer la PMI ni la médecine scolaire. La médecine scolaire, encore un truc qui dépend d'un autre ministère. Décloisonnons, oui décloisonnons, y a de quoi faire. Parce que le temps qu'ils trouvent un moment pour se réunir et travailler tout ça ensemble tous ces ministres, on a le temps de changer trois fois de Président. Et plutôt que d'inventer de nouvelles choses, préservons, valorisons et modernisons l'existant. Mais là n’était pas le sujet de mon billet, puisque je n’aurais dû parler que de médecine générale-médecine libérale. Donc, quitte à mettre les pieds dans le plat, mettons-les en plein dedans. C’est toujours mieux que d’être assis le cul entre deux chaises !

Pour résumer, pourquoi ne pas créer un statut de praticien ambulatoire pour les médecins généralistes qui le désireraient, calqué sur la grille des praticiens hospitaliers ?  Je l'avais déjà brièvement évoqué ici. Tous les médecins, même les spécialistes de médecine générale auraient ainsi le choix de leur statut. Des passerelles entre les différentes fonctions publiques (hospitalière, territoriale, éducation nationale, etc...) et même entre exercice libéral et salarié permettraient de faciliter les changements de parcours et de varier les types d'exercice. Ne serait-ce pas un moyen de donner un second souffle à une médecine générale faussement libérale qui se meurt ? On passerait peut-être d'une médecine générale libérale à une médecine générale libérée.

(ajouté le 28/09/13) Suite à quelques commentaires pointant les difficultés financières des Centres de Santé dans lesquels les médecins généralistes exercent sous le statut salarié, je tiens à préciser qu'il n'est nullement ici question de généraliser les Centres de Santé ou "dispensaires", ni de s'opposer à la médecine libérale. Il ne s'agit que de rétablir l'équilibre entre médecins spécialistes qui ont le choix d'exercer en libéral ou en centre hospitalier contrairement aux généralistes qui n'ont quasiment que la possibilité de l'exercice libéral. Puisque les spécialistes ont leur lieu d'excellence, une belle fonction publique hospitalière avec des CHU alliant médecine, recherche et enseignement, alors pourquoi ne pas imaginer une belle et ambitieuse fonction publique ambulatoire de soins primaires ?

Si tu as réussi à me suivre jusqu'ici, je te remercie par avance de ne pas m'insulter. Et si tu as pris le temps de lire la Stratégie Nationale de Santé de Madame Touraine et souhaite en débattre, alors voilà où je t'invite à le faire : #PrivésDeMG.


lundi 23 septembre 2013

#PrivésDeMG : Moi médecin généraliste ?

 
Moi médecin généraliste, j'en ai un peu marre des entourloupettes, réformettes et petites courbettes.
Moi médecin généraliste, je pense sincèrement que le temps du changement, c'est vraiment maintenant.
Moi médecine généraliste, je sais que notre société a cette fâcheuse manie de vouloir tout certifier, alors d'accord, certifions :
  
"Je soussigné, moi médecin généraliste, certifie que les soins  primaires sous TOUTES leurs formes ne présentent à ce jour aucune contre-indication à pouvoir bénéficier d'une réforme ambitieuse.
 
Certificat remis en mains propres pour faire valoir ce que de droit."
 
Donc
 
Moi médecin généraliste, je milite pour une noble et vraie filière universitaire pour mes futurs jeunes confrères.
Moi médecin généraliste, je ne nie pas qu'ici ou là pointent quelques déserts, que c'est dur de trouver des volontaires.
Mais moi médecin généraliste, ne veux pas être pris pour un dindon, non merci sans façon, alors je dirai toujours non à la coercition !
Moi médecin généraliste, j'aurais besoin de temps pour mes missions, sans pour autant que l'on m'entraîne à la soumission.
Moi médecin généraliste, j'aimerais qu'on parle aussi de ceux qui dévissent avant l'heure, lessivés vidés de toute humeur,
Oui, moi médecin généraliste, j'avoue que ça me fait peur, ce burn out puis la fin "volontaire" due au labeur.
Moi médecin généraliste, comme tous les autres spécialistes, j'aimerais avoir le choix de mon type d'exercice.
Moi médecin généraliste, j'ai besoin de pouvoir mieux travailler avec tous les acteurs de la chaîne de soin, car sans eux je ne suis rien.
Moi médecin généraliste, je ne quémande point d'argent avec ces quelques mots, mais une refonte ne coûterait pas si cher et pourrait rapporter gros.
Moi tout petit médecin généraliste sans légitimité et fier de l'être, un médecin "normal", je ne lance pas le SOS d'un médecin en détresse, car je conserve beaucoup d'espoir.

