lundi 16 octobre 2017

LETTRE OUVERTE AUX DÉPUTÉS CONTRE LE PROJET D'EXTENSION DE L'OBLIGATION DE VACCINATION DES NOURRISSONS

Médecins généralistes                                                                                Le 16 octobre 2017
concernés par le projet d’obligation
vaccinale pour les nourrissons.

A Mesdames et Messieurs les députés
Copie à : Monsieur le premier Ministre
Copie à la Ministre des solidarités et de la santé
Copie aux présidents de groupes parlementaires
Copie au Président de la République française M. Macron



Mesdames et Messieurs les député(e)s :


Nous, médecins généralistes, vous demandons de ne pas voter l’article 34 du PLFSS 2018 élargissant les obligations vaccinales à huit vaccins supplémentaires chez les nourrissons de moins de 2 ans à compter du premier janvier 2018 pour une durée indéfinie. Nous estimons que cette obligation groupée est injustifiée, contraire aux données de la science, aux droits des patients et aux principes du Droit en démocratie.

Parce que nous sommes des citoyens et des professionnels de santé concernés par la santé publique, nous vous écrivons pour nous opposer au projet de loi visant à élargir à onze vaccins au lieu de trois l’obligation vaccinale chez les nourrissons.

Nous ne nous situons pas dans une perspective qui serait celle d’une controverse stérile et idéologique entre partisans et opposants à la vaccination en général.

Nous sommes simplement soucieux de vous sensibiliser au fait que l’histoire des vaccinations en France n’est pas linéaire, qu’elle a connu des succès et des échecs, que des vaccins sont apparus et ont disparu pour cause d’efficacité/inefficacité, voire de dangerosité. Mais nous souhaitions surtout réaffirmer que chaque vaccination s’inscrit dans une démarche globale de santé publique qui doit associer l’acte vaccinal lui-même à l’amélioration des conditions de vie régnant dans la société et notamment des conditions socio-économiques de certains milieux défavorisés, grâce aux structures sociales d’accompagnement et à des campagnes de prévention primaire et de promotion de la santé.

Pour la première fois en France un gouvernement voudrait faire voter par le Parlement une obligation groupée pour 11 vaccins. La dernière fois que le Parlement a voté une obligation vaccinale c’était pour le vaccin contre la poliomyélite en 1964. Ensuite et à ce jour, considérant que la population était plus instruite que par le passé et en raison de l’inefficacité de l’obligation vaccinale, les autorités n’ont pas jugé utile d'imposer de nouvelles obligations vaccinales.

Donc, pourquoi revenir sur cette décision des années 60 ?

Madame la ministre des solidarités et de la santé indique que l’obligation vaccinale permettra de restaurer la confiance, d’augmenter la couverture vaccinale et par là d’apporter un bénéfice majeur en termes de santé publique. C’est ce bénéfice qui justifierait l’obligation de vaccination des nourrissons par 11 vaccins.

Elle déclare fonder sa décision sur le constat d’un accroissement de la défiance de la population française à l’égard des vaccins qui se traduirait par le déclin de la couverture vaccinale des nourrissons. Or, ces deux arguments nous paraissent sujets à caution. La population française n’est pas fondamentalement méfiante envers les vaccins, comme le montrent différentes enquêtes d’opinion (Annexe I). Mais un infléchissement de la confiance est survenu, et les raisons n’en sont pas mystérieuses. L’origine de cet infléchissement réside dans deux épisodes survenus ces dernières années dont les autorités alors en place portent l’entière responsabilité.

Le premier est le précédent de la décision de la vaccination anti grippale de masse contre le virus A (H1N1). Cette crise, qui s’est produite en 2009, a été provoquée par le défaut de prise en compte des données plutôt rassurantes venant de l’hémisphère sud, qui a mené à la décision d’appliquer le plan « grippe aviaire » (mortalité extrême) à une grippe d’intensité normale et par l’exclusion des médecins généralistes du dispositif mis en place, les vaccins fabriqués en masse étant injectés à la hâte dans des lieux de vaccination collectifs en dépit des risques évidents de contamination.

Cet épisode représente un double échec : celui de l’expertise scientifique qui prédisait des dizaines de milliers de morts et celui de la concertation et de la prise de décision partagée entre les politiques, les professionnels de santé et surtout les citoyens. Nul doute que la confiance des Français a été fortement entamée par cette succession d’erreurs.

