jeudi 17 décembre 2015

ALINE ?


 
 
Aline, la quarantaine portée avec élégance, deux enfants plus que parfaits, un mari idéalisé, est allée consulter le Docteur Christophe, son fabuleux médecin traitant.
 
Elle est sportive Aline. Très sportive. Du sport amateur. Mais de ces amateurs qui se prendraient presque pour des pros au point d’en devenir un peu exigeants, légèrement impatients, totalement chiants. Elle n’a jamais autant consulté, consommé d’examens, de soins, d’antalgiques et d’anti-inflammatoires que depuis qu’elle s’est mise au sport Aline. Cette fois-ci c’est le genou qui la gêne. Oui une gêne plus qu’une douleur. Quoique. Une douleur qui fait mal mais pas trop. Mais quand même c’est gênant et il est hors de question de se mettre au repos comme le lui conseille régulièrement le bon Dr Christophe car il y a bientôt le tournoi annuel entre les femmes du quartier et comme on le dit : « le sport c’est la santé ». Alors imaginons qu’Aline arrête le sport deux à trois semaines, quel désastre ! D’autant que c’est une winneuse Aline, pour la troisième année consécutive, elle veut le gagner ce tournoi.
 
 
Le Docteur Christophe est légèrement plus âgé qu’Aline. Généraliste et fier de l’être, il s’est installé quasiment dès sa sortie de la faculté. Jeune, sympathique, à l’écoute, prenant le temps, il a très vite été apprécié dans le secteur. Mais depuis quelques années, le doc a changé. Les patients sont parfois vite expédiés. L’expérience diront certains, un médecin expérimenté qui connaît bien ses patients a besoin de moins de temps. Mouais. Et les patients ? Ont-ils besoin de moins de temps ? Non, la vérité que tout le monde ne sait pas malgré la rumeur grandissante c’est que le Dr Christophe ne va pas très bien depuis quelques mois. Il prend des antidépresseurs auto-prescrits comme ça à l’arrache, un anxiolytique par-ci par-là, et un somnifère tous les soirs entre deux, trois, quatre bières voire plus si affinité. Car voyez-vous, Madame ex-Christophe ayant demandé le divorce et la garde des trois enfants qu’elle a obtenue, le doc a le blues sous sa blouse de doc. Il ne s’était rendu compte de rien, le coup est venu comme ça sans prévenir, du moins le dit-il. Pour honorer la pension alimentaire et tenter de raccrocher des morceaux brisés à jamais, il crache du fric. Un cadeau par-ci pour le petit dernier, un week-end par-là avec l’aînée. Le seul moyen de s’en sortir a été d’accélérer le rythme des consultations pour voir chaque jour plus de patients.
 
Mais avec Aline, il prend plus de temps.

Aline, c’est une patiente impatiente, mais c’est aussi une amie. Ils jouaient dans le même club lorsque le Dr Christophe avait le temps de faire un peu de sport lui aussi. Pour palper le tendon d’Achille enflammé d’Aline dans les vestiaires, le docteurami Christophe était là. Pour l’épicondylite rebelle, pour la contracture cervicale, les courbatures tenaces, le docteurami était toujours prompt à faire rouler ses pouces sur les parties endolories avant de griffonner une ordonnance à titre gratuit. Par petites touches répétées, le médecin a fini par faire le tour des courbes du corps d’Aline. Il le connaît si bien qu’il pourrait le dessiner.


«J'avais dessiné sur le sable
Son doux visage qui me souriait»


Lorsqu’elle se rend au cabinet du généraliste, Aline ne prend jamais rendez-vous. Elle passe comme ça à l’improviste, elle est reçue quasiment de suite, entre deux
. Et même si la salle d’attente est pleine, le docteurami Christophe lui consacre de plus en plus de temps. Il apprécie tellement leurs échanges. Il l’examine toujours consciencieusement. Il aime faire glisser ses mains sur sa peau, palper son abdomen avec douceur, tenter de détendre un de ses mollets contractés. Il prend petit à petit conscience qu’il se perd entre le médecin et l’ami d’Aline pour mieux refuser de s’avouer qu’il rêve secrètement d’en devenir l’amant. Alors le soir, il noie son chagrin d’amour, son divorce d’hier, l’éloignement de ses enfants dans son cocktail d’ASB (Antidépresseurs-Somnifères-Bières). Si on suit l’ordre alphabétique il paraît que l’ASB est moins pire et plus light que le LSD. De plus il est légal. Cependant le docteuram(i)ant Christophe se grille à petit feu.
 
La dernière fois qu’il a vu Aline, c’était donc pour cette fameuse gêne plus ou moins douloureuse du genou qui durait depuis des semaines. Une Aline resplendissante, une Aline encore plus belle à ses yeux que l’image qu’il en conservait de sa précédente consultation, une Aline briseuse de cœur sans antécédent aucun hormis une maladie d’amour pour son mari, une Aline en pleine forme avalant des médicaments uniquement depuis qu’elle fait du sport, une Aline avec deux beaux enfants et son putain de mari dont elle semblait affreusement éperdument amoureuse et dont la simple évocation collait un long frisson remontant des lombes aux cervicales du bon Docteur Christophe. C’est durant la palpation du genou d’Aline que le cerveau du médecin a commencé à entrer en action pour tenter de lui déclarer sa flamme. Les palpitations ont démarré. Il a craint un instant que la moiteur de ses mains se fasse sentir sur la rotule de la belle. Mais les mots n’ont pas suivi. Le médecin a fini par prendre le stylo, griffonner son ordonnancier pour que sa patiente puisse se faire explorer le genou. Puis il ne l’a plus jamais revue, Aline s’étant envolée au possible pays des merveilles.


«Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne
Et j'ai pleuré, pleuré, oh ! J'avais trop de peine»

Parce qu’il était habitué à l’impatience de ses patients sportifs eux-mêmes habitués à voir pratiquer d’innombrables examens complémentaires pour les bobos de nos valeureux sportifs professionnels (souviens-toi la cuisse de Zidane), parce qu’il savait que conseiller le repos valait autant que pisser bien droit dans un violon, parce qu’il y avait peu de chance qu’une simple radiographie soit très contributive, parce que d’emblée l’IRM et ses délais seraient pas très bien perçus, parce qu’il voulait absolument faire quelque chose, parce qu’il fallait mettre un terme à cette consultation pour pouvoir voir les nombreux autres patients gentiment assis en salle d’attente, parce que c’était sa patiente préférée pour ne pas dire une amie voire plus dans ses rêves, parce qu’elle voulait absolument participer à ce tournoi, parce qu’il avait l’esprit embué par ses médicaments, ses sentiments et sa vie de merde, pour plein de raisons déraisonnables, Christophe a prescrit à Aline un arthroscanner du genou.
 
Aline a couru au cabinet de radiologie du quartier. N’ayant aucun antécédent, aucune allergie connue, on a pu réaliser l’examen prescrit en lui injectant un produit de contraste dans l’articulation du genou. L’examen s’est bien déroulé et n’a rien révélé de particulier. Au moment de quitter le cabinet, Aline a eu le temps de dire à la secrétaire qu’elle avait de plus en plus de mal à respirer avant de s’effondrer. Les radiologues ont fait tout ce qu’il y avait à faire face à un choc anaphylactique, le SAMU est arrivé pour prendre le relais, en vain. Aline s’en est allée, comme ça, dans le hall d’entrée d’un cabinet de radiologie, pour une gêne plus ou moins douloureuse du genou.
 
