dimanche 16 février 2014

De la réactivité des ARS


Si l'image te semble floue, c'est fait exprès, on va tenter ici d'éclairer légèrement l'affaire.
 

L’ARS, c’est l’Agence Régionale de Santé. Elle est née en 2009 de la loi HPST (Hôpital-Patients-Santé-Territoires). Donc sa maman, c’est Roselyne Bachelot. Ouais je sais ça commence mal ce billet. Non mais déconne pas, elle a fait des trucs hyper méga top cool cette ancienne ministre de la santé comme euh... attends… réfléchissons. A plusieurs on devrait y arriver... Ah oui ! Les vaccinodromes, tu te souviens de cette effroyable épidémie de grippe qui avait un nom à la « touché-coulé » : H1 touché, N1, plouf, coulé. Ah elle en aura fait couler la s…acrée ministre. De l’encre, du fric, de tout, elle aura bien ouvert les vannes hein. C’est pour ça que je m’autorise à la vanner un peu. Rien de bien méchant hein. Donc en dehors de ce fait d’armes, Rosy nous a mis au monde 26 ARS bien dodues.

Quelle nostalgie, j'en ai la larme à l'œil...


Les ARS ont été créées :
 
«afin d’assurer un pilotage unifié de la santé en région, de mieux répondre aux besoins de la population et d’accroître l’efficacité du système»

Deux grandes missions leur sont confiées (ça va, deux, c'est pas beaucoup hein) :

1) Le pilotage de la politique de santé publique en région
 
2) La régulation de l’offre de santé


La mission number one, à savoir le pilotage de la politique de santé publique en région comprend trois champs d’intervention :


-la veille et la sécurité sanitaires, ainsi que l’observation de la santé.


-la définition, le financement et l’évaluation des actions de prévention et de promotion de la santé.

-l’anticipation, la préparation et la gestion des crises sanitaires, en liaison avec le préfet.

La deuxième mission visant la régulation de l’offre de santé porte sur les secteurs ambulatoire (médecine de ville), médico-social (aide et accompagnement des personnes âgées et handicapées) et hospitalier.

A ce sujet, il y a peu on a commencé à s’affoler à l’ARS d’Île-de-France car il se pourrait que la région soit désertée en toubibs dans un avenir proche. Quand tu sais que le directeur de cette ARS est Monsieur Claude Evin, ministre de la santé dans les années 90, c’est assez drôle non ? Ah non, ça ne te fait pas rire toi. Ben pourtant, Monsieur le ministre a de la réactivité… maintenant qu’il est dirlo d’ARS.

D’ailleurs, j’avais fait un petit tweet là-dessus du genre : 

« Voir l’ARS Paris craindre le manque futur de médecins alors que son actuel dirlo fut ministre de la santé dans les années 90… A votre santé »

J’espère que tu as remarqué la subtilité de la fin de ce tweet puisque Mr Evin a donné son nom à la célèbre loi de lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme. Sois un peu réactif toi aussi nom d’une pipe ! Et regarde également le titre du livre qu'il a écrit. Tu vois, je fais le bouffon, mais avec quelques références SVP !



Claude ne semble donc pas avoir confiance en sa grAANde copine Marisol, elle qui pourtant parade pour vanter la success story de son plan de lutte contre la désertification médicale. Alors qui croire ? Claude l'angoissé ou Marisol l'enjouée ?


Allez Cloclo déstresse, j'ai mon plan contre les déserts, ma stratégie nationale de santé, il ne te reste plus qu'à payer un bon apéro à ton ARS, tout va bien se passer tu vas voir.

