Étant
expert en rien, râleur sur tout, l’objet de ce billet n’est
nullement de discuter de la pertinence ou de l’efficacité de
certains vaccins. Il sera seulement question ici de détricoter la
façon dont le législateur peut perdre médecins et patients au
milieu de ses articles de loi. On pourrait imaginer que l’art de
l’exercice de la médecine serait facilité s’il était régi par
des textes législatifs (bouh, moi ça me fait froid dans le dos et
la médecine ne serait plus un art). Qu’en est-il justement lorsque
des textes existent ?
En
France, dans la population générale, trois vaccins sont
obligatoires, tous les autres sont recommandés. Puisqu’ils sont
obligatoires, c’est la loi donc le législateur (le bon) qui les
impose. Il s’agit des vaccins contre la diphtérie, le tétanos et
la poliomyélite, bien connus sous le nom de DTP. On trouve cette
obligation vaccinale dans le code de la santé publique (CSP) :
-Article
L3111-2 : « Les vaccinations antidiphtérique et
antitétanique par l'anatoxine sont obligatoires, sauf
contre-indication médicale reconnue ; elles doivent être pratiquées
simultanément. Les personnes titulaires de l'autorité parentale ou
qui ont la charge de la tutelle des mineurs sont tenues
personnellement responsables de l'exécution de cette mesure, dont la
justification doit être fournie lors de l'admission dans toute
école, garderie, colonie de vacances ou autre collectivité
d'enfants. »
-Article
L3111-3 : « La vaccination antipoliomyélitique est
obligatoire, sauf contre-indication médicale reconnue, à l'âge et
dans les conditions déterminées par décret en Conseil d’État,
pris après avis de l'Académie nationale de médecine et du Haut
Conseil de la santé publique. Les personnes titulaires de l'autorité
parentale ou qui ont la charge de la tutelle des mineurs sont tenues
personnellement de l'exécution de cette obligation. »
Même
si elle apparaît encore comme telle sur de nombreux formulaires
d’inscription en collectivités ou en établissements scolaires, la
vaccination contre la tuberculose n’est quant à elle plus
obligatoire depuis 2007 (ça fait 7 ans, et les imprimés n’ont
toujours pas été modifiés…).
Pour
le médecin, ces textes sont simples et devraient donc faciliter son
exercice :
« Bonjour
Madame, pour votre petit, c’est facile, il faut faire le DTP, y a
pas à chipoter, c’est la loi article L 31… tatatitatata
! ».
Fastoche,
fingers in the nose ! Évidemment en pratique, je ne dis pas ça
comme ça. Et en pratique, malgré la loi, ça n’est pas si simple
que ça, car si je ne me trompe pas (si je me trompe, merci de me le
faire savoir), le vaccin DTP seul n’existe pas pour une
primo-vaccination et n’existe pas tout court pour les enfants de
moins de 6 ans. D’après le calendrier vaccinal, il est recommandé
de débuter les vaccinations à partir du deuxième
mois de l’enfant avec un vaccin DTP contenant obligatoirement les
vaccins recommandés contre la Coqueluche, l’Haemophilus
Influenzae b, et plus ou moins l’Hépatite B soit 5 à 6 vaccins en
une injection. Je répète que mon propos ne vise pas à remettre en
cause ces vaccinations mais de mettre en perspective l’ambiguïté
de la loi au regard de la pratique médicale.
Le
médecin vaccinateur (la brute) qui n’a ni envie de perdre son
temps (le temps c’est de l’argent) ni envie de se poser trop de
questions (encore moins que le patient lui en pose) peut choisir
l’option de vacciner grâce au cocktail de 6 vaccins sans aucune
explication. C’est une option. Une option qui pour certains évite
de mettre un caillou dans la chaussure du bon législateur, pour
d’autres remplit les caisses des laboratoires pharmaceutiques. Une
option qui permet également aux statisticiens de conclure que la
couverture vaccinale s’améliore. Mais l’exercice d’une
médecine respectueuse du patient impose avant tout de lui délivrer
une information loyale et claire, surtout à mon humble avis
lorsqu’il s’agit de lui injecter un produit dans le corps.
Mais
problème : que dire aux parents qui souhaiteraient faire
uniquement à leur enfant les vaccins rendus obligatoires par la loi
mais que la pratique ne peut leur offrir ? Leur conseiller
d’écrire au législateur ?
Si
ces trois vaccins sont obligatoires, la logique veut que le fait de
ne pas respecter la loi rende le patient hors la loi (le truand), donc
sanctionnable.
La
sanction est en effet prévue dans les textes : Article L3116-4
du CSP : « Le refus de se soumettre ou de soumettre ceux
sur lesquels on exerce l'autorité parentale ou dont on assure la
tutelle aux obligations de vaccination prévues aux articles L.