Aline.

Aline, Alice, Alain, Ali, Alphonse, Ahmed, Albert, Bertrand, Bernard, Betty, et tou(te)s les autres…

Le long frisson à l’idée de ces trop nombreuses consultations que j’ai pu abréger par une prescription pour des raisons bien éloignées de la pure médecine. Des raisons déraisonnables. Des prescriptions induites par le contexte, mes fragilités, mes lacunes, l’insistance d’un patient, la salle d’attente pleine à craquer, ma formation principalement axée sur le faire à tout prix etc, etc…

L’histoire d’Aline tirée de la réalité enrobée ici d’une bonne couche d’imaginaire par respect du secret médical m’a ainsi propulsé dans les filets de ma réalité. Alors j’ai claqué des dents. Quelques gouttes d’encre, une plume, une feuille. Un rapide glissement de la pointe sur le papier, une signature, et la consultation est terminée… pour le médecin. Pour le patient, elle se poursuit. Un dosage par-ci, une radiographie par-là, une pilule comme ci, une gélule comme ça. Perçoit-on et prévoit-on précisément toutes les possibles conséquences d’une prescription ? Appréhendons-nous suffisamment l’enjeu de cet acte durant nos études de médecine comme tout au long de notre carrière ?

L’histoire d’Aline est une histoire de chasse. Comme bon nombre de toutes celles contées sur ce blog, elle a été transformée, déformée, malaxée. Mais les points les plus importants et marquants sont bien réels : un(e) patient(e) de quarante ans sans antécédent a fait un choc anaphylactique dans un cabinet de radiologie à la suite d’un arthroscanner. Il ou elle s’en est sorti(e) sans séquelle grâce aux premiers gestes du radiologue et au SAMU arrivé rapidement pour le prendre en charge.

Keep cool, ce genre d’accident est rare. Mais il existe. De façon plus générale et sans aller jusqu’à cette situation extrême, en médecine, aucun geste, aucun examen, aucun traitement n’est anodin. Le jeu / la chandelle, la fameuse balance bénéfices/risques. Soignants et patients, ayons-le à l’esprit.

J’ai profité de ce billet pour effleurer d’autres questions qui peuvent en amener bien plus encore. Le médecin ami, le médecin souffrant, l’automédication des toubibs. Le patient ami, le patient aimé, les passe-droits, le patient aisé qui a ses entrées dans le « milieu ». Ce dernier est-il réellement mieux pris en charge ? Bref, que de questions auxquelles je n’ai aucunement la prétention de pouvoir répondre. Mais si ton ami médecin ne répond pas à tes demandes médicales, contrairement à ce que tu peux penser, c’est peut-être qu’il te considère vraiment comme un ami et qu’il te veut du bien.
 
Bonne réflexion.
 
«J’avais dessiné sur le sable
Son doux visage qui me souriait…»
 




 
 


samedi 17 octobre 2015

LE DILEMME ?

 
 
J’ai récemment lu un billet sur le blog "Le bruit des sabots" dans lequel on comprend que l’auteur s’est retrouvé face à un terrible dilemme.
 
Qui n’a jamais vécu cette sensation pénible face à un dilemme ? La vie est pleine de dilemmes, c’est ainsi, et pour avancer, il faut faire des choix. Parfois on fait le mauvais, d’autres fois, on fait le bon, du moins le croit-on. On se trompe, on recule, puis on poursuit. L’essentiel n’est-il pas d’être conscient d’avoir le choix ? D’avancer dans le doute et le questionnement pour ne pas courir éperdument dans la mauvaise direction ?
 
Revenons à ce fameux billet écrit par B. , ou à B. tout simplement.
 
B. est un jeune médecin généraliste fraîchement thésé, attention à ne pas toucher la peinture elle n’est pas encore sèche. Je ne l’ai jamais croisé ailleurs que sur le web mais tout m’agace chez B. D’abord c’est plutôt le genre beau gosse cool avec une tête bien remplie. Donc un type terriblement dangereux. Ensuite, il possède un indéniable putain de fucking de ouf de malade de talent d’écriture. Enfin, ce qu’il écrit n’est pas seulement bien dans le style, sa réflexion est tout autant riche et pertinente. Je l’ai lu lorsqu’il était interne, je continue de le lire depuis qu’il est médecin et à chaque fois je me dis qu’au même stade j’étais à cinquante mille années-lumière de sa réflexion et de ses questionnements. Vraiment un type agaçant de bout en bout ce B. Évidemment tout le monde aura compris que derrière le qualificatif « agaçant », il y a bien au contraire beaucoup d’admiration.

 
Le billet de B. intitulé : "Clinicat et fatum" est à lire ici. Pour faire simple, on comprend que B. peut entamer une carrière universitaire à condition d’accepter un poste en partie financé par une association de médecins liée à l’industrie pharmaceutique alors qu’il fait justement partie de ces trop rares médecins luttant pour préserver leur indépendance face aux mastodontes du médicament.

 
Personnellement, à moins qu’on envisage la mort de la discipline, je pense qu’il est important de mettre en place une filière universitaire de médecine générale digne de ce nom. J’en avais esquissé quelques raisons dans ce billet "Juste après le ramassage de patates" .

 
En médecine, toutes les spécialités possèdent leur filière universitaire. Par exemple, un interne en cardiologie est formé essentiellement au sein d’un Centre Hospitalo-Universitaire (CHU) dans lequel on trouve la filière universitaire de cardiologie, avec des chefs de clinique cardiologues, des Professeurs des Universités Praticiens Hospitaliers (PUPH) cardiologues. L’interne de cardiologie peut prétendre obtenir un poste de chef de clinique financé par l’hôpital et l’université, puis s’orienter sur un poste de Maître de Conférence Universitaire avant pourquoi pas de devenir à son tour PUPH afin d’être à la fois médecin, enseignant et chercheur. En médecine générale, ce genre de poste de chef de clinique existe depuis peu par rapport aux autres spécialités, mais il faut semble-t-il trouver des montages hasardeux pour les financer comme nous le montre le cas de B. C’est un peu, enfin « un peu », on va dire « un tout petit peu », « vraiment très grossièrement » comme si de jeunes flics de la brigade des stup’ aspirant un jour devenir commissaires étaient payés en partie par une association acoquinée à une filière de narcotrafiquants. Reconnaissons que la comparaison est exagérée à l’extrême mais avec des exemples très caricaturaux, on pige tout de suite mieux le dilemme…

 
Le billet de B. m’a froissé car il démontre une fois de plus que derrière de belles paroles politiques « nous créons la filière universitaire de médecine générale », la réalité de terrain est désespérante. Il n’y aurait, en France, en 2015, aucun autre moyen de financer cette jeune discipline universitaire de médecine générale qu’en se fourvoyant plus ou moins profondément dans la gueule d’un laboratoire pharmaceutique. Triste réalité.