Le deuxième épisode est celui, non encore résolu, des pénuries récurrentes et durables de vaccins recommandés pour les nourrissons, les enfants et adolescents depuis le début 2015 devant lesquelles les gouvernements successifs sont restés sans réaction alors qu’elles pénalisaient de très nombreux parents. Ces pénuries peuvent facilement expliquer à elles seules la modeste baisse de couverture observée à partir de cette période du fait des contraintes pratiques pour les parents qui ne trouvaient plus les vaccins recommandés dans les pharmacies.

Malgré le risque de baisse de couverture vaccinale dû à cette pénurie, les différents gouvernements n’ont pas jugé utile d’intervenir pour mettre fin à cette situation. Pourtant, comme l’a précisé le Conseil d’Etat dans sa décision du 8 février 2017 concernant l’indisponibilité depuis 2008 sur le marché français du vaccin Diphtérie-Tétanos-Polio obligatoire non combiné à d’autres valences, le gouvernement et la ministre des Solidarités et de la Santé disposent de nombreux moyens légaux pour sanctionner les laboratoires pharmaceutiques défaillants et/ou se substituer à eux. En dépit de cela les ministres successifs ont toujours refusé d’utiliser ces moyens légaux à l’encontre des laboratoires. Cet épisode a également entamé la confiance des Français dans les recommandations vaccinales.

En tant que citoyens éduqués, et en application de la loi du 4 mars 2002, les Français ont le droit d’exiger des informations précises, claires et robustes sur les tenants et les aboutissants de la vaccination et n’ont pas à être soumis à des décisions précipitées et à une interprétation maximaliste de la concertation sur les vaccins. A plusieurs reprises dans les médias Madame la ministre a évoqué des chiffres inexacts sur la couverture vaccinale alors que celle-ci était en hausse constante chez les nourrissons jusqu’à 2015 (Annexe II), illustrant ainsi l’impréparation, le manque de réflexion et l’absence de fondements solides à sa décision.

En outre, cette décision ne s’inscrit pas dans une vision globale et cohérente de la santé publique. Lorsque le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) émettait des recommandations concernant les vaccins, sa mission n’était pas de déterminer des priorités de santé publique. Le HCSP devait décider si le rapport bénéfice-risque de chaque vaccin recommandé pour la vaccination universelle des nourrissons pouvait apparaître comme acceptable sur la base de différentes hypothèses d’efficacité et d’une connaissance partielle des risques. Ces recommandations comportent donc une part importante de subjectivité et d’incertitude et ne tiennent pas compte du contexte global de santé publique. Les décisions concernant les recommandations vaccinales ont aussi passé outre à plusieurs reprises le mauvais rapport coût-efficacité des vaccins recommandés. Ces aspects ne sont pas un détail dans le cadre du PLFSS et dans un contexte de restrictions budgétaires où il s’agit de définir des priorités en favorisant les actions de santé publique les plus coûts-efficaces (Annexe III).

Dans une perspective de santé publique, il faut savoir qu’il y a en France environ 2700 décès d’enfants de moins de un an, ce qui permet de définir la mortalité infantile, et 4000 décès au total chez les moins de 15 ans. Toutefois, 99% de ces décès ne sont pas évitables par l’extension de l’obligation vaccinale à huit vaccins supplémentaires. Même dans l’hypothèse irréaliste d’une couverture vaccinale à 100 % et d’une efficacité vaccinale à 100 % stable dans le temps, ce qui signifierait l’éradication de toutes les maladies à prévention vaccinale visées par les recommandations actuelles, les huit vaccins supplémentaires recommandés ne peuvent permettre de prévenir plus de 1% des décès survenant à ces âges. A titre de comparaison, les causes accidentelles représentent 8 à 9% de la mortalité des moins de 15 ans et 25% des décès soit un décès sur quatre entre 1 et 14 ans.

D’autre part, le modèle de la rougeole, constamment mis en avant, maladie pour laquelle la diminution du nombre de cas est proportionnelle à l’augmentation de la couverture vaccinale, n’est pas généralisable à toutes les maladies et à tous les vaccins et constitue plutôt une exception.