3111-2, L. 3111-3 et L. 3112-1 ou la volonté d'en entraver
l'exécution sont punis de six mois d'emprisonnement et de 3 750
Euros d'amende. »
Six
mois de prison, 3750 boules, ça calme hein ! Donc même si dans
le cocktail de vaccins y en a qui sont seulement recommandés, le
choix si on peut appeler ça un choix est vite fait.
En
dehors de prévoir la punition, que sous-entend cet article ? Le
médecin constatant qu’un enfant n’a pas été vacciné doit-il
se positionner dans le cadre de la protection de l’enfance et aller
jusqu’au signalement aux autorités compétentes ? Sachant que
cet article du CSP précisant les sanctions fait également partie de
la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance, même si cela
peut paraître exagéré, il semble logique de se poser cette question.
Heureusement,
la loi est là pour y répondre…
L’article
R 3116-1 stipule que : « L'âge limite de l'enfant
prévu à l'article L. 3116-2 pour l'exercice de l'action publique en
vue de poursuivre des infractions aux dispositions des articles L.
3111-1 à L. 3111-3 est fixé :
-
à dix ans pour les vaccinations antidiphtérique et antitétanique ;
-
à quinze ans pour la vaccination antipoliomyélitique. »
Donc
cool Raoul, on a largement le temps de laisser refroidir la patate
chaude avant de la passer ni vu ni connu à quelqu’un d’autre.
Oui
mais la loi est partout, tout le temps. Si tu souhaites inscrire ton
bambin de quelques mois à la crèche, ou ton bout de chou de 3 ans à
l’école maternelle, voilà ce que disent les textes : Article
R3111-17 : « L'admission dans tout établissement
d'enfants, à caractère sanitaire ou scolaire, est subordonnée à
la présentation soit du carnet de santé, soit des documents en
tenant lieu attestant de la situation de l'enfant au regard des
vaccinations obligatoires. A défaut, les vaccinations obligatoires
sont effectuées dans les trois mois de l'admission. »
Tu
me diras, rien ne t’oblige à y inscrire ton enfant. Sauf qu’à
partir de 6 ans, il y a l’obligation scolaire, donc l’obligation
vaccinale et on revient à la case départ. Oui je sais, l’obligation
scolaire est une obligation d’instruction et non une obligation
d’inscription en établissement scolaire, ça chipote, ça chipote.
OK.
Moi
j’aime bien chipoter, alors je vais poursuivre avec une série de
questions. Je répète, ce sont des questions, aucunement des
affirmations ni le reflet de ce que je souhaiterais.
Rendre
tous les vaccins recommandés obligatoires ?
Pour
clarifier, simplifier, et conserver une certaine crédibilité, étant
donné qu’il semble aujourd’hui plus risqué en France de mourir
par exemple d’une complication de la rougeole ou de la coqueluche
que de la diphtérie, alors pourquoi le législateur ne décide-t-il
pas de rendre ces vaccins obligatoires ? Voire tous les vaccins
obligatoires ?
S'il venait à se diriger dans cette voie, on imagine aisément qu'il prendrait d'abord la précaution d'abroger des textes comme l'article L3111-9 prévoyant les réparations des préjudices en cas d'accidents post-vaccinaux.
S'il venait à se diriger dans cette voie, on imagine aisément qu'il prendrait d'abord la précaution d'abroger des textes comme l'article L3111-9 prévoyant les réparations des préjudices en cas d'accidents post-vaccinaux.
Au
contraire, supprimer toutes les obligations vaccinales ?
Il
paraît impossible d’appliquer la loi sur l’obligation vaccinale
stricto sensu sans prendre les parents en otages avec d’autres
vaccins recommandés. Par ailleurs, on peut imaginer que le fait
d’avoir des vaccins obligatoires et d’autres simplement
recommandés instille dans l’esprit des patients une hiérarchie
entre ces vaccins : des injections obligatoires qui seraient
donc plus importantes que les autres.
Ne
rien changer ?
Laissons
les médecins assis le cul entre deux chaises et se démerder avec la
loi et les patients, la loi étant le bon, le médecin-vaccinateur la
brute évitant au patient de devenir le truand.
Chipotons
encore un peu plus.
La
lutte contre les maladies infectieuses concernées par l’obligation
vaccinale (DTP) comme d’autres passe par la vaccination mais pas
que. Les mesures d’hygiène ont une place importante. L’obligation
vaccinale ne crée-t-elle pas l’illusion qu’il s’agit là de
l’unique moyen de prévenir les infections concernées tout en
laissant supposer que l’impact de l’hygiène est négligeable ?
