Onze
vaccins seront obligatoires pour les enfants nés à partir du 1er
janvier 2018 en France.
Ces
onze vaccins ont pour objectif d’éviter la Diphtérie, le Tétanos,
la Poliomyélite, la Coqueluche, l’Hépatite B, les méningites à
haemophilus, à pneumocoque et à méningocoque de type C, ainsi que
la rougeole, les oreillons et la rubéole.
Voilà
où le curseur a été placé au pays de Pasteur pour la vaccination
pédiatrique.
Simple
à comprendre.
Pouvions-nous
placer le curseur ailleurs ? D’ailleurs, quel curseur utiliser
pour décider ?
Reprenons
les choses simplement, par étapes, vulgarisons le propos, avec le
risque évident et assumé de perdre en exhaustivité et précisions.
Premièrement,
un vaccin est un médicament.
C’est
un médicament administré pour éviter la survenue d’une maladie
infectieuse virale ou bactérienne. Il s’agit là du bénéfice
attendu, de son effet désiré. Ce bénéfice peut être défini pour
l’individu mais aussi pour la population.
Ajoutons
tout de suite que cette arme de défense peut atteindre son objectif
si elle est associée à d’autres mesures. C’est un levier, parmi
d’autres leviers
Comme
tout médicament, le vaccin peut malheureusement entraîner des
effets indésirables, souvent bénins, parfois graves. Le nier, c’est
mentir.
Mais
lorsque le ou les bénéfices attendus sont largement supérieurs aux
risques éventuels, alors le jeu en vaut la chandelle.
Maintenant
que cela est dit, que notre curseur commence à bouger, avançons
grâce à ce schéma (schéma 1) qui modélise les étapes par lesquelles on passe face à une
maladie à prévention vaccinale de l’apparition du vaccin à
l’éradication de la maladie.
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Schéma 1 ; d’après Chen R. T. Lancet 1996 ; 347 : 1496 |
Étape
1 : une maladie infectieuse est fréquente et fait des ravages
dans la population (décès, complications avec séquelles) sans
qu’on puisse la prévenir.
Étape
2 : un vaccin est mis au point. La population, consciente du
danger de la maladie, se fait vacciner. La couverture vaccinale
augmente, l’incidence de la maladie diminue. Les premiers effets
indésirables, difficilement évitables, souvent bénins, parfois
graves, apparaissent.
Étape
3 : la couverture vaccinale est quasiment optimale, la maladie
beaucoup moins fréquente, la population est beaucoup moins
consciente de sa gravité mais perçoit en revanche les effets
indésirables du vaccin. La confiance s’estompe pour laisser place
aux doutes, à la méfiance. La couverture vaccinale diminue. Un pic
épidémique réapparaît.
Étape
4 : le pic épidémique est une piqûre de rappel sur la
dangerosité de la maladie, la population reprend le chemin de la
vaccination.
Étape
5 : un bon taux de couverture vaccinale durable permet de
diminuer grandement l’incidence de la maladie, le taux d’effets
indésirables est stable et acceptable par rapport à l’enjeu.
L’éradication est à portée d’aiguille voire atteinte ce qui
permet d’arrêter la vaccination contre la maladie éradiquée.
Ce
schéma me semble bien fixer les idées, bien affiner la place de
notre curseur. Simplifier les choses les rend plus compréhensibles.
Mais dans le même temps, restons conscients que ça éloigne
forcément de la réalité.
Alors
illustrons un peu.
La
variole, fréquente à l’époque, grave, tueuse, a été éradiquée.
La vaccination a été rendue obligatoire en France de 1902 à 1979.
On peut sans doute superposer l’histoire de cette maladie et de sa
vaccination avec les courbes de notre schéma.
La
poliomyélite est en phase d’éradication. Elle a fait des ravages
en France. Je me souviens, enfant, à la campagne, voir ce monsieur
déambuler en fauteuil. J’entends encore ma grand-mère répondre à
la question que je posais sur cet homme roulant : « La
polio quand il était petit ». Je ne savais pas ce
qu’était la polio mais je prenais conscience des séquelles et des
dangers de cette maladie.
J’entends
mon grand-père gueuler parce que je jouais dans la ferraille
crasseuse : « Sors de là tu vas choper le tétanos ! ».