On peut ainsi noter que parmi les huit vaccins supplémentaires que l’on voudrait rendre obligatoires, certains concernent des maladies qui font déjà l’objet d’une prévention ciblée et qui ne circulent pas parmi les enfants en France. Ce qui signifie qu’on ne peut pas espérer prévenir des contaminations entre enfants par l’obligation vaccinale et ainsi obtenir un bénéfice en termes de santé publique (hépatite B). Cela signifie aussi que les enfants nés en France admis en collectivité et non vaccinés contre l’hépatite B ne représentent aucun risque pour les autres enfants. Pour d’autres vaccins, ces maladies sont rarissimes même en l’absence de vaccination (méningite à méningocoque C, 120 cas par an en moyenne dans l’ensemble de la population en l’absence de vaccination et un à trois décès par an chez les moins de 15 ans). Dans ce cas la vaccination universelle risque de provoquer plus d’effets indésirables graves chez les nourrissons, que de bénéfices dans la population générale. Cette vaccination est donc préconisée non pour éviter une menace sanitaire grave mais dans l’espoir illusoire, comme le montre l’exemple d’autres pays européens, d’une éradication possible de cette maladie rare. Pour d’autres vaccins enfin, l’efficacité est instable, et leur généralisation a même pu favoriser l’accroissement significatif de la fréquence dans la population de la maladie que le vaccin devait combattre (vaccin contre le pneumocoque). (voir Annexe III).

Pour chacun des onze vaccins concernés par cette mesure, les parents, vont être privés de la possibilité d’exercer un choix sous peine d’être exposés à des sanctions. Si cette mesure est appliquée, l’absence sur le carnet de santé d’un seul des onze vaccins concernés entraînera pour les parents l’impossibilité d’inscrire l’enfant concerné en collectivité (crèche, maternelle, école, collège, lycée). Le droit d’accéder à l’école étant lui-même étroitement lié à un droit fondamental, celui de l’accès à l’éducation. Or, comment justifier de faire peser de telles contraintes et sanctions sur les parents alors que les risques que feraient courir les enfants non vaccinés à la collectivité sont, pour certains des vaccins concernés par l’obligation groupée, inexistants ou infinitésimaux ?

On peut faire les mêmes objections pour les bénéfices de santé publique attendus qui sont, pour certains vaccins visés par l’obligation, marginaux ou très discutables.

Les sanctions envisagées apparaissent à la fois critiquables moralement  et éthiquement mais surtout, la privation de la liberté de choix et la lourdeur des sanctions associées posent la question de la proportionnalité des contraintes. Cette proportionnalité garantit la défense des droits fondamentaux en assurant que la puissance publique ne puisse limiter la liberté des citoyens que « dans la mesure indispensable à la protection des intérêts publics ».

A l’aune de cet ensemble d’arguments il nous paraît donc légitime que la représentation nationale donne son avis pour chacun des vaccins concernés et qu’elle le fasse en toute indépendance, sur des critères qui soient clairs, démontrés et pertinents sans déléguer à un groupe d’experts dont certains présentent des conflits d’intérêts financiers avec les laboratoires pharmaceutiques commercialisant ces vaccins, la responsabilité de décisions qui ne devraient avoir pour seul objectif que la protection des individus, ici des nourrissons et des enfants, et l’amélioration de la santé publique.

L’affaire Levothyrox est également là pour confirmer que le manque d’anticipation des autorités sanitaires, le déficit d’information et de concertation avec les professionnels de santé prescrivant et délivrant ces médicaments, et surtout l’oubli initial qu’il y avait trois millions de patients traités ne pouvaient que mener à des incompréhensions, des souffrances, des non-dits, et des rumeurs. Certains patients sont même allés jusqu’à arrêter leur traitement au risque de mettre leur santé en péril.

Madame la ministre des solidarités et de la santé a placé cette obligation sous le signe de la peur, insistant sur les dix décès dus à la rougeole depuis dix ans, mais n’a pas apporté les preuves que cette obligation serait suivie d’effets positifs à court et à moyen terme tant en termes de baisse de la mortalité et de la morbidité qu’en termes d’écologie infectieuse (apparition de résistances et/ou de changements d’âge de survenue des maladies).

Il nous semble donc impossible que vous puissiez voter cette loi en l'état, sans que les réelles conditions d'un débat démocratique aient été instaurées.

En annexe, plusieurs documents vous sont présentés afin d’illustrer cette lettre et de vous éclairer. L’un d’entre eux, l’annexe III, met en évidence les contradictions et les insuffisances dans les motifs ayant mené à cette décision et fait la démonstration que pour au moins trois vaccins sur les onze concernés par l’obligation cette mesure n’apportera aucun bénéfice de santé publique.