 
Ce qui est marrant, c’est que le jour où j’ai lu le billet de B., je suis tombé par hasard sur une vieille plaquette d’information intitulée ainsi : « Pourquoi Ferrero soutient-il Epode ? »
 

 
 
Le programme EPODE qui de nos jours s’appelle VIF : « Ensemble Vivons en Forme » vise à prévenir, lutter contre l’obésité infantile en mobilisant les acteurs locaux de divers horizons au sein des villes dont le conseil municipal a fait le choix de s’impliquer dans ce programme de santé publique (Ah la santé publique, vaste sujet…). Tout est expliqué sur le site de VIF.
 
Comme toujours, tout ça se finance. Et parmi les partenaires de l’association en charge de ce séduisant programme VIF, on retrouve le groupe Ferrero, Nestlé, Orangina Schweppes, ou encore Bel (les fromages qui ne puent pas dont j’avais parlé dans Pub Med pour montrer les liens étroits que « La vache qui rit » peut entretenir avec l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire, preuve que certains médecins ne se posent pas autant de questions que B.).
 
Il me semble que sur le fond, on retrouve le même dilemme que B. avec ce programme de lutte contre l’obésité infantile financé en partie par des géants de l’industrie alimentaire, ne manque plus que McDo ! Que penser de ce programme ? Que faire si je suis un maire souhaitant absolument m’impliquer dans la lutte contre l’obésité tout en refusant toute compromission ? Mieux vaut ce programme ou rien ? Et si je suis médecin, puis-je sereinement m’impliquer avec les différents services municipaux dans ce programme une fois connu une partie de son financement ? Le dilemme.
 
 
Faut-il lutter en dehors du système ou de l’intérieur ? Pas si facile de répondre à cette question.
 
 
B. a accepté ce poste de clinicat, sera-t-il pour autant épouvantablement plus compromis que quelques-uns de ses jeunes et moins jeunes confrères de CHU payés par le seul et sain couple hospitalo-universitaire mais exerçant dans un bain de dogmes de certains chefs de service grassement rincés par BigPharma ? Je n’accuse personne, je pose simplement la question.
 
Nous venons d’entrevoir avec ce court billet que finalement, les tentacules des géants du médicament comme de l’aliment ont réussi l’infiltration parfaite. Il y a plus que certainement d’autres exemples beaucoup plus frappants jusque dans de hautes sphères que l’on n’oserait soupçonner. Malgré ce triste constat, il me reste une pointe d’espoir.
 
 
Cela fait deux ans que je reçois des internes de médecine générale. Je ne prétends pas leur apporter un incroyable savoir-faire, mais si au moins ils prennent conscience que l’importance réside parfois dans le savoir-ne pas faire , je me dis que c’est une petite victoire. Ces internes m’ont tous surpris par leur maturité et leur acceptation du discours de vigilance à avoir vis-à-vis de l’influence des laboratoires pharmaceutiques.
 
 
Récemment, un collectif d’étudiants en médecine (des « bébés » médecins) ont sorti une brochure délicieuse intitulée : « Pourquoi garder son indépendance face aux laboratoires pharmaceutiques ? »

 
Le collectif s’appelle "La troupe du R.I.R.E" , leur brochure incontournable est téléchargeable sur le site du Formindep et à partager sans modération.

 
Tant que continueront de germer ici ou là quelques souffles de saine rébellion, l’espoir est permis.
 
Quant à notre brave Benoît, mon jeune confrère face à son dilemme, je n’oserais aucunement lui donner le moindre conseil. J’imagine simplement qu’en acceptant ce poste de clinicat, le risque de polluer son esprit de résistance me semble relativement faible comparé aux bénéfices pour la médecine générale de voir un médecin de cette trempe embrasser une carrière universitaire. Au pire, il ne sera jamais trop tard pour revenir sur son choix en dénonçant d’éventuelles dérives.
 
 
Dilemme, deal leem... le lecteur averti comprendra.


 
 
 
 


samedi 3 octobre 2015

QUELLE CHANCE !...


Deux ans.
 
Oui deux ans qu’on angoisse.
 
Enfin, que moi j’angoisse. Car elle, je pense qu’en fait ça allait jusqu’à ce que je lui transmette mes peurs.
 
Mais ça y est, je peux pousser un gros « OUF » de soulagement. On est sauvés.
 
Enfin, elle, elle est sauvée. On peut dormir tranquille pour les deux années à venir.
 
Elle, c’est mon amie coiffeuse.
 
Enfin, mon amie, ma très bonne amie, enfin, tu vois quoi. Une excellente amie dont je n’ai jamais parlé pour ne pas éveiller les soupçons. Alors « chut », secret médical please. D’ailleurs ma tignasse folle, c’est pour ça. Ne pas laisser imaginer un seul instant que je puisse avoir une amie coiffeuse plus qu’intime. Tu la sens la stratégie ?
 
Elle avait trente-huit ans quand je l’ai connue. C’est pour ça qu’on a dû attendre deux ans. Et encore, on a beaucoup de chance car ici on est précurseurs. Quand je pense que quasiment partout ailleurs il faut attendre l’âge de cinquante ans pour être délivré. Quelle injustice ! Et après on nous parle « d’égalité territoriale », « d’inégalités sociales de santé », « de liberté, égalité, fraternité », ah ah ! Foutaises ! Elle est où l’égalité ? Et la liberté ?... Laisse-moi glousser.
 
Mais nous ça va, on a la chance d’être du bon côté de la frontière, dans ce bel endroit ensoleillé où les institutions officielles laissent faire les yeux fermés. Quelle chance !... Alors dès que ma copine coiffeuse a atteint l’âge de quarante ans, je lui ai laissé un peu de temps pour souffler sa bougie rose bonbon, ouvrir son paquet orné d’un beau ruban rose bonbon, siffler sa coupe de champ’rosé, puis très vite on a discuté sérieusement. Je lui ai rappelé que le moment était enfin venu, qu’elle avait tout à y gagner car c’était 100 % utile.
 
En plus, elle est du mois d’octobre ma copine. C’est drôle hein. Un signe du destin très certainement. Et avec tout le tapage médiatique autour du sujet en ce mois d’octobre, évidemment, je n’ai pas eu de mal à la convaincre. Je lui ai prouvé par la même occasion que je tenais beaucoup à elle. Il est vrai qu’on n’était pas obligés d’attendre ses quarante ans, j’aurais pu lui prescrire ça moi-même bien avant. Mais je me disais que ça risquait de polluer notre relation amicale. Enfin, « amicale », tu vois ce que je veux dire, on se comprend. Alors on a patienté pour pouvoir bénéficier d’un dispositif officiel totalement indépendant et fiable. Il faut toujours savoir raison garder.
 
Pour être honnête, je lui en avais parlé depuis un moment mais je ne la sentais pas prête. Elle était sur la défensive et on a fini par s’engueuler. Les femmes, ces êtres que j’aurai toujours tant de mal à comprendre. Je suis médecin, je ne lui veux que du bien, malgré tout, je te le donne dans le mille, au début elle m’a envoyé bouler. Comme si elle savait mieux que moi ce qui est bon ou pas pour elle, non mais alors. Elle m’a envoyé dans les dents que comme beaucoup de médecins, je voyais le mal partout, que j’avais une vision biaisée par mon métier. Alors j’ai joué sur la corde sensible, la féminité, l’image, la sensualité.
 