 
Alors laissez-moi espérer, faites-moi rêver !
 

Le fond de cet écrit est bien maladroit j'en conviens, mais pour plus d'idées et de précisions, je vous invite à lire le message commun des 86 participants soignants de #PrivésDeMG (1), suivi des nombreux commentaires de soutien recueillis suite aux propositions de #PrivésDeDéserts (2), souvenez-vous l'année dernière...

Quant à cette forme qui ne sera pas sans rappeler quelques souvenirs à certains, oui je l'avoue, je l'ai piquée à quelqu'un que vous connaissez bien, puisqu'il détient quelques unes des clés de notre destin. Comme d'autres, il fut bien discret sur le sujet pendant sa campagne, comme si tout avait déjà été dit, comme si rien ne devait être fait, pour l'avenir de la médecine générale et les soins primaires de façon plus globale.
 
Très respectueusement.

 
 


(1) Notre message commun avec des propositions claires, nettes, et précises :


Médecine générale :

dernier arrêt avant le désert


Comment sauver la médecine générale en France et assurer des soins primaires de qualité répartis sur tout le territoire ?
Marisol Touraine présente ce lundi sa Stratégie nationale de santé. Cet évènement constitue l'occasion de nous rappeler à son bon souvenir, rappel motivé par l'extraordinaire enthousiasme qui avait accompagné nos propositions (voir plus bas les 600 commentaires) dont aucune n'a été reprise par la Ministre.

Nos idées sont concrètes et réalistes pour assurer l'avenir de la médecine générale et au-delà, des soins primaires de demain.

Notre objectif est de concilier des soins de qualité, l’éthique de notre profession, et les impératifs budgétaires actuels.

Voici une synthèse de ces propositions.

Sortir du modèle centré sur l’Hôpital

Depuis des décennies, l’exercice de la médecine ambulatoire est marginalisé, privé d’enseignants, coupé des étudiants en médecine. La médecine hospitalière et salariée est devenue une norme pour les étudiants en médecine, conduisant les nouvelles promotions de diplômés à délaisser de plus en plus un exercice ambulatoire qu’ils n’ont jamais (ou si peu) rencontré pendant leurs études.

Cette anomalie explique en grande partie les difficultés actuelles. Si l’hôpital reste le lieu privilégié d’excellence, de recherche et de formation pour les soins hospitaliers, il ne peut revendiquer le monopole de la formation universitaire. La médecine générale, comme la médecine ambulatoire, doivent disposer d’unités de recherche et de formation universitaires spécifiques, là où nos métiers sont pratiqués, c'est-à-dire en ville et non à l’hôpital.

La formation universitaire actuelle, pratiquée quasi-exclusivement à l’hôpital, fabrique logiquement des hospitaliers. Pour sortir de ce cercle vicieux, il nous semble nécessaire de réformer profondément la formation initiale des étudiants en médecine.

Cette réforme aura un double effet :

Rendre ses lettres de noblesse à la médecine « de ville » et attirer les étudiants vers ce mode d’exercice. Nous ne pouvons reprocher aux étudiants en médecine de ne pas choisir une spécialité qu’ils ne connaissent pas.

-  Apporter des effectifs importants de médecins immédiatement opérationnels dans les zones sous-médicalisées.

Il n’est pas question dans ces propositions de mesures coercitives aussi injustes qu’inapplicables contraignant de jeunes médecins à s’installer dans des secteurs déterminés par une tutelle sanitaire.

Toute mesure visant à obliger les jeunes médecins généralistes à s’installer en zone déficitaire aura un effet repoussoir majeur. Elle ne fera qu’accentuer la désaffection pour la médecine générale, poussant les jeunes générations vers des offres salariées (nombreuses), voire vers un exercice à l’étranger.