Premiers signataires :

Dr Claudina Michal-Teitelbaum, médecin généraliste ;
Dr Jean-Claude Grange, médecin généraliste ; Dr Christian Lehmann, médecin généraliste ;
Dr Sylvain Fèvre, médecin généraliste ; Dr Jean-Baptiste Blanc, médecin généraliste ;
Dr Marc Gourmelon, médecin généraliste ; Dr Bertrand Stalnikiewicz, médecin généraliste ;

Dr Dominique LOUBET, médecin généraliste ; Dr Isabelle CHIVILO, médecin généraliste ;
Dr Armel SEVESTRE, médecin généraliste ; Dr Alain SIARY, médecin généraliste


Les annexes, l'argumentaire détaillé et l'ensemble de ce courrier sont téléchargeables en PDF sur ce lien.

Nous invitons tous les soignants et tous les citoyens qui partagent ces arguments à diffuser cette lettre et à la transmettre à leur député. 

Médecins, vaccinateurs, pour soutenir notre réflexion sur les vaccinations intégrées dans une démarche globale de santé publique c'est ici : SOUTIEN EN LIGNE


samedi 7 octobre 2017

LA CONFRULTATION ?



JE. LA. TIENS !

Heureusement qu’elles ne sont pas fréquentes car j’en suis sorti épuisé, asséché, vidé.

Je l’avais peu anticipée, pourtant j’aurais pu la sentir venir à plein nez. Mais rien n’y a fait et j’ai été rapidement dégondé car du haut de ma suffisance, je me voyais le plus fort.

Une véritable confrontation que je pensais débuter par un rapide round d’observation, suivi de deux ou trois pichenettes contre lesquelles il n’aurait guère fait le poids avant de conclure par un KO. En vingt minutes tout au plus ça serait plié.

Mais non, rien de rien.

En dégainant mon salut empathique, son regard fuyant m’a persuadé que la partie était gagnée d’avance.

Gagnée pour qui ?

Le round d’observation a bel et bien eu lieu mais il fut plus long que je ne l’avais imaginé. Tentatives d’accroche, fuites, retrait, premiers mots puis toisements de part et d’autre. J’ai alors compris que la victoire ne serait pas si aisée.

Premières salves, quelques coups en direction du flan, esquives, puis une violente droite juste sous la pommette accouchant d’un scintillement d’étoiles autour des yeux. A peine le temps de reprendre ses esprits pour détendre un uppercut millimétré. Enchaînement immédiat, re-esquive, quelques pichenettes reposantes histoire de retrouver le souffle.

Tous les coups suivants furent donnés dans le vent. C’est à cet instant précis que la victoire s’est éloignée. Cogner dans le vide c’est tellement épuisant. Puis le temps file, vous vous engluez, le sable mouvant vous aspire, et vous sombrez.

Mais.

JE. LA. TIENS !

Je la tiens cette confrontation, cette consultation, cette confrultation.

La première fois que j’ai vu la petite, elle avait vingt-quatre jours. La maman était venue seule et m’avait glissé que contrairement à elle le papa n’était pas vraiment pour les vaccins.

« Oh vous savez, avec quelques explications on devrait pouvoir le convaincre »

La seconde fois, les premiers vaccins avaient été réalisés. Elle était revenue seule et m’avait soufflé que le papa était furax. Hors de question pour lui qu’on poursuive les vaccinations.

« Vous savez, je sais qu’il travaille et qu’il lui est difficile de se libérer, mais vous devriez venir avec lui la prochaine fois, il faut qu’on discute »

Je n’ai pas eu de réponse à ma proposition.

Puis elle a appelé.

Puis ils sont venus, la petite, la maman et le fameux papa pas vraiment pour mais carrément furax.

J’en ai vu des parents. Des parents hésitants, se questionnant, pas vraiment contre mais quand même pas trop pour non plus. Alors on discute, on explique, on comprend les doutes, on argumente, on échange, on partage. Et en général, on aboutit au moins à un compromis.

Mais là, c’était le niveau gratiné. Pas le militant organisé qu’on ne voit de toute façon jamais en consultation mais la victime embrigadée, lobotomisée par les thèses anti-vaccinales. Le dernier chaînon de la maille. En plein dans le mille. Pas le sympathique bobo écolo homéo fixé sur les adjuvants qui réussit à jongler avec deux ou trois arguments pseudo-scientifiques glanés sur de célèbres réseaux sociaux, non aucun point commun.