« Tu sais que pour une femme cette partie du corps est importante, c’est pour ton bien, ton bien-être, ton épanouissement ».
 
Elle n’a jamais vraiment pris conscience de sa chance d’être tombée sur un type comme moi, quelle chance !... Elle a malgré tout fini par ruminer puis culpabiliser. Alors l’heure est venue et elle a franchi le cap. Je pense qu’elle l’aurait fait d’elle-même, sans que je ne ramène le sujet sur la table. Je ne comprends pas les femmes mais je sais être persuasif. Elle est montée dans le camion rose dès le lendemain de son anniversaire. J’étais très fier d’elle.
 
Puis tout a basculé.
 
L’examen de dépistage s’est pourtant révélé normal. On aurait pu profiter de ce bonheur partagé pour les deux années à venir, mais non, Madame en a décidé autrement. Elle m’a volé dans les plumes comme personne ne l’avait jamais fait, moi qui ne souhaitais que son bien. Ses phrases assassines résonnent encore :
 
« Imagine que l’on m’ait trouvé une anomalie, imagine l’angoisse, là tout est beau tout est rose mais imagine un peu s’il avait fallu me biopsier, voire pire que ça ! M’amputer, pour rien peut-être ! Jamais tu ne m’as parlé des risques, du sur-diagnostic, des sur-traitements. Pour toi je ne suis qu’une blondasse écervelée, tu crois que je ne comprends rien, mais merde, c’est ma santé, c’est mon corps, pas le tien ! Que tu m’informes, que tu m’accompagnes OK, mais que tu choisisses à ma place, je dis NON ! »
 
Avoue que c’est incompréhensible d’encourager sa copine à se faire dépister le plus tôt possible et finir par se le faire reprocher. Les femmes… Je te jure.
 
Pour tenter d’y voir plus clair, je lui ai discrètement subtilisé sa tablette pour analyser l’historique de son navigateur. Je suis donc allé sur son Gougueule et j’ai commencé à comprendre. Madame est allée s’informer sur le net et bingo, tu sais mieux que moi ce qu’on y trouve sur le net, des choses pas toujours très nettes. Il y avait par exemple de vieux billets bas-been questionnant l’intérêt de la mammographie de dépistage en population générale dès 40 ans comme ici et . Il y avait d’autres blogs sur le sujet du dépistage organisé dont les auteurs sont médecins comme ici et là aussi. Il y en avait une liste bien fournie. Évidemment dès que tu es médecin, ça te rend hyper-crédible mais méfie-toi, les toubibs qui écrivent ce genre de trucs sont des anarchistes de la médecine, même parfois des terroristes médicaux.
 
Le pire, c’est que j’ai même découvert des sites sur le sujet tenus par des non-médecins, voire des patientes. Comme si ces personnes avaient le recul nécessaire et les connaissances suffisantes pour s’exprimer, franchement on aura tout vu. C’est tellement affligeant que ça me fait mourir de rire. Finalement elle a raison ma copine, ce n’est qu’une blondasse de nénette écervelée absolument pas armée pour différencier le vrai du faux sur le net.
 
Et toi qu’en penses-tu ? Es-tu suffisamment armé(e) ? Es-tu correctement et loyalement informé(e) ?
 
Par exemple, dans ce billet, où est la réalité ? Quelle est la part de vérité ?
 
Je vais te faire une confidence, l’essentiel de ce billet est fictif. Enfin, l’essentiel, ce qui est essentiel à mes yeux ne l’est pas forcément aux tiens mais je tiens à t’annoncer que je n’ai pas de copine coiffeuse, c’est un personnage.
 
En revanche, je peux t’assurer que l’on propose encore en 2015 sur le territoire français des mammographies de dépistage dès l’âge de 40 ans en population générale car cela serait 100 % utile comme ne l’indiquent pas les recommandations officielles…
 
Et qu’en penser à partir de 50 ans ? Ce n’est pas à moi ni à quiconque de penser ni de choisir à ta place. Par contre, je peux te filer un tuyau pour obtenir des informations vraisemblablement plus objectives contrebalançant le magma médiatique d’Octobre Rose afin que ton choix se fasse avec un peu plus de clarté. Je te conseille donc vivement la lecture de ce site cancer-rose.fr et plus particulièrement de sa brochure d’information. Tu auras ainsi la chance d’être mieux armée pour décider ou non de te faire dépister.
 
Quelle chance !...





vendredi 11 septembre 2015

ROSE = SIGNE PATHOGNOMONIQUE DE DREPANOCYTOSE


8 h 00 : après avoir enfilé mon accoutrement de docteur, salué Rosy l’infirmière d’accueil des urgences pédiatriques m’indiquant que tout est calme, je file monter les escaliers quatre à quatre pour rejoindre la salle de staff.

 
La chef de pédiatrie n’est pas encore arrivée. Un rapide coup d’œil à la tronche de mon confrère en fin de garde m’indique qu’il n’a sans doute pas beaucoup fermé l’œil de la nuit. C’est à mon tour de prendre son relais mais avant cela, il doit encore nous présenter les enfants qu’il a hospitalisés ainsi que ceux qui ont posé souci.

 
Le staff est ce moment particulier durant lequel j’ai une oreille pour les transmissions de mon confrère, et l’esprit à l’étage du dessous où j’imagine que les dossiers des petits patients à voir commencent à s’accumuler. Je suis là pour 24 h 00 de garde alors évidemment, si ça commence à bouchonner dès le début ça me stresse. Mais j’ai toute confiance en l’expérience de ma collègue Rosy infirmière à l’accueil qui n’hésitera pas à m’appeler durant le staff si besoin.

 
Le staff se termine, je n’ai pas été appelé par Rosy. Je redescends tranquille Mimile à l’accueil. Plusieurs familles attendent. Rosy a estimé qu’il n’y avait rien d’urgent, que ça pouvait donc attendre la fin du staff. J’entre dans le box de consultation. Je m’installe, avec mes petites manies, un stylo à bille noir, mon marteau à réflexes là, mon stétho ici, etc… Dans un angle sournois de mon champ visuel, sans doute assez proche de l’angle mort, quelque chose me dérange. Ma surrénale entre en action, l’adrénaline se répand de façon réflexe, tachycardie, fais chier. Je dirige mon regard vers la pile de dossiers des petits patients qui m’attendent. Pourquoi Rosy ne m’a pas appelé ? D’habitude, elle appelle pour ça ! Au milieu des dossiers jaunes, il y a un dossier rose. C’est cette chemise de carton rose qui a aussitôt déclenché cette petite décharge d’adrénaline. Je regarde rapidement les différents motifs de consultations des autres dossiers. C’est décidé, le dossier rose passera en premier. Mais nom d’une pipe, pourquoi Rosy ne m’a pas appelé ?!

 
Avant de venir exercer dans ce service de pédiatrie aux Antilles, j’ai remis à jour voire mis à jour tout cours certaines de mes connaissances. Je suis allé fouiller sur le net, j’ai imprimé des pages et des pages de recommandations, j’ai pécho des protocoles d’urgences sur des sites dédiés. Parce que honnêtement, après plusieurs années éloigné de l’exercice hospitalier que j’avais seulement connu en tant qu’interne, j’ai un peu beaucoup passionnément à la folie flippé à l’idée d’y remettre les pieds mais cette fois-ci en tant que toubib.