Allez, revenons à nos chères ARS qui possèdent 5 grands champs d’action :
 

- Prévention et santé publique
- Veille et sécurité sanitaire
- Parcours et offre de soins
- Accompagnement médico-social
- Maîtrise des dépenses de santé

Je voudrais juste m’arrêter un instant pour préciser le premier champ d’action :


Prévention et santé publique


Le champ de la prévention recouvre aussi bien les actions collectives visant à protéger la santé des personnes par le développement d’un environnement physique et social favorable à la santé (dépistages de certaines maladies, préservation de la qualité de l’air et de l’eau…) que par la promotion des comportements individuels favorables à la santé (prévention de l’alcoolisme et du tabagisme, promotion de l’activité physique…). Le champ de la prévention s’adresse donc à l’ensemble de la population et s’exerce dans tous les lieux de vie des individus, au domicile, au travail, à l’école…

Ainsi, le rôle des ARS est-il de coordonner leur politique de prévention avec les acteurs institutionnels, les collectivités locales, le milieu associatif… afin de faire émerger un ensemble de mesures favorables à la santé des individus. Particulièrement centrale est la question des inégalités sociales et territoriales de santé qui sont fortement marquées en France et au sein de chaque région.

Bon, je sens que là j’ai laissé un paquet de monde au bord du chemin donc il va falloir que ce billet devienne un peu plus croquignolet. Pour les deux ou trois que ça passionne à donf ces histoires d’ARS, tout est ici : ARS

Pour les autres qui s'en tamponnent et prendront le risque de me croire sur parole, on peut grossièrement définir les ARS comme des sortes de préfectures de la santé. C'est un genre de déconcentration du ministère de la santé à l'échelon régional. (oui oui, j'ai bien dit "déconcentration", parce que la décentralisation c'est autre chose).

Alors, pourquoi parler de tout cela ? Pourquoi ce titre : « De la réactivité des ARS » ? Et pourquoi insister sur le champ « Prévention et santé publique » ?

En décembre dernier, peu avant Noël, il y a 2 mois jour pour jour, j’avais écrit un billet dans lequel je m’étonnais de certaines pratiques et certains messages divulgués au sujet du dépistage du cancer du sein. Voilà de quoi il s’agissait : Le mammobile 100 % utile dès 40 ans. Comme souvent, j’avais tenté de le faire avec une pointe de dérision et d’humour bien que le fond ne soit pas spécialement marrant. Tu peux lire ça .

Tu sais moi si j’étais rugbyman, je serais plutôt du genre à saisir le ballon, courir comme un dératé sans trop réfléchir, et le refiler juste avant de me faire plaquer pour qu’un petit copain aille tranquillement marquer l’essai pendant qu’un autre petit copain se prépare à le transformer. C’est un peu ce qui s’est passé au moment de Noël. La balle a été saisie par La Crabahuteuse, Rachel Campergue, Martine Bronner, Fuck my cancer. Mais prudence, fais gaffe à ce qu'elles racontent, d'abord elles ne sont pas médecins, et surtout ce sont des femmes... (Merci de ne pas sortir cette phrase de son contexte et de la prendre à tous les degrés que tu veux sauf au premier).

A défaut de marquer directement l'essai, il y a eu mêlée. On a poussé, poussé, poussé. Et pis rien.

Deux mois après, toujours rien.

Pourtant, au début, j’ai cru que c’était bon lorsque La Crabahuteuse a interpellé l’Institut National du Cancer (INCa) et qu’il a répondu ici. La réponse de l'Institut plaidait semble-t-il en notre faveur, mais il décidait de refourguer le bébé à l’ARS concernée démontrant ainsi une certaine INCapacité... Bon, normal maintenant que je t’ai brièvement expliqué ce qu’est une ARS, ça semble logique que l'INCa interpelle l'ARS. Sauf que depuis, silence radio, plus rien, nada, nothing !

L’ARS semble peu concernée par le fait :

- que l’on propose un dépistage du cancer du sein sur son territoire à des femmes de moins de 50 ans en dehors de toute recommandation. (Et ne parlons pas tout de suite de ce genre d'étude parue dans le BMJ, n'allons pas trop vite...)

- que des messages de santé publique faux ou mensongers soient divulgués par le mammobile sur les routes d’un département français pour se rendre dans les communes dont les maires pensant bien faire, se font en fait tromper sur une partie de la marchandise.
 

- que ces mêmes messages apparaissent sur le net.

 

 

Alors pourquoi cette absence de réponse ? Pourquoi ce manque de réactivité ?

Quels peuvent être les arguments de l’ARS ?