Je gravissais par l’angle statistique, épidémiologique avec un discours adapté, il me crachait que tous les vaccins n’étaient que poison.

Je lui rétorquais qu’il ne me semblait pas que les médecins choisissaient ce métier pour passer leurs journées à être de vulgaires empoisonneurs d’enfants, j’avais finalement droit à « tout ça n’est qu’une histoire de fric, une mafia entre les toubibs, les labos et les politiques ». On aurait pu entendre les premières notes du Parrain et je me voyais trônant fièrement en pièce maîtresse du clan Corleone. 


Je retombais sur terre, tentais de réorienter le débat sur la balance bénéfices-risques, le ramenais à la raison en comprenant certaines de ses craintes, lui rappelais qu’on était justement là pour en discuter, voyais plus loin, l’éventuelle future inscription en crèche, la scolarisation.

« NON ! J’AI DIT NON ! DU POISON ! Regardez tous ces cancers, c’est les vaccins ! Et même la maladie d’Alzheimer c’est à cause des vaccins ! »

Je sais, il y a ceux avec qui c’est simple car ils viennent pour se faire vacciner, il y a ceux qui viennent avec leurs doutes, leurs questions, ça prend du temps, et en général on s’entend. Puis il y a cette indéboulonnable partie de la population avec laquelle mieux vaut peut-être ne pas perdre son temps. Ou alors il faut accepter de s’engluer dans cette fameuse confrultation qui vous vide sans mener nulle part.

Évidemment, coucher par écrit un résumé de cette confrultation ne reflétera jamais tout ce qui s’y est réellement déroulé.

Mais au final, j’entends déjà au loin les donneurs de leçons :

-ce cas est très simple, il y a l’obligation vaccinale en vigueur en 2017, pas de vaccin = hors la loi = signalement. Tu n’as pas signalé ? Tu couvres des hors la loi ! Hors la loi toi-même. 
-ce cas me pose question, la mère veut faire vacciner, le père est contre, au final c’est le père qui remporte la mise. Tu as privilégié l’avis du père, c’est du sexisme ! 
-Ouhlala ! Imagine ! La petite se chope une coqueluche cognée et meurt ! Assassin ! 
-Si tu n’as pas réussi à convaincre c’est que tu n’es toi-même pas convaincu petit chenapan ! Pire, ne serais-tu pas finalement contre les vaccins toi aussi, l’anti-vaccin malgré lui ? 
-T’es nul, il suffisait de refixer un rendez-vous sans le père, tu vaccinais la petite en catimini et basta ! 

Ah les fameux donneurs de leçons… Merci pour votre aide précieuse. Que ferait-on sans vous ?

Pour le moment, j’ai écrit dans le dossier que malgré les informations données il y avait refus de vacciner, j’ai dit aux parents que j’étais à leur disposition, même pour poursuivre le suivi.

Pour le moment, je ne les ai pas revus.

Depuis cette consultation, a été annoncée officiellement l’extension de l’obligation à onze vaccins pour les enfants nés à partir du premier janvier 2018.

Quelques remarques et questions comme ça à la volée :

Quel sera l’impact de cette obligation sur cette partie de la population-là ? Et sur ceux qui sauront toujours se débrouiller pour passer entre les mailles en faisant habilement croire qu’ils ont respecté la loi à la lettre, à la micro-goutte de vaccin près ?

Si l’impact est nul, qui en rendre responsable ? Car il faut toujours trouver un responsable sachant que la sanction prévue actuellement pour les parents qui est de six mois de prison et 3750 euros d’amende sera levée.

Et quand on trouve un responsable, il faut le sanctionner.

On pourrait imaginer sanctionner financièrement les médecins qui n’obtiendraient pas un niveau optimal de couverture vaccinale obligatoire parmi leurs petits patients. Les indicateurs et outils d’évaluation sont déjà en place, ça serait très simple à organiser. Il suffit juste de placer le curseur, plus il s’éloigne de 100 %, moins le médecin est rémunéré. Rigolo non ? D’ailleurs le principe existe déjà. Ah on rigole moins là hein !

Ou encore, l’Ordre des Médecins s’étant félicité dans un communiqué de l’extension de l’obligation vaccinale, ne pourrait-on pas désormais lui demander de faire régner l’ordre justement en sanctionnant disciplinairement ces mêmes médecins ? Je parle ici des médecins qui auront fait ce qu’ils pouvaient bien sûr sans aboutir, pas des médecins divulguant des messages à l’encontre des preuves scientifiques ni ceux distribuant de faux certificats de vaccination qui séviront toujours malgré la loi et qui eux doivent être punis.