Je ne savais pas plus que la polio ce qu’était le tétanos mais au
ton de la voix de mon aïeul, ça avait l’air mauvais. Ces
souvenirs d’enfance importent peu et n’auraient pas leur place
dans un écrit scientifique mais ils ont le mérite d’illustrer
comment s’ancrent les dangers et les craintes d’une maladie dans
la mémoire collective, source d’adhésion à la vaccination.
Poursuivons.
On
voit rapidement une première limite à ce schéma justement avec le
tétanos. Le tétanos ne se transmet pas entre personnes, les
bactéries sont présentes dans le sol, l’éradication est
impossible. Cette maladie est rare mais grave. Si l’on veut mettre
toutes les chances de son côté pour l’éviter, il faut soi-même
être vacciné sans compter sur la vaccination de ses petits copains
ou de ses voisins. Voilà où nous pouvons placer le curseur
concernant le tétanos.
Parlons
un peu de l’étape 3 : la perte de confiance avec une
diminution de la couverture vaccinale. C’est là où nous en
serions actuellement au pays de Pasteur. C’est là que les
décideurs ont placé le curseur, les motivant à étendre
l’obligation vaccinale en estimant que cette obligation rétablirait
la confiance. C’est là où deux camps s’affrontent avec des
arguments opposés tout en utilisant sensiblement la même méthode :
la peur, l’émotion.
D’un
côté, les anti vaccins gonflent les pectoraux pour hurler que les
vaccins ne servent à rien tandis qu’ils ont des effets néfastes
catastrophiques pour l’humanité.
De
l’autre, une armée affirmant que la vaccination ne se discute pas,
qu’on ne peut se permettre plus longtemps de compter les morts
comme s’ils en pleuvaient chaque jour par maladies infectieuses
évitables par la vaccination autant que par le tabac, l’alcool,
les accidents domestiques ou encore les accidents de la route (10
morts/j à eux seuls).
C’est
là que ce schéma bien qu’imprécis me semble intéressant à
sortir pour appuyer ce qu’une troisième voix tente
de faire entendre sans jouer sur les peurs, sans user de dogmatisme.
Une voix qui essaie d’alerter sur l’importance de distinguer
chaque vaccin, d’être le plus transparent possible sur les effets
indésirables prouvés ou restant à prouver. Par exemple, le blog
d’un confrère relève une étude intéressante ici . Cette
étude pose une question, émet une hypothèse amenant à d’autres
questions, d’autres explorations à faire. C’est ainsi qu’on
avance et qu’on évolue. Clore le débat serait nocif. Ce n’est
pas être anti-vaccin que de dire qu’il faut continuer à observer
ce qu’on fait et accepter de revenir en arrière si besoin. Ça me
semble d’ailleurs être le meilleur moyen d’éviter de donner du
grain à moudre aux ligues anti vaccinales.
Prenons
les antibiotiques. Une formidable découverte qui a sauvé et sauve
encore de très nombreuses vies. Mais cela n’empêche pas que les
antibiotiques peuvent avoir des effets indésirables graves voire
mortels, des effets indésirables sur l’individu mais aussi sur la
population. Ce n’est pas être « anti-antibiotique »
que d’affirmer cela. Cela n’empêche pas que la médecine
vétérinaire, la médecine hospitalière et la médecine ambulatoire
utilisent les antibiotiques par excès et que cela devienne
problématique pour le futur, pour les vies futures à sauver non ?
Pour
les vaccins, les décideurs ont décidé. Ils ont globalisé, ils ont
« packagé », ils n’ont pas fait dans la nuance.
Pouvions-nous nous permettre de nuancer ?
En
distinguant chaque maladie et son vaccin, le curseur aurait
peut-être pu être placé ailleurs.
Reprenons
notre schéma mais avec une maladie dont l’incidence serait moins
élevée tout en étant suffisamment grave pour justifier une
vaccination (schéma 2). Le curseur « incidence de la maladie » est
plus bas, l’obligation vaccinale mène à une couverture importante
avec dans le même temps des effets indésirables qui augmentent
mécaniquement. On voit que la marge entre incidence de la maladie et
taux d’effets indésirables est plus étroite rendant la balance
bénéfices/risques moins favorable que sur notre schéma 1.
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Schéma 2
Imaginons désormais une maladie toujours aussi grave mais encore moins fréquente. On déplace nos curseurs et on observe que le nombre d’effets indésirables égale voire dépasse la fréquence de la maladie. Dans ce cas-là, la balance bénéfices/risques est défavorable (schéma 3).