S’ils sont scientifiquement et éthiquement recevables (on parle tout de même ici d'expérimentation pour les 40-49 ans...), alors OK, la partie est finie. Mais s’il s’agit d’une pseudo confraternité pour laisser faire un petit business au détriment de l’intérêt des patientes, alors non, je m’indigne !

Car que faire d'autre ? Frapper à la porte du big boss des ARS ? C'est pas gagné mon pote. Tu sais qui c'est ? Ben en gros, le vrai big boss, c'est un peu l'hôte de l’Élysée.

Si tu veux pécho de la gonz, voilà la recette !


Alors déjà qu'une simple ARS ne répond pas, on peut toujours se brosser.



Et pis quand je le vois lancer un nouveau plan cancer sans avoir vraiment évaluer les pratiques actuelles dans le domaine, notamment de tout ce qui peut poser question en terme de dépistage comme de thérapie, ni faire le ménage dans ce qui ne pose même plus question, je me dis que c'est pas gagné et que surtout c'est bien dommage...



Et pis quand dans ce plan, je le vois parier sur le vaccin contre le cancer du col de l'utérus, je me dis que c'est étrange... Les vieux fantômes rôderaient-ils encore autour du palais de l'Élysée ou du ministère de la santé ? Tout du moins leurs pratiques ?
 
 
Les yeux dans les yeux, je pose juste la question...
 

Car moi, membre du petit peuple, je ne peux rien faire d'autre que poser des questions et m'indigner lorsque j'ai le sentiment que ça en vaut la peine pour les miens.

Quoique, très honnêtement, à voir ça, et tout le reste, on doit beaucoup mieux vivre ainsi :


 
 
 







4 commentaires:

  1. Constat édifiant .

    Que faire , pour faire bouger les chose ?
    Je crains que la réponse soit : rien n'est possible , le système est trop "pourri" .
    Il faudrait une révolution mais pour cela il faudrait des gens mécontents qui manifestent en masse .
    Or nous ne sommes qu'une minorité sans aucun pouvoir

    RépondreSupprimer
  2. « Mais que fait la police ? », s’interrogeait Christian Lehmann à ce sujet dans un tweet. Oui, que font les ARS ? Que fait l’INCa ? Que font ceux parmi les médecins qui connaissent parfaitement le potentiel néfaste de la mammographie ? Et que fait le Comité Consultatif National d’Ethique ? Trop occupé certainement avec les problèmes d’euthanasie et de diagnostic pré-embryonnaire. Quand il aura fini de s’occuper des presque morts et des pas encore nés, il pourra peut-être s’intéresser aux femmes de 40 ans, bien vivantes, en pleine fleur de l’âge, qui perdent leur(s) sein(s) pour rien parce qu’un jour, sur la place du village, elles sont montées dans ce joli camion rose, invitées, sans information aucune, à « bénéficier » d’une procédure dont l’efficacité vient d’être sérieusement remise en question même à partir de 50 ans. Mais le sort des femmes de 40 ans intéresse-t-il encore quelqu’un ?
    Bravo pour l’image de l’autruche en conclusion. Oui, c’est tout à fait ça…
    http://www.expertisecitoyenne.com/

    RépondreSupprimer
  3. Rachel a bien résumé la situation en répondant "est-ce que le sort des femmes de 40 intéresse-t-il encore quelqu'un ?"
    Cet immense fossé entre les données de la littérature et les décisions politiques - cette fosse terrible que vient combler quotidien la mutilation du corps des patients (dépistage organisé, iatrogénie, cancer induit, etc) - me fait franchement douter de la légitimité du métier que je vais exercer les trente prochaines années.

    RépondreSupprimer
  4. Ars, Inca, has......on est dans le simulacre. la préoccupation n'est pas la santé du citoyen mais de faire croire que la santé du citoyen est la préoccupation.
    plan cancer, octobre rose etc beaucoup de vagues avec une nage papillon très spectaculaire mais pas de plongée en eaux profondes.Sylvain, l'image de "décentralisation et déconcentration" est très bien vue.

    RépondreSupprimer