Enfin,
les mesures d’hygiène et les conditions de vie s’avérant
importantes dans cette lutte, une petite question quelque peu
provocatrice : puisque le législateur impose la vaccination au
couple médecin-patient, ne devrait-il pas en contrepartie s’imposer
de garantir l’accès à des conditions de vie et d’hygiène
convenables pour tous ? Soyons logiques non ?
Nous avons pu voir dans ce rapide billet non exhaustif que le seul domaine de la vaccination obligatoire amène à faire référence à six articles de loi. Tellement occupé à rédiger des textes dans tous les domaines de notre vie, il est aisé de comprendre que le législateur puisse parfois oublier de remplir sa déclaration fiscale une, puis deux, puis trois années de suite... On ne peut avoir la tête partout voyons. Mais attention, les mots ont un sens, petite leçon : le législateur est négligeant, les membres du petit peuple sont quant à eux des truands, les chômeurs sont des fraudeurs, les SDF sont SDF parce qu'ils le veulent bien (D pour Domicile et non pour Dents hein...), etc... Ces petits coups de canif offerts par l'actualité de ces derniers jours n'ont d'autre but que de dire qu'historiquement, au-delà du seul domaine vaccinal et médical, les décisions politiques ont eu une importance majeure dans l'amélioration de l'espérance de vie. Le triste spectacle de ces dernières années doit-il nous faire craindre le pire ?
Nous avons pu voir dans ce rapide billet non exhaustif que le seul domaine de la vaccination obligatoire amène à faire référence à six articles de loi. Tellement occupé à rédiger des textes dans tous les domaines de notre vie, il est aisé de comprendre que le législateur puisse parfois oublier de remplir sa déclaration fiscale une, puis deux, puis trois années de suite... On ne peut avoir la tête partout voyons. Mais attention, les mots ont un sens, petite leçon : le législateur est négligeant, les membres du petit peuple sont quant à eux des truands, les chômeurs sont des fraudeurs, les SDF sont SDF parce qu'ils le veulent bien (D pour Domicile et non pour Dents hein...), etc... Ces petits coups de canif offerts par l'actualité de ces derniers jours n'ont d'autre but que de dire qu'historiquement, au-delà du seul domaine vaccinal et médical, les décisions politiques ont eu une importance majeure dans l'amélioration de l'espérance de vie. Le triste spectacle de ces dernières années doit-il nous faire craindre le pire ?
Pour
conclure sur le billet du jour, il me semble qu’un des piliers nécessaire à l’art de
la médecine est l’instauration d’une relation de confiance entre
le soignant et le patient. Je ne suis pas certain que ces articles de
loi confrontés à la pratique quotidienne aident beaucoup dans
ce sens.
Les articles de loi sont consultables sur le site Legifrance.
Ajouté le 11/09/2014 :
La question de l'obligation vaccinale a récemment été posée par le Dr Luc Perino sur son blog : Faut-il abandonner les obligations vaccinales ?
Et le sujet va même jusqu'à titiller les neurones des experts du Haut Conseil de la Santé Publique puisque par le plus grand des hasards, un avis y a été mis en ligne pas plus tard que le 10/09 : Politique vaccinale et obligation vaccinale en population générale
Cher Sylvain
RépondreSupprimerJe pensais faire un petit billet sur mon blog à propos des vaccinations obligatoires.
Le tien est bien plus complet et référencé que je ne l'aurais fait.
Cependant j'ai une remarque .
Tu t'interroges sur l'opportunité de rendre tous les vaccins obligatoires par la loi.
Mais dans les faits ils le sont.
En effet, va voir le calendrier vaccinal 2014.
Il n'est fait mention nulle part qu'il existe des vaccins obligatoires et d'autres recommandés.
Si ma mémoire est bonne, il fut un temps où de petits astérisques signalaient le "statut" de chaque vaccin.
Aujourd'hui ils sont tous sur le même pied d'égalité .
Aucune information s'il en est certain obligatoire et d'autres non.
Si tu veux l'information, il faut chercher .
Si il n'est fait aucune mention de différence entre eux , c'est que tous doivent être fait . Non ?
Et voilà comment on rend tous les vaccins obligatoires sans utilisation de la loi : ne pas informer et tout mettre sur un pied d'égalité.
Elle est pas belle la vie de Big Vaccine ?
Il est clair que la désinformation a de beaux jours devant elle
RépondreSupprimerBonjour CMT, j'ai pour habitude d'apprécier la pertinence, la qualité et la richesse de vos commentaires sur le blog de @Docdu16, alors j'avoue que je suis bien heureux de vous lire ici, chez moi ;-) Et merci pour ces précisions.
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