Une véritable modernisation de la formation des médecins est nécessaire. Il s’agit d’un rattrapage accéléré d’opportunités manquées depuis 50 ans par méconnaissance de la réalité du terrain. Si la réforme Debré de 1958 a créé les CHU (Centres Hospitaliers et Universitaires), elle a négligé la création de pôles universitaires d’excellence, de recherche et de formation en médecine générale. Ces pôles existent dans d’autres pays, réputés pour la qualité et le coût modéré de leur système de soins.

Idées-forces

Les principales propositions des médecins généralistes blogueurs sont résumées ci-dessous. Elles sont applicables rapidement.

  • Enseignement de la Médecine Générale par des Médecins Généralistes, dès le début des études médicales

  • Construction par les collectivités locales ou les ARS de 1000 maisons de santé pluridisciplinaires qui deviennent aussi des maisons médicales de garde pour la permanence des soins, en étroite collaboration avec les professionnels de santé locaux.

  • Décentralisation universitaire qui rééquilibre la ville par rapport à l’hôpital :

Ces maisons de santé se voient attribuer un statut universitaire. Elles hébergent des externes, des internes et des chefs de clinique (3000 créations de postes). Elles deviennent des MUSt : Maisons Universitaires de Santé qui constituent l’équivalent du CHU pour la médecine de ville.

  • Attractivité de ces MUSt pour les médecins seniors qui acceptent de s’y installer et d’y enseigner :

Statut d’enseignant universitaire avec rémunération spécifique fondée sur une part salariée majoritaire et une part proportionnelle à l’activité.

  • Création d’un nouveau métier de la santé : “Agent de gestion et d’interfaçage de MUSt” (AGI).

Ces agents polyvalents assurent la gestion de la MUSt, les rapports avec les ARS et l’Université, la facturation des actes et les tiers payants. De façon générale, les AGI gèrent toute l’activité administrative liée à la MUSt et à son activité de soin. Ce métier est distinct de celui de la secrétaire médicale de la MUSt. Les nouveaux postes d’AGI pourraient être pourvus grâce au reclassement des visiteurs médicaux qui le souhaiteraient, après l’interdiction de cette activité. Ces personnels trouveraient là un emploi plus utile et plus prestigieux que leur actuelle activité commerciale. Il s’agirait d’une solution humainement responsable. Il ne s'agit en aucun cas de jeter l'opprobre sur les personnes exerçant cette profession.

  • Les « chèques-emploi médecin »

Une solution innovante complémentaire à la création du métier d’AGI pourrait résider dans la création de « chèques-emploi » financés à parts égales par les médecins volontaires et par les caisses.

Il s’agit d’un moyen de paiement simplifié de prestataires de services (AGI, secrétaires, personnel d’entretien). Il libérerait des tâches administratives les médecins isolés qui y passent un temps considérable, sans les contraindre à se transformer en employeur, statut qui repousse beaucoup de jeunes médecins.


Nos propositions et nos visions de l’avenir de la Médecine Générale, postées simultanément par l'ensemble des 86 participants, sur nos blogs et comptes Twitter, le 23 septembre 2013, sont des idées simples, réalistes et réalisables, et n'induisent pas de surcoût excessif pour les budgets sociaux.

L’ensemble des besoins de financement sur 15 ans ne dépasse pas ceux du Plan Cancer ou du Plan Alzheimer ; il nous semble que la démographie médicale est un objectif sanitaire d’une importance tout à fait comparable à celle de la lutte contre ces deux maladies.

Ce ne sont pas des augmentations d’honoraires que nous demandons, mais des réallocations de moyens et de ressources pour rendre son attractivité à l’exercice libéral.