 
Parce qu’elle peut être sournoise, parce que j’y ai rarement été confronté, parce qu’une histoire dramatique a récemment eu lieu dans le service, la drépanocytose fait partie de ces pathologies que j’appréhende particulièrement. C’est une maladie de l’hémoglobine, constituant principal du globule rouge permettant le transport de l’oxygène dans le sang. Pour en savoir plus sur cette pathologie, voici une explication accessible à tous : https://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/Drepanocytose-FRfrPub125v01.pdf

En général, les dossiers des enfants ayant déjà été hospitalisés dans le service sont ressortis des archives lorsqu’ils reviennent consulter aux urgences. Les dossiers sont jaunes. Sauf dans un cas. Lorsque les enfants sont drépanocytaires, leur dossier est rose. Voilà pourquoi pour moi dans ce service, le dossier rose est devenu un signe pathognomonique de la drépanocytose. Un signe pathognomonique est un signe qui à lui seul permet de faire le diagnostic d’une pathologie car il est exclusivement retrouvé dans cette pathologie. Le plus connu de tous les étudiants en médecine ou presque est le signe de Koplik (petits points blancs sur la muqueuse des joues) qui permet de diagnostiquer cliniquement une rougeole.

 
Donc là, je sais par association réflexe qu’au milieu de cette pile de dossiers, le dossier rose est celui d’un enfant drépanocytaire. Son motif de consultation est une fièvre. C’est l’enfant que je m’apprête à examiner le premier en me demandant encore pourquoi Rosy, habituellement si fiable, ne m’a pas appelé… Une fièvre chez un drépanocytaire quand même quoi ! Voyons Rosy !

 
L’enfant sage comme une image, beau comme un cœur, entre accompagné par sa maman. Nous l’appellerons Robin, Robin des îles. Ils sont tous deux sereins. C’est vrai que vu la pathologie, les hospitalisations sont sans doute fréquentes, ils s’y sont habitués…

Pendant que j’examine Robin, je les interroge lui et sa maman. La fièvre ? Depuis combien de temps ? Elle est montée à combien ? D’autres signes ? Une toux ? Un essoufflement ? L’état général ? L’appétit ? Des douleurs ? Je questionne, je cherche, j’inspecte, je palpe.
 
Le dossier rose est posé sur le bureau. Je ne l’ai pas ouvert, je n’ai pas encore vérifié le type de drépanocytose, la dernière prise de sang, le dernier taux d’hémoglobine, la dernière hospitalisation. D’ailleurs, question hospitalisations, à y regarder de plus près, l’épaisseur du dossier m’indique qu’elles ne semblent pas avoir été si nombreuses que ça. Et Rosy ? Elle m’fait la gueule Rosy ou quoi ? J’suis pas l’pire des toubibs quand même ! J’lui dis bonjour à l’infirmière le matin quand j’arrive, MOI… Même les secrétaires je les salue le matin, MOI…

 
Bon. Mon petit Robin des îles n’a pas l’air si mal que ça, il tolère très bien sa fièvre. Mais avec la drépanocytose, méfiance. Elle est vraiment sournoise cette maladie, d’ailleurs la plus grave et la plus fréquente porte bien son nom, on parle de drépanocytose SS, deux lettres glaçantes pour moi. L’association réflexe…
 
 
Devant Robin, mon examen clinique terminé, sans rien dire à personne, j’ai plus ou moins dans la tête ce que j’ai appris, lu, relu, ce qui est recommandé sur sa pathologie (la formation professionnelle). Puis viennent s’y mélanger les petits patients drépanocytaires que j’ai eus à prendre en charge avant lui (l’expérience professionnelle). J’imagine que c’est grosso modo de ce mélange que va découler ma conduite à tenir. Bilan sanguin, pas bilan sanguin ? Simple surveillance ? Hospitalisation ?

Si le dernier petit garçon drépanocytaire vu avant Robin envahit trop mon esprit, c’est clair que je vais dégainer le bilan sanguin et envisager l’hospitalisation. Le coquin est arrivé frais comme un gardon alors qu’il avait une taux d'hémoglobine dans les chaussettes. J’étais à deux doigts de le laisser filer. Mais là quand même, il n’a vraiment pas l’air mal du tout ce Robin. Oui mais. A moins que. Au cas où. P’t’ête ben qu’oui p’t’ête ben qu’non.
 
 
Evaluons un peu la situation avec la maman, ça nous éclairera peut-être ? La maladie, le patient, le contexte, tout prendre en compte.
C’est en échangeant quelques phrases avec la maman médusée que je comprends que Robin est autant drépanocytaire que moi je suis accordéoniste. On pourrait aller disséquer un à un ses globules rouges, on ne trouverait pas une trace d’hémoglobine malade.

 
« L’interrogatoire mes petits canards, l’interrogatoire » disait un de mes professeurs à la faculté de médecine.

 
Robin avait effectivement passé un petit séjour à l’hôpital quelques mois plus tôt pour tout autre chose. Ce jour-là, le stock de chemises cartonnées jaunes était sûrement vide, alors on avait pris une chemise rose. Voilà tout. Rosy, mon infirmière préférée ne me faisait donc pas la gueule.

 
Ceux qui viennent de temps en temps sur ce blog savent que je peux parfois être grinçant, pas trop d’impatience ça arrive.
 
Oui parce qu’on pourrait tirer une leçon de cette expérience pour éviter la récidive.


 
Mode dérision et caricature ON. Ou presque

Imaginons l’organisation d’un groupe de travail multidisciplinaire sur la question de la couleur des dossiers d’hospitalisation afin d’éviter les erreurs.
 
 
On pourrait y entendre :

—Oui euh alors en fait, uniformisons les dossiers, une seule couleur pour tout le monde, pas de discrimination.
 
—OK, mais euh alors on prend le jaune ou le rose.
 
—Ben c’est peut-être l’occasion de changer pour éviter les confusions, donc ni l’un ni l’autre et proposons des dossiers de couleur bleue.
 
—Ah non, objection, le bleu ne correspond pas à la nouvelle charte qualité, la direction ne pourra pas valider le bleu, impossible.
 
—Bon ben, réfléchissons chacun de notre côté et revoyons-nous le mois prochain.

 
***
Un mois plus tard :


—Moi, après mûre réflexion, je pense que nous ne devrions pas changer les couleurs, mais plutôt renforcer les équipes administratives ainsi que le personnel de gestion des stocks de chemises cartonnées. Avec un comité de surveillance dédié uniquement aux chemises jaunes, qui sera en permanence en lien avec le secrétariat du service concerné, et le personnel des archives. Le tout sous la responsabilité d’un second adjoint au directeur de l’hôpital qu’il faudra recruter au plus vite.
 
—Euh, ça fait pas un peu beaucoup d’administratifs ça ? Et il faudra doubler les équipes puisque le même type de personnel sera nécessaire pour les dossiers roses. Et ça va coûter cher, très cher !

 
—Non, ce sont les médecins qui coûtent cher ! Entre ce qu'ils gagnent et ce qu'ils prescrivent, c'est infernal !

 
—Ben supprimons deux ou trois postes de médecins pour financer le dispositif alors.