Une dernière réflexion pour la route : pas de vaccination = pas de scolarisation. Comment gérer le télescopage entre l’obligation vaccinale et l’obligation scolaire ? Quelle obligation prioriser ? Imaginons un enfant vacciné contre huit maladies sur les onze obligatoires : pas de bras pas de chocolat ? La loi du tout ou rien ?

Bon, allons, pas de politique fiction, revenons à la real politique.

Parmi l’éventail des arguments repris au niveau politique pour défendre l’obligation des onze vaccins, on peut entendre ou lire que la rougeole tue en France.

C’est vrai et c’est terriblement triste. Une dizaine de décès depuis une dizaine d’années soit environ un mort par an.

Partant de cet argument, je ne peux m’empêcher du coup de repartir dans mes élucubrations en m’imaginant dans la tête d’un lobbyiste talentueux aux portes du ministère de la santé. Voilà le discours que je commencerais à préparer avant de le souffler aux oreilles des conseillers ministériels :

« Bonjour Mesdames et Messieurs les conseillers ministériels, ravi de vous rencontrer. Je tiens d’abord à féliciter votre ministre pour sa décision courageuse concernant l’obligation vaccinale. (Petit 1 : Toujours commencer par caresser dans le sens du poil) 
Je pense qu’il s’agit là d’une étape importante voire décisive pour l’amélioration de la santé publique dans notre fabuleux pays démocratique (Petit 2 : Ne jamais hésiter à en rajouter des caisses).
Je vous propose dès à présent de poursuivre la réflexion car d’autres enjeux, d’autres fléaux et non des moindres méritent toute l’attention ministérielle. (Petit 3 : Filer droit au but)
Je vais donc aborder avec vous le problème du cancer du col de l’utérus.
Avec environ 3 000 nouveaux cas et 1 100 décès par an, ce cancer représente la 11ème cause de cancer et la 12ème cause de mortalité par cancer chez la femme en France.
Le cancer du col de l’utérus est attribuable dans près de 100 % des cas à une infection par un ou plusieurs papillomavirus humains (HPV), infection transmissible par contact sexuel. Ce virus tue chaque année aujourd’hui en France 1000 fois plus que le virus de la rougeole. Entendez bien, 1000 fois plus. (Petit 4 : Appuyer là où ça fait mal)
Le cancer du col de l’utérus est une maladie évitable grâce à la vaccination anti-HPV. (Petit 5 : Prendre d’énormes raccourcis arrangeants)
Malheureusement, le taux de couverture vaccinale est très faible. Il me semble donc urgent de réfléchir dès maintenant à étendre l’obligation vaccinale à douze vaccins. (Petit 6 : Marquer le but)
Si vous le désirez, je pourrai vous présenter ultérieurement les données concernant la grippe qui tue chaque année des milliers et des milliers de personnes, ou encore le problème de la varicelle et des gastro-entérites à Rota virus. Nous avons, ou plutôt vous avez, Mesdames et Messieurs les conseillers, encore beaucoup de travail. (Petit 7 : Préparer le terrain pour la suite)
Je vous remercie.»

Maintenant que la voie est ouverte, pourquoi ne pas s’y engouffrer ?

Pour conclure, l’acte vaccinal est-il un acte médical ?

L’acte vaccinal correspond pour le moment à un acte médical et à un acte technique dans le cadre d’une consultation. Je crains que l’imposer efface l’acte médical pour n’en faire qu’un acte technique. Simple acte technique, on peut concevoir d’évincer le médecin du jeu. Gain de temps, gain d’argent, réorientation du médecin sur d’autres priorités.

La consultation choisie pour illustrer ce billet est caricaturale mais réelle. Je n’aimerais pas en vivre trop souvent, c’est chronophage, frustrant, énervant, désolant. C’est le genre de consultation qui nous pousse à la maladresse, à la confrontation d’où l’invention du mot confrultation. Cependant la confrultation reste une consultation. Une consultation avec tout ce qui se joue dedans et en dehors, tout ce que l’on ne maîtrise pas ou peu, tout ce que l’on ne perçoit pas.

Plus on cherche à maîtriser, morceler, techniciser, plus on perd le sens.

C’est un choix. Le choix d’imposer.

Mais est-ce ainsi qu’on obtiendra la confiance ?