Les participants à l'opération (Noms ou Pseudos Twitter) :

1.     Docteurmilie
2.     Dzb17
3.     Armance64
4.     Matt_Calafiore
5.     Docmam
6.    Bruitdessabots
7.     Ddupagne
8.     Souristine
9.    Yem
10.   Farfadoc
11.   SylvainASK
15.   DrKalee
16.   DrTib
17.   Gélule, MD
18.   DocAste
19.   DocBulle
21.   Dr Stephane
23.   Docteur_V
24.   Dr_Foulard
25.   Kalindéa
26.   DocShadok
27.   Dr_Tiben
29.   PerrucheG
30.   BaptouB
33.   MimiRyudo
35.   DrGuignol
36.   DrLebagage
38.   CaraGK
39.   DocArnica
40.   Jaddo
41.   Acudoc49
42.   AnSo1359
43.   DocEmma
45.   GrangeBlanche
47.   Borée
48.   10Lunes
50.   OpenBlueEyes
51.   nfkb
52.   Totomathon
53.   SophieSF
54.   SuperGélule
55.   BicheMKDE
56.   Knackie
57.   DocCapuche
58.   John Snow
59.   Babeth_Auxi
60.   Jax
61.   Zigmund
63.   DrNeurone
65.   YannSud
66.   Nounoups
68.   Boutonnologue
70.   Une pédiatre
71.   Heidi Nurse
72.   NBLorine
73.   Stockholm
74.   Qffwffq
75.   LullaSF
79. Dr Glop
80. Ninou
84. Doc L
85. DrLaeti
86. LBeu




(2) Les commentaires de soutien de décembre 2012

Comment ne pas être ébranlé par les centaines de commentaires enthousiastes de jeunes médecins, de professionnels de santé ou de patients face à nos propositions ? Pourquoi ne pas aider les jeunes médecins à la fois à réaliser leurs rêves et à se mettre efficacement au service de la santé des Français ?

Les propositions de réforme de la médecine générale des 24 médecins blogueurs ont reçu plus de 1000 signatures de soutien.

650 signataires ont posté un commentaire : Lien vers les commentaires de soutien suite à #PrivésDeDéserts
 

Rejoignez-nous sur le blog dédié : PrivésDeMG ou encore sur Facebook et Twitter : @PrivesDeMG .

Ci-dessous, une liste non exhaustive de liens vers les billets des nombreux soignants blogueurs participant à #PrivésDeMG, la dynamique est lancée !

 
 

 

samedi 14 septembre 2013

La Revanche du rameur ?


Pourquoi parler de la Revanche du rameur (un livre paru en février 2012) ici et maintenant ?

Maintenant parce que je l’ai entamé il y a seulement trois jours et que je viens juste de le terminer. Donc un peu compliqué pour moi d’en parler avant. Bon, je l’avoue, c’est vraiment la honte, mais on aurait pu me prévenir qu’il fallait le lire plus tôt ce bouquin. Pour ma défense, je ne dois pas encore avoir suffisamment de connexions dans le monde du Web 2.0. Personne ne m’a averti, personne n'a partagé cette information en temps voulu. Bande d'égoïstes ! Individualistes ! Dommage, j’aurais vécu un an et demi de plus en y voyant un peu plus clair. Mais il n’est jamais trop tard pour ouvrir les yeux.

Ici parce que c’est mon blog, raison que j’estime totalement suffisante. Sur mon blog, je suis le chef, je décide de tout, c’est moi le boss, le dominant tout puissant. Je maîtrise les procédures, j’évalue, je me réunis régulièrement avec moi-même pour lancer prochainement ma première démarche Qualité et si t’es pas content, voire que tu ne l’acceptes pas, je te vire. Non, je déconne. C’est juste un peu d’humour. Allez, reste s’te plaît. Plus sérieusement, j'aimerais partager cette lecture parce qu’avec un sacré paquet d’autres Homo sapiens mâles et femelles de mon espèce, on a souvent l’impression de naviguer dans le brouillard, voire en pleine tempête sans vraiment savoir où aller.  Et même quand le temps se calme, que la mer est d’huile, le soleil au zénith, et que la direction à prendre semble évidente, on a encore le sentiment étrange et désagréable de ramer à contre-courant.