 
—A réfléchir.

 
—Mais au fait, je croyais qu’il était prévu d’informatiser prochainement les dossiers médicaux.

 
—Oui en effet, mais on a pris un peu de retard et il y aura de toute façon une phase durant laquelle à la fois dossiers papiers et informatiques seront utilisés. Donc il est important de statuer sur la question.

 
—Le sous-directeur adjoint n’ayant pu se libérer pour la réunion d’aujourd’hui, il est impossible de statuer sans lui, il faut donc attendre notre prochaine rencontre le mois prochain. Mais une note lui sera rédigée dans ce sens afin qu’il soit mis au courant de nos avancées.

 
—Bien, très bien, alors au mois prochain.

Et ainsi de suite.

Bref tout ça pour dire qu’au-delà de l’histoire anecdotique du dossier rose de ce petit patient, il ne faut surtout pas se laisser berner voire emprisonner par les procédures, dispositifs, protocoles papiers comme numériques. Ils sont utiles, mais gardons notre distance pour ne pas en devenir esclaves. Un peu de bon sens et le juste milieu entre désorganisation totale et rigidité extrême des procédures. Le tout est de se parler pour tenter de se comprendre. Rien ne remplacera le dialogue et l’humain. Ou alors le pire est à venir.

Bonne rentrée à tous.








vendredi 17 juillet 2015

L'INGRATITUDE DES SOUVENIRS ?

Les souvenirs. C’est impressionnant comme un souvenir peut être ingrat et déformer la réalité. Je ne sais pas si les « psy » ont des théories à avancer sur les traits de personnalité des propriétaires de souvenirs mais si tel est le cas, je suis effrayé par mon cas personnel. Si vous souhaitez faire le test, j’espère que vous vous en sortirez mieux que moi.
 
Nous sommes justement en pleine saison durant laquelle fleurissent des tests en tout genre. Vous savez, le soleil, la plage, et ces tests en gros titres des magazines plutôt féminins dont nous nous moquons tous mais que nous nous empressons de réaliser en cachette nous les mecs, dès que notre nana part piquer une tête.
 
Dites-moi pas que oh sacrebleu non jamais au grand jamais vous n’avez été titillés par savoir ce que le test révélerait de vous à ce type de questions :
S’il vous est vraiment impossible de résister, les liens vous amènent directement aux tests, le N° 2 devrait avoir beaucoup de succès… Bonne chance.
 
Mon test je dois bien le reconnaître est beaucoup moins funky mais quand même, j’y tiens. Il consiste tout simplement à résumer une personnalité par le principal souvenir que l’on retient d’elle.
J’ai par exemple fait la liste des Présidents de la république français depuis que je suis en âge de comprendre ce qu’est un Président de la république et j’ai pris le premier souvenir qui me venait en tête pour le résumer.
 
Voilà ce que ça donne :

François Mitterrand = abolition de la peine de mort.
 
Pour l’instant, ça peut aller, mon cas n’est pas désespéré car ça aurait pu être la grenouille du bébête show, Mazarine, ou encore un truc autour de la prostate mais non, c’est l’abolition de la peine de mort qui m’est venue en premier. C’est là que contrairement à ce qu’on pourrait penser, même le souvenir d’une grande et noble avancée peut représenter quelque chose de terriblement ingrat puisqu’il occulte complètement d’autres aspects beaucoup plus sombres, la peine de mort n’ayant pas forcément été abolie pour tout le monde sous Tonton flingueur : RAINBOW WARRIOR : UN CRIME SOUS MITTERRAND.
 
Poursuivons avec les successeurs de Mitterrand, je crois que c’est à partir de là que mon cas se corse dangereusement…
 
Jacques Chirac = tête de veau.
 
Je sais, c’est con, ça aurait pu être la suppression du service militaire, « mangez des pommes ! » ou encore le non courageux à la guerre en Irak. Mais en toute honnêteté, ce fut la tête de veau. Vraiment très ingrats les souvenirs.
 
Nicolas Sarkozy =
 
Ouais je sais il y a un blanc en face de Nico car là j’ai failli faire une grosse bourde. J’étais à deux doigts d’écrire le mot « Karcher » alors qu’il n’était pas encore Président Nico à ce moment-là. Je me rattrape de justesse. Pour moi, le premier souvenir qui me vient de la présidence Sarkozy est le Fouquet’s. A peine élu, boum, premier souvenir. Petit mais rapide. Néanmoins, l’homme doit être un peu complexe pour avoir réussi de la sorte à me perdre dans mes propres souvenirs entre le Karcher et le Fouquet’s. Mais j’ai su vaillamment me rattraper à temps. J’espère simplement que le fait d’avoir comme premier souvenir d’un ancien Président sa sortie du Fouquet’s en jean n’est pas trop antirépublicain…
 
Ensuite, c’est au tour de notre actuel Président
 
 
François Hollande.
 
Là, la difficulté arrive. Déjà, il est encore en exercice, du moins il paraît… C’est vrai que ça ne se voit pas tellement. Mais du coup, il ne me semble pas très logique d’avoir un souvenir de quelqu’un qui n’a jamais pris pas encore quitté la fonction. Donc je m’abstiens, je ne me prononce pas même si j’imagine que mon premier souvenir de Fanfan sera sans doute le mariage pour tous. A moins que cette sournoise ingratitude tentaculaire ne s’immisce par-là :
 


****

 

On a ainsi terminé la partie du test avec les Présidents. Mais étant médecin, je me suis dit que ça pourrait également être rigolo de le faire avec les ministres de la santé.

Par exemple, juste avant que j’aille user mes fonds de culotte sur les bancs de la fac de médecine, la ministre de la santé s’appelait Simone Veil. C’était pas à cette époque-là qu’elle avait fait ça, mais dès que j’entends ce nom, c’est aussitôt l’Interruption Volontaire de Grossesse qui me vient à l’esprit.

Après, on a eu Philippe Douste-Blazy. Attention, attention et encore attention !!! Il faut relire le titre de ce billet. On est ici dans l’ingratitude totale des souvenirs, dans l’extrémisme du subjectif, de l’irrationnel, de l’intemporel, ce sont sans doute de mauvais souvenirs, je me plante peut-être dans les personnes et les dates mais voilà ce que j’en ai retenu.

Donc Douste = en toute franchise, le fait de penser à la mèche rebelle de Douste me mène droit à la tarification à l’activité à l’hosto et aux franchises médicales. Il a peut-être fait plein d’autres trucs bien ou mieux… Mais c’est ça qui me vient, désolé.
 
 
 
Observons bien la photo ensemble, il ne nous a pas pris en traître, on aurait pu se douter qu’il nous le mettrait bien profond malgré ses airs de bon père de famille…

Bernard Kouchner = tu peux pencher à droite comme à gauche, tourner dans tous les sens, retourner ta veste, la remettre à l’envers, faire tomber la chemise, je sais qu’il y a eu Médecin Sans Frontières et Médecin du Monde, la loi sur les droits des malades, etc… mais le premier souvenir qui me vient, c’est un sac de riz sur l’épaule au milieu d’une plage en Somalie.

