jeudi 19 avril 2018

GRILLER LA PRIORITÉ ?


En date du 19 avril 2018 au matin, j’ai entendu les bribes d’une interview de la ministre en charge de la santé des Français. Interrogée par le journaliste d’Europe 1 Monsieur Cohen, Madame Buzyn s’est exprimée sur la polémique actuelle autour du remboursement de l’homéopathie.

Entre ce que l’on entend, comprend et retient, il y a toujours un delta.

Pour entendre il suffit d’aller écouter ce passage sur le site de la radio en question.

Voilà les quelques points que j’ai compris de la bouche ministérielle sur le sujet.

En tant que scientifique, notre ministre estime que le seul effet de l’homéopathie est un effet placebo. Elle ajoute que si on doit se poser la question du remboursement des médicaments homéopathiques, on doit plus généralement se poser la question du remboursement de médicaments très peu efficaces. Cela ne représenterait « que » quelques dizaines de millions d’euros. Elle conclut enfin que ce n’est pas une priorité aujourd’hui.

Ces quelques éléments me semblent être d’un intérêt majeur car ils traduisent beaucoup.

Voilà ce que j’en retiens :
  1. Au ministère de la santé, on n’est pas à quelques dizaines de millions d’euros près.
  1. Le choix est assumé de rembourser des produits homéopathiques comme allopathiques pas ou peu efficaces, bien que la priorité des priorités soit finalement l’aspect financier.
  1. Car c’est bien sur ce terrain-là que la ministre établit sa priorité. Tout du moins les pépètes semblent griller la priorité à la science et à l’honnêteté intellectuelle que l’on doit aux patients.
J’imagine que dans les bureaux de Big Pharma allo comme homéopathiques, on se frotte les mains après de tels propos.

Voilà pourquoi je suis en désaccord avec Madame Buzyn :
  1. J’estime que l’on doit justement se poser la question du déremboursement des médicaments mais aussi des examens en tout genre (dans le domaine du dépistage, on a plusieurs exemples incontestables) peu ou pas efficaces voire potentiellement dangereux.
  2. C’est une priorité parce qu’il faut arrêter de laisser croire aux patients, aux citoyens, que tous leurs maux et toutes leurs craintes peuvent se régler à coups de molécules chimiques ou d’examens paracliniques, ce que je qualifiais dans un ancien billet d’illusion de la toute-puissance médicale.
  1. Au-delà de la question du remboursement, le simple fait de prescrire ou d’autoriser la vente de produits, examens, dispositifs, etc… ayant fait la preuve de leur inefficacité ou de leur très faible efficacité revient à mentir aux patients. Comment bâtir alors une relation de soin utile, solide et durable sur de telles fondations ? Et que dire de ce qui est à la fois inefficace et potentiellement dangereux ?
Plus globalement, il faut mettre un coup de frein à la médicalisation à outrance des moindres recoins de la vie des gens. Face à la fuite en avant vers la santé considérée comme un bien de consommation comme un autre, un marché plus prometteur que bien d’autres, il est même temps d’enclencher la marche arrière. Mais apparemment, telle n’est pas la priorité ministérielle.

Là où on la penserait sanitaire, la priorité des priorités est financière.

Pourtant, même sur cette voie-là, le coup de karcher sur la somme de toutes ces pratiques et prescriptions précipiterait les quelques dizaines de millions d’euros en plusieurs centaines. Alors, l’oreille ministérielle pointerait-elle pour revoir l’ordre de ses priorités ? Pas si sûr car dans les bureaux de Big Pharma and co, on prendrait soin d’arrêter un instant de se frotter les mains pour ramener les conseillers de nos gouvernants à la raison, à leur raison.

Le principe est simple à comprendre bien que douloureux à entendre : les vrais malades coûtent cher pendant que les faux malades rapportent gros.

Une fois ce principe intégré et les priorités fixées, vous voyez aussitôt vers quelle voie vous êtes embarqués et qui tient véritablement les manettes.

Il n’est jamais trop tard pour ouvrir les yeux, paraît-il.

Courage.

Concluons de façon claire, nette et cohérente.

Si l'économie grille la priorité à la science, à la déontologie, à l'éthique, à l'intérêt du patient citoyen, alors, en dehors d'un coup de com' low-cost, la nomination d'un médecin aussi brillant soit-il à la tête du ministère de la santé ne se justifie aucunement.