Ici aussi parce que c’est un blog qui me permet sans doute maladroitement de déverser parfois quelques réflexions, quelques indignations sur la médecine qui ne font que cacher celles que je pourrais faire d’une façon plus générale sur le (dys) fonctionnement de notre société. Je ne fais que constater, critiquer, sans que cela ne soit véritablement bien exprimé. C'est un peu comme si je décrivais vaguement quelques symptômes d'une maladie que je maîtrise mal et que dans ce bouquin vous y trouviez la physiopathologie ainsi qu'un début de traitement. Je ne prétends pas que l’audience de ce blog permettra de relancer la réédition de ce livre, mais s’il pouvait te permettre (tu vois, j’écris tout le temps « tu » dans mes billets, preuve que j’imagine que tu n’es pas très nombreux…) de porter à ta connaissance un ouvrage éclairant sur ta vie de médecin, de salarié, de manager, de mec important qui se remet en question (ça doit bien exister non ?), de chômeur, d’étudiant, bref, sur ta vie de citoyen, eh bien, je serais comblé. Je n'ai pas mis super grand PDG et encore moins ministre parce que quand même quoi. Bon,  au cas où tu sois ministre ou grand PDG, ben, franchement ce livre va mettre à mal tout ce que tu as appris et tentes de mettre en place dans tes institutions et sociétés. Mais puisque ça nous mène droit dans le mur, autant que tu le saches. Je n'ai pas non plus mis Président parce que je serais obligé de mettre une cravate et de te vouvoyer, truc que j'ai pas trop l'habitude de faire. Bon OK, au cas où, je vais faire un effort. J'ai rentré ma chemise dans mon pantalon, c'est pas mal déjà, c'est un premier pas. Donc, si t'es Président, t'es un peu un grand dominant. Pourtant t'as déjà été et tu es encore parfois un dominé qui pédale un peu dans la semoule. Je sais, c'est pas drôle, j'ai pas le remède miracle même si je suis médecin, mais dans un premier temps, lis ce bouquin. Après on pourra parler. Si tu es Michel Lafon, éditeur de profession, alors, s'te plaît, pourrais-tu réimprimer au moins un exemplaire de ce livre pour Monsieur le Président, tu serais un chou... Juste au cas où, parce que ça pourrait peut-être un peu l'aider à y voir plus clair lui aussi. Et ça serait plutôt cool pour tous les dominés.  

Bon, beaucoup de blabla, mais en fait c’est quoi ce bouquin ?

On pourrait imaginer une belle histoire d’amour, un type qui passe 324 pages à ramer pour séduire une beauté fatale qui le rejette, et boum, à la 325ème et dernière page, il conclut, il se la tap… dans toutes les posit…, euh non merde, ma mère lit mon blog de temps en temps, je vais encore me faire engueuler. Donc reprenons calmement et sereinement : à la dernière page, le rameur prend sa revanche en séduisant sa belle princesse. Ils se marièrent et eurent beaucoup, beaucoup d'enfants.

Non, c’est pas du tout ça ce bouquin, mais alors là pas du tout, donc si tu cherches ce genre d’histoire, alors zappe. Quoique, je trouve que c’est quand même un peu une histoire d’amour. L’amour des autres, l’amour de notre vie en société, l’amour d’un meilleur avenir pour nous et nos descendants. Si, si en fait, reviens Léon, y a de l’amour à l'horizon !

Donc si t’es un amoureux de la vie mais que tu trouves que ça tourne pas vraiment rond, que tu sens un peu ce qui ne va pas sans vraiment savoir l’exprimer, que tu t’indignes à défaut de pouvoir faire changer les choses, alors ce livre te donnera des billes. Oui, ça te permettra de conceptualiser ton ressenti (la vache, je pensais pas que je pouvais sortir une phrase comme ça). Tu vas peut-être me dire que ça te fait une belle jambe et que c’est pas ces feuilles de papier qui vont révolutionner les choses. Je te répondrai que mettre des mots sur des maux permet parfois de soulager un peu et d’avancer. C’est en tout cas l’effet que ces feuilles de papier ont eu sur moi alors que je n’ai fait que les lire, je te promets que je ne les ai pas fumées (je te rappelle que ma mère me lit de temps en temps alors je me tiens à carreau).

Si ça te fait peur, que tu ne te crois pas suffisamment intelligent pour le lire, je vais te rassurer tout de suite. Même moi, je l'ai lu en 3 jours et j'ai tout compris ( quoi, presque tout). Donc tu vois, franchement, vas-y franco.

Si tu n'as vraiment pas le temps de lire, alors lis au moins « La fable des rameurs ». Je ne vais pas te mâcher le travail. Tu me googlises ça et tu cherches la version qui te correspond le mieux. Tu la lis, tu ris, ensuite, tu ris un peu moins, ensuite, tu réfléchis un peu, et enfin, tu la partages avec tes collègues, tes amis et tes connaissances.