Jean-François Mattéi = on est loin de la Somalie et pourtant ça chauffe. Ce type-là aussi a probablement réalisé des trucs importants, mais le premier et surtout le seul souvenir m’en restant, c’est son polo cool Raoul en pleine canicule.
 
 


Xavier Bertrand = les souvenirs, c’est ingrat et ça dépend du contexte. Xav’ l’assureur fut ministre de la santé lorsque j’ai débuté les remplacements en médecine générale. Donc question souvenir de Xav’, ce sont les demandes de patients pour obtenir une lettre afin de pouvoir aller consulter un spécialiste. Xav’ c’est ça, le parcours de soin, la réforme du médecin traitant. J’étais jeune et encore plus con qu’aujourd’hui mais à cette époque déjà, je me disais que c’était un peu con de réformer tout un système pour deux ou trois gugusses qui faisaient du nomadisme médical. Je me disais que c’était un peu louche ce truc mais bon quand on est jeune et con…
 
 
 
 
Après Xav’, on a eu Philippe Bas, mais comme il est resté à peine deux mois au ministère, je n’en ai aucun souvenir, le trou noir complet. Faut dire qu’après lui on a eu du lourd, du très lourd…
 
 
 
Roselyne Bachelot-Narquin = la vaccination H1N1, un fiasco pour certains, un jackpot pour d’autres. La belle époque. Celle où on fabriquait des vaccins plus vite que mon, son, ton ombre alors qu’aujourd’hui on met tellement longtemps pour le faire qu’on ne peut plus vacciner… Oui, Rosy c’est les vaccinodromes.
Quand je pense qu’aujourd’hui, tout son sérieux, toute sa crédibilité, n’ayons pas peur des mots, quand je pense qu’aujourd’hui une personne de cette trempe va bouffonner à la radio ou à la télé avec Cyril Hanouna, je me dis, la larme à l’œil prête à rouler sur ma joue : « mais flûte alors !... »

 
 
 

Après Rosy, je pensais qu’il serait difficile de faire pire mieux. Eh ben difficile ne veut pas dire impossible, car avec Marisol, on est peut-être très loin d’être au bout de nos surprises… Pour ceux qui l’auraient loupée, ne passez pas à côté de sa piètre prestation radio-télévisée ( reprise ici ) dans laquelle elle s’emmêle les pinceaux au sujet des vaccins d’une façon si ahurissante qu’on pourrait penser qu’il s’agit d’un canular. Non mesdames et messieurs, il s’agit bien là de la ministre aux commandes de l’avion santé, accrochez solidement vos ceintures, les trous d’air peuvent être fréquents et violents. La pilote n’étant manifestement pas assise sur un siège éjectable, le vol peut durer encore longtemps. Et même s’il devait s’interrompre brutalement, je ne suis pas certain que nous en garderions un souvenir fabuleux.

Sans déconner, avec le tandem Roselyne / Marisol, la dernière n’ayant rien trouvé de mieux que de poursuivre l’œuvre de la première comme d’un grand nombre de ses prédécesseurs, je ne sais pas si on aurait pu tomber encore plus bas dans le degré de nullitude au poste de ministre de la santé. C’est un mec médecin qui pense ça, cela ne signifie absolument pas que ce sont des pensées sexistes et/ou corporatistes. La preuve, on peut être un homme, médecin, de gauche, avoir le profil (idéal selon certains) pour le ministère, tout en s’avérant être une belle crapule, souvenirs souvenirs !
 
 
Ah les souvenirs, qu’ils peuvent être ingrats !
 
Je vous souhaite d'excellentes vacances, et essayez d'en garder de bons souvenirs.


jeudi 11 juin 2015

TU ME DIS QUE...

 
Tu me dis que…
 
Non, rien. Finalement, passé le traditionnel « Bonjour Docteur », tu restes silencieux. Alors j’imagine, j’essaie de deviner.
 
J’aimerais que tu me dises car je ne me sens pas à l’aise pour te poser d’emblée la question. Et puis à quoi bon ? Cela va-t-il radicalement changer cette consultation ? Tu l’as probablement répétée tant de fois ton histoire, tu as croisé tellement de regards interrogatifs. Et tous ces visages qui se retournent discrètement sur toi dans la rue. Habituellement ici, tu n’as pas besoin de faire l’effort de rabâcher. Ton médecin te connaît. Il sait. Il suit la famille, tes parents, ton frère aîné. Dans le village tout le monde sait plus ou moins, peut-être moins que plus. Mais aujourd’hui ton médecin n’est pas là, alors c’est un autre médecin qui ne sait pas, un médecin plus jeune, pratiquement du même âge que le tien. Aujourd’hui, le médecin c’est moi. Je ne sais rien, mais même sans être médecin il est aisé d’imaginer. Quoique. Serais-tu né ainsi ? Une malformation de naissance ? Oui pourquoi pas ? Mais laquelle ? Ou alors une complication lors de l’accouchement ?

 
Je ne sais rien, j’aimerais savoir, je n’ai pas envie de regarder dans ton dossier, je préférerais que tu me dises que…

 
Il y a ce que j’ai vu et ce que je vois. Ta démarche en arrivant, tes gestes hésitants. Il y a maintenant ce que j’entends. Des mots hachés, saccadés, des syllabes entières qui ne veulent pas sortir de cette bouche en plein effort. Tu me rappelles quelqu’un, quelqu’un d’autre, quelques autres, présents dans mon esprit par leur corps ou par leur âme. L’insouciance de cet ado parti à tue-tête défier son destin sur un pari à la con pour revenir amoché comme un Grand Corps Malade. Tu me rappelles ces scènes de chienne de vie. La jovialité de ce gamin fleur à la bouche, fauché à jamais par un salopard de chauffard sans permis qui s’est pourtant permis. Permis de tuer. Sur la banquette arrière, ça s’amuse, ça chante, ça boit, ça bai…, ça baigne, tout baigne. Le conducteur flanqué de son A au cul pour accélérer sur le chemin de la vie se croit immunisé contre le boulevard de la mort. Alors il accélère encore. Une puis deux puis trois gorgées de whisky, une puis deux puis trois bouffées du joint qui tourne de bouche en bouche, de bouche à bouche. La vie est courte, il faut en profiter, s’amuser un peu. Il faut désinhiber les esprits de la bande. Histoire de tenter sa chance avec la timide brune reluquée discrètement dans le rétroviseur. Crissements de pneus. Envie pressante contre un platane au tronc imposant. Une puis deux puis trois gorgées, une puis deux puis trois bouffées. On repart profiter de la vie de plus belle. Elle est courte la belle vie. Pour plus en profiter encore, il faut accélérer. Crissements de pneus. Esprits désinhibés, corps désintégrés contre un platane au tronc encore plus imposant que celui sur lequel le jeune conducteur venait de pisser ses excès. Sur la banquette arrière, ça hurle, ça pleure, ça saigne. La vie ne sera jamais plus comme avant alors même qu’on ne sait pas encore qu’à l’avant, la vie n’est déjà plus, tout simplement.