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Schéma 3
En
jouant avec ces trois schémas, en recherchant l’incidence de
chaque maladie à prévention vaccinale, en déplaçant les curseurs
(les amateurs d’informatique pourraient facilement nous en faire
une appli), on peut assez rapidement se faire une vague idée sur la
question.
Je
dis bien une vague idée. D’autres paramètres sont à prendre en
compte car les choses sont plus complexes que ça. Je répète que
simplifier, schématiser, améliore la compréhension sans être
suffisant. Et tout dépend des objectifs fixés, d’autres curseurs.
Exemple
qui ne concerne pas l’obligation vaccinale : dans la famille
maladie infantile fréquente, rarement grave, mais qui fout le bordel
en termes d’absence pour enfant malade et coûteuse pour les
finances publiques je peux vous sortir la varicelle ou encore la
gastro-entérite à rotavirus. Un vaccin existe contre chacune de ces
pathologies. On estime aujourd’hui que la varicelle chez l’enfant
est bénigne, qu’elle ne justifie pas de vaccination de masse qui
risquerait de plus de faire reculer l’âge de survenue de la
maladie chez des adultes où là en revanche elle serait
potentiellement grave (effet indésirable pour la population). Quant
à la gastro, si un jour on met le curseur sur l’argument
économique, alors la vaccination sera recommandée. Pour le moment,
malgré les zigs et le zag des instances comme relaté antérieurement
ici-même, elle ne l’est pas. Au final, je ne sais pas
quel curseur ils utilisent, mais certains médecins recommandent et
réalisent dans leur coin ces deux vaccins à tous leurs petits
patients. Une sorte de curseur pour apprenti sorcier ?
Si
l’on revient sur nos deux derniers schémas et que l’on se pose
la question suivante : parmi les onze vaccins obligatoires,
certains correspondent-ils aux courbes de ces schémas ?
Pour
répondre, il suffit de rechercher la fréquence annuelle des onze
maladies en France, la fréquence des effets indésirables connus,
graves et imputables au vaccin. La courbe de couverture vaccinale est
au moins la courbe actuelle sachant qu’elle devrait augmenter avec
l’obligation.
Si
l’on trouve une ou plusieurs maladies dans ce cas, il semble que la
balance bénéfices/risques d’une vaccination universelle ne soit
pas si favorable et que la vaccination ciblée des populations à
risque soit une meilleure voie.
Une
fois de plus, en schématisant, en caricaturant, en imageant, on
travestit la réalité. Mais on améliore sa compréhension. Alors
caricaturons et imageons.
Pour
tenter d’éradiquer le terrorisme sur notre territoire, parmi
d’autres mesures, il y a le fichage de personnes à risque. En
fonction de certains critères, des personnes susceptibles de
commettre un acte terroriste sont fichées S. Imaginons un seul
instant d’un côté des « anti-fichages S » hurlant que
les fichiers S ne servent à rien et qu’ils sont très dangereux.
De l’autre côté, les promoteurs sans limite des fichiers S vous
affirment d’un ton solennel la main sur le cœur qu’on ne peut se
permettre de compter les morts plus longtemps, il faut donc agir et
étendre le fichage S à l’ensemble de la population… Imaginons,
imaginons, imaginons, l’efficacité d’une telle mesure. Elle ne
ferait que renforcer les antis qui finiraient par avoir raison :
« ça ne sert à rien et c’est dangereux ! ». Au
passage, l’imagination est souvent dépassée par la réalité.
Si
l’on transpose ces réflexions (que certains pourront juger
idiotes, violentes, déplacées, provocantes, tout ce que vous
voulez, j’assume, je prends) aux maladies infectieuses graves mais
à faible incidence, on comprend tout de suite mieux l’intérêt
d’une vaccination ciblée et l’inconvénient d’une vaccination
universelle.
Mais
au pays de Pasteur, les décideurs (63 voix pour, 3 voix contre, 9
abstentions, 502 députés absents des bancs de l’assemblée) ont
placé le curseur ainsi : onze vaccins obligatoires pour les
enfants nés à partir du 1er
janvier 2018 sous peine d’être refusés en crèche, à l’école,
etc… soit un des leviers permettant d’accéder à la
socialisation, à l’éducation, donc à la santé.
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Juste
une histoire de curseur au pays de Pasteur.