Désormais, venons-en aux erreurs. La mienne d'abord. En dehors du fait d'avoir mis tout ce temps avant de le lire ce foutu bouquin, j'ai commis une grave erreur sur son auteur. Oui, dans un billet intitulé : Manifeste pour un big bang sanitaire je m'étais autoproclamé dominant et lui avais octroyé le poste de ministre de la santé. Il aurait peut-être mérité mieux finalement. Oh pis non, tiens,  un big bang n'est pas un petit feu d'artifice, c'est un big bang. Alors balayons tout ça et passons directement à l'hétérarchie. Une hétérarchie dans laquelle cet agité du bocal qui pense être un rameur, deviendrait plutôt barreur d'un des avirons. Et sur d'autres avirons, je mettrais bien quelques autres barreurs dignes de ce poste. Regarde, ils sont déjà en train de se concerter sur la meilleure stratégie à adopter pour obtenir un large consensus. L'objectif étant de nous faire ramer dans de bonnes conditions le plus loin possible sans que personne ne se noie, bref de nous mener à bon port.



Ben quoi ? Pourquoi pas ? Puisque ce livre est un essai, qu'on n'est pas fous, ni paranos, juste indignés, alors cet essai, il faut maintenant le transformer :-)

PS : au cas où tu sois un peu bigleux, la photo est un grossier montage avec de gauche à droite : M. Winckler à la place de J. Brel, D. Dupagne à la place de L. Ferré et C. Lehmann à la place de G. Brassens. Et fumer tue bien sûr. 



mardi 10 septembre 2013

Médecins de demain ?

Pour introduire ce billet, voici comment peuvent être présentés voire se présenter certains médecins d’aujourd’hui : France 3 Limousin
 
Ce reportage réalisé par des journalistes (donc des pros) dont le boulot consiste à informer la population pourrait parfaitement illustrer un de mes précédents billets traitant des déserts médicaux : Désert... vous avez dit désert ?
 
Mais je préfère t’inviter à aller lire les billets plus récents d’autres médecins. Ils sont en lien * à la fin de cet écrit. Leurs diverses réactions me semblent intéressantes et complètes. J’approuve totalement et j’aimerais donc aborder ici ce genre de traitement médiatique pour enchaîner sur les médecins de demain plutôt que ceux d’hier…

 

Parce qu’on peut remonter loin pendant qu’on y est, style ça :

 


 

ou mieux, encore plus loin, pourquoi pas ça ?
 


 
On peut tirer à boulets rouges sur les propos du médecin de ce reportage qui n’apportent rien de constructif, et ne font que diviser les générations. Mais pour prendre un peu sa défense, gardons à l’esprit qu’il faut toujours se méfier des propos tirés de leur contexte (coupures, réponses sans entendre les questions etc…). Les journalistes sont des pros de l’interview et savent parfaitement faire dire ce qu’ils souhaitent faire entendre. Ce médecin était peut-être interviewé pour la première fois de sa longue vie de médecin dévoué corps et âme à ses patients, et faire face aux caméras, ce n’est pas toujours évident. Concernant le sujet de la désertification médicale, je me répète, mais une fois que tu as vu un reportage, ou lu un article de presse, tu les as tous vus et lus, on commence à connaître la chanson. Les journalistes ne se renouvellent pas beaucoup. Donc ce qui me vient aussitôt à l’esprit, c’est cet immense pouvoir d’influence qu’ont les médias sur la population. Bon OK, ça non plus ce n’est pas un scoop et j’aurais même parlé de pouvoir de manipulation mais restons naïfs et modérés, ça le fait mieux. Bref, avec ce type de reportage, les journalistes (plus que le médecin finalement) auront réussi en quelques secondes à diviser jeunes et vieux médecins généralistes, monter la population contre les jeunes qui ne sont que des fainéants, faire fuir les très rares courageux (encore une espèce en voie de disparition apparemment...), et angoisser les gens de ces soi-disant déserts quant à leur accès futur aux soins (de 1er recours, parce que pour le reste, tout va bien Madame la Marquise !). Voilà une réalité servie et resservie à en faire une indigestion, même à en vomir.