 
Tu ne m’as toujours pas dit, mais ce sont ces scènes que je vois ou imagine à travers toi. Mais toi, c’est quoi ? Vu ton âge et ton handicap, probablement l’un de ces drames. La question me brûle les lèvres. Un petit clic de souris, ton dossier médical s’ouvrirait à l’écran, je dirigerais mon regard vers la case « Antécédents » et je saurais immédiatement. Peut-être. Mais le soin, est-ce cela ? Uniquement cela ? Ne vais-je pas modifier notre relation aussi courte soit-elle si je vais à la pêche aux informations sans attendre que tu me les serves éventuellement, sans t’en donner la possibilité ? Si tu décides de ne pas me les donner, tu as tes raisons, tu en as le droit, nous ne sommes pas dans une situation d’urgence, tu ne te mets pas en danger en ne me donnant pas la cause de ton état.

 
Tu ne me dis pas, justement parce que tu imagines peut-être que le petit clic de souris m’a permis de savoir. Alors tu penses que je sais. Depuis le temps qu’on parle de ce fameux Dossier Médical Personnel, certains patients sont persuadés que tout est inscrit sur la Carte Vitale. Au risque de les décevoir, il n’y a rien de vital sur cette carte. Qu’en sera-t-il le jour où le médecin ouvrira la vie numérisée du patient avant que ce dernier n’ait ouvert la bouche ? Quid de la relation soignant-soigné ?

 
Tu me dis que le moral est très fluctuant, les journées sont parfois longues, surtout au milieu de la grisaille hivernale. Les minutes s’écoulent, tu te livres un peu plus. Je me sens plus à l’aise. Nous nous sommes apprivoisés, mis en connexion. Avec difficultés, je t’aide à te hisser sur la table d’examen. Tu t’allonges. Tu souffles. Je me lance. J’ai l’impression que c’est le bon moment pour te poser quelques questions plus précises. C’est sans doute à cet instant que tu comprends que je ne sais pas.

 
Tu me dis que c’est arrivé il y a une trentaine d’années.

 
Tu avais un an et quelques mois. Ton père était parti travailler. Ta mère s’affairait aux tâches ménagères. Toi et ton frère d’un an ton aîné jouiez à l’étage. Tu marchais depuis peu. Et c’est arrivé ainsi. Violente chute dans les escaliers, la tête a cogné, autour du cerveau ça a saigné.

 
Tu me dis que c’est ton frère qui t’a poussé. Tu me dis que… On m’a dit que… J’ai entendu dire que… Les « on-dit »… Ni flic ni juge, juste médecin. Ce n’est ni mon rôle ni le moment de faire la lumière sur cette histoire. C’est avec celle que tu me livres et qu’on t’a livrée que nous avons à composer le temps de cette consultation. Mais je ne peux empêcher des tonnes de questions d’investir mon for intérieur. J’imagine l’impact de cette histoire sur la relation fraternelle, maternelle, paternelle, la relation de couple, les relations, questions, suspicions dans le village, le poids de la culpabilité des uns et des autres. Cette version de ce drame rebondit contre d’autres histoires vécues ou entendues. L’une d’entre elle m’a particulièrement marqué. Il s’agit d’une jeune mère fortement soupçonnée d’avoir secoué à mort son enfant de quelques mois. J’en profite pour relayer ce message : 
  
 

Même si les examens complémentaires pratiqués orientaient franchement vers un syndrome du bébé secoué, la jeune femme hurlait son innocence allant jusqu’à affirmer qu’elle avait au contraire tout fait pour sauver son enfant.

 
Arrêt sur image.

 
Après avoir médicalisé et judiciarisé l’histoire, on pourrait à cet instant la médiatiser : Folie meurtrière ? ou la « psychiatriser » : Bouffée Délirante Aiguë ? On pourrait surtout la graver dans le marbre et dans la chair de cette maman jusqu’à la nuit des temps.

 
L’autopsie de l’enfant révélera une pathologie cardiaque à l’origine du décès. Les premiers examens complémentaires montraient effectivement les lésions d’un enfant secoué, secoué par une mère affolée de voir son enfant perdre connaissance, perdre la vie. Les fractures costales étaient de véritables fractures, comme on peut tous en créer lorsqu’on jette toutes nos forces dans un massage cardiaque maladroit.

 
On entend souvent dire qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Mais quand la vie de certains est salie par une fumée sans feu, il est bien difficile de s’en détacher.

 
Et toi ? Tu m’as livré ton histoire, cette version enkystée depuis une trentaine d’années que je connais désormais seulement depuis quelques minutes. Je regarde ton bras à demi-mort, ta jambe amyotrophiée à travers laquelle j’aperçois l’image d’un garçonnet poussant son petit frère dans les escaliers. S’il ne t’avait pas poussé, qui serais-tu ? Comment serais-tu ? Où serais-tu ? Il t’a peut-être bousculé accidentellement ? Ne peux-tu pas être tombé seul ? Seuls, oui vous étiez seuls apparemment, sans témoin. Depuis une trentaine d’années ton frère aîné porte-t-il seul ce fardeau, cette responsabilité ? Face à ce drame, à l’affolement et la culpabilité de ne pas vous avoir surveillés, ta maman n’a-t-elle pas cherché à se disculper en donnant cette version jamais contestée ? Seuls, sans témoin, la fatigue, deux enfants en bas âge qui crient, qui pleurent, qui hurlent. Le self-control, le ras-le-bol, se calmer, s’énerver, s’isoler, exploser, la pulsion extrême… Et si tu avais été un bébé secoué il y a trente ans ? Il y a l’histoire de cette maman soupçonnée à tort. Il y a probablement au contraire des histoires insoupçonnées ? La fumée, le feu, ne pas salir à vie. Ni flic ni juge, juste médecin. Pas si facile.

 
Nous avons passé une bonne demi-heure ensemble. J’ai tenté de t’écouter, t’accompagner comme j’ai pu, avec ce que tu m’as dit et qui a engendré de nombreuses questions, celles que je t’ai posées et toutes les autres que je ne t’ai pas posées. Une dizaine d’années après notre unique rencontre, ce sont des questions que je me pose encore et que je me poserai encore. Ce qu’on dit, raconte, écrit, transforme, déforme, résume, le vrai, le faux, le doute. On doit composer avec tout ça. Je pense que si je ne me posais jamais de questions, des questions maladroites, des questions secrètes, des questions dérangeantes, interdites, si je ne doutais pas, je serais un médecin encore plus dangereux que je ne le suis.

 
Je t’ai aidé à te relever. Tu as planté ton regard dans le mien. Nous nous sommes serrés la main. Je t’ai observé partir brinquebalant. J’ai alors cliqué sur la souris pour ouvrir ton dossier au cas où LA et L’UNIQUE vérité y soit inscrite. Dans la case « Antécédents » quelques lignes décrivaient les lésions et les séquelles de ton accident. Rien sur les causes. Avec ou sans informatique, la consultation aurait donc sensiblement été la même et c’est mieux ainsi. Nous avons à composer avec ce que les patients nous disent, avec tout ce qu’ils ne nous disent pas, avec ce qu’ils savent et ne savent pas. Avec ce qu’ils croient savoir, ce que nous cherchons à savoir et à faire croire. Il faut peut-être accepter de ne pas tout savoir, apprendre à ne pas tout contrôler, tout renseigner. C’est sûrement vrai pour la médecine comme pour tout le reste. A l’heure d’une numérisation croissante de la vie des uns et des autres dans tous les domaines, il est sans doute important d’en avoir tous conscience.