Les journalistes, bon on va plutôt écrire « ces » journalistes pour ne pas tous les mettre dans le même panier, ne prenons pas leurs défauts, nous présentent approximativement ce qu’étaient les médecins d’hier, ce qu’ils seraient aujourd’hui, et vont même jusqu’à s’avancer sur ce qu’ils seront demain.

Médecins de demain ?
 
 
Tiens, tiens, en voilà une bonne idée, parler des médecins de demain. Bingo, c’est déjà fait, affaire pliée, France 4 (encore France Télévision, comme quoi y a pas que sur TF1 qu’on raconte des conneries, public comme privé, même combat), émission en plusieurs épisodes présentant le parcours d’internes en médecine qui deviennent de jeunes médecins et seront les médecins de demain. Nos médecins de demain. Waouh, génial, c’est top ça !

Ce type d'émission présente il me semble un seul avantage, celui de possiblement faire naître quelques vocations. Bon, très bien. Sauf que ben, des vocations, on n’en manque pas si tu vois le nombre d’inscrits en première année à la faculté de médecine, ça c’est bon, ça attire toujours. Après, évidemment, il y a le numerus clausus à régler, mais si on veut, si on règle bien les vannes, pas de souci pour les vocations et les effectifs des médecins de demain. Il suffit de vouloir et d’anticiper un peu quoi…

D’après cette émission, donc d’après une poignée de journalistes voulant éclairer la population, le médecin de demain, c’est un futur chirurgien, une future gynéco, une future réanimatrice, tralalitralalerre. Ils sont cool, motivés, souriants, tout va bien. Ils sont top classes ces médecins de demain. On les voit évoluer durant leurs stages hospitaliers, au milieu des malades super malades et de leurs séniors toujours très présents, plutôt sympathoches, hyper pédagogues, tralalitralalerre. C’est là qu’on peut se poser des petites questions : nos amis journalistes nous présentent leur réalité, mais est-ce la seule ? N’y a-t-il pas un petit risque de désillusion en présentant les choses idéalisées ainsi ?

Je ne veux surtout pas nier la réalité de cet aspect des études médicales, cette façon de voir et de montrer la formation ainsi que l’exercice de jeunes médecins. Mais ces études, c’est aussi des seniors pas toujours très présents, pas toujours très sympas, ni très pédagogues. C’est aussi le mépris, l’arrogance, l’humiliation de certains mais toujours trop nombreux chefs de service ou simples médecins sur leurs internes, certains internes sur les externes etc… des comportements qui se répètent génération après génération, des comportements transgénérationnels (je crois que c’est comme ça qu’on dit pour faire bien). Je sais que c’est pas trop marrant de parler de ça, ça réveille chez certains de mauvais souvenirs, de méga grands docteurs qui sont les meilleurs et à qui t’as plutôt intérêt à lécher les bottes se sentent un peu visés, quelques peu froissés. Mais si le boulot des journalistes, c’est de relayer la réalité des choses, ben voilà quoi.

Alors si tu as regardé cette fameuse émission, tu vas me dire que moi non plus je ne relaie pas correctement. Ouais, sauf que moi je ne suis pas journaliste, alors je fais ce que je veux na ! Ben ouais, OK, j’ai omis de parler de cet interne de médecine générale parfois rigolo, plutôt beau gosse, et qui devient……roulement de tambour…..jeune médecin urgentiste. Bingo. Y en avait un autre au début d’interne de médecine générale, mais lui il a disparu, parce qu’il est peut-être vraiment allé faire de la médecine générale, voire se perdre dans un désert va savoir ? Donc lui, out ! Aucun intérêt d’en parler j’imagine, pas très « reportagénique » sans doute (ne cherche pas, ce mot n’existe pas, on dit télégénique normalement, pourtant j’suis sûr que t’as compris ce que ça veut dire).

Donc voilà une émission que beaucoup trouveront pas mal faite, qui nous parle des médecins de demain, en ne parlant que de médecine à l’hôpital et pas du tout de médecine générale. On parle de technicité, de gestes vitaux, avec les commentaires typiques en voix-off et la petite musique angoissante, attention, suspense : « Machin se prépare pour une intervention délicate… », « Le jeune Dr Trucmuche a tout de suite remarqué l’état de son patient qui peut se dégrader à tout instant, il lui administre aussitôt le médoc adéquat, miracle, son patient est sauvé… » et tralali et tralalerre, c’est super.

Le souci, c’est que franchement, justement, il n’y a aucun souci à se faire pour toutes ces disciplines techniques. Nos facultés de médecine forment et continueront à former de très bons techniciens de la médecine et cela est nécessaire. Sauf, que parler des médecins de demain comme d’aujourd’hui, ce n’est pas seulement ça. Parler de médecins de demain en ne parlant que de l’hôpital, jamais de médecine générale, c’est un peu gênant. Et quand on parle des médecins généralistes de demain, n’aborder que ces fainéants qui ne vont pas dans le désert parce qu’ils ne pensent qu’au fric de leurs « clients », ça tortille un peu les boyaux.

Il me semble que parler des médecins de demain, ce n’est pas que mais c’est aussi parler de la médecine :

-sans geste technique hyper méga pointu

-sans prescription médicale

-sans service hospitalier

-sans cow-boy filant à toute allure sur un arrêt cardiaque ou un accident de la route

-bref c’est aussi parler d’une médecine sans grand spectacle, en apparence.

Tu vas me dire qu’il ne reste plus rien à dire alors, que ce n’est pas de la médecine, ou alors de la médecine d’avant avant avant-hier. C’est de la Préhistoire, de la médecine sans médecin !!!

Pourtant, la médecine de demain, c’est peut-être justement aussi la médecine qui prend du recul par rapport à cette surabondance de technicité, d’examens en tout genre, de molécules par milliers, pour ne pas tout mettre à la poubelle, bien évidemment que non, et surtout pas, mais pour les utiliser à bon escient, et aussi ne pas avoir peur de ne pas les utiliser. Car à mal ou trop utiliser cet arsenal, parfois pour se rassurer, le médecin peut devenir nocif pour le patient. En médecine comme dans tout autre domaine, ne nions pas le progrès, mais utilisons-le à bon escient. Un peu de pub gratuite, l’Éditorial de la Revue Prescrire de septembre 2013 s’intitule : « Trop de médecine nuit »… Morceau choisi : « Mais aujourd’hui, au moins dans les pays les plus riches, davantage de soins n’est pas toujours synonyme de meilleure santé. » Mais attention aux phrases tirées de leur contexte hein ! Mieux vaut tout lire pour te faire ton opinion.

Concluons par un peu d’optimisme, car cette médecine de demain que ces journalistes ne relaient pas, c’est déjà de plus en plus celle d’aujourd’hui. Il suffit d’aller lire les blogs de jeunes et moins jeunes médecins, généralistes comme spécialistes, mais aussi ceux d’étudiants (Litthérapeute), et d’internes (Le bruit des sabots). Cette réalité-là, cette remise en question, cette force de proposition, elle existe bel et bien. Qui peut parler de médecine mieux que les médecins et futurs médecins ? Pour le moment, pas ces journalistes. Il faudrait d’abord qu’ils apprennent à relayer de bonnes infos, à traiter les sujets correctement, dans leur intégralité, sans caricature, sans angélisme, et surtout sans manipulation.

*Comme promis, les fameux liens vers :

-une des stars des médecins blogueurs : Fluorette : Les premiers d'une nouvelle espèce

-une jolie façon poétique de traiter le sujet chez DZB17 : La ficelle

-et enfin une bloggeuse souvent touchante, toujours percutante : Armance : De bien belles images

-tiens, pour le même prix en voilà un quatrième gratis pour te montrer qu’un médecin généraliste, ce n’est pas cet imbécile qui ne s’occupe que des « nezquicoulent », lis ce billet de Farfadoc , tu m’en diras des nouvelles.

Sur tous ces blogs, tu trouveras d’autres liens, et encore d’autres liens, toute une toile de liens pour découvrir une autre réalité que celle qu’on nous ressert et ressert tralali tralalerre.
La preuve, encore un billet sur le sujet que j'avais oublié mais que je m'empresse d'ajouter chez Dr Kalee.