Ça
a débuté quelques semaines après le cru 2013 d’Octobre Rose.
Je
tombais par hasard nez à nez avec un mammobile, long semi-remorque
rose transportant personnel et matériel destinés à effectuer le
dépistage du cancer du sein.
Les
femmes âgées de 50 à 74 ans étant encore à ce jour invitées
tous les deux ans à passer une mammographie de dépistage selon les
recommandations nationales, on peut penser qu’offrir le service
d’une unité mobile de dépistage en plus de l’offre radiologique
libérale ou hospitalière se justifie, notamment dans les contrées
reculées. On en reparlera à la fin de ce billet.
Je
précise qu’il est question ici du dépistage systématique dans la
population générale et non des femmes présentant des risques
nécessitant un suivi particulier.
C’est
alerté par le surprenant message inscrit en gros sur la remorque du
camion visible sur la photo ci-dessus « Utile dès
40 ans-On a toutes à y gagner » que je me suis mis à fouiner
un peu au point d’avoir l’envie d’en faire un billet : La papamobile à son âge OK mais la mammobile à cet âge ?
C’est ainsi qu’au passage de la caravane rose, les
premiers aboiements du caniche engendrèrent ceux d’autres
chiens(nes). Un groupe informel de soignants/patientes se forma pour
relayer, réactiver et compléter le message comme ici chez :
Cela
donna même l’occasion à Martine Bronner de nous révéler le rêve
dingue d’égalité hommes-femmes qu’elle fit : Lis ça, on peut en rire mais pas que...
Et
chose inespérée, l’Institut National du Cancer (INCa) répondit à
l’interpellation d'Hélène La Crabahuteuse. Cette réponse est consultable
dans les commentaires de son billet déjà cité plus haut. En voici des extraits :
« Il
est, en effet, tout à fait juste de rappeler que le programme
national de dépistage organisé du cancer du sein porte sur la
tranche d’âge 50-74 ans…
…Pour
la tranche d’âge 40-49 ans, les bénéfices attendus sont
effectivement moindres alors que les risques sont plus élevés
(cancers radio-induits, surdiagnostic)…
…Nous
considérons qu’il n’y a pas lieu, en l’état des évaluations
et recommandations nationales actuelles, de proposer ni de soutenir
un dépistage par mammographie à des personnes de 40-49 ans sans
facteur de risque particulier, que ce soit ou non en mammobile…
…Il
revient à l’Agence régionale de santé (ARS) du
Languedoc-Roussillon de se prononcer sur le sujet… »
Il
n’est pas toujours aisé de comprendre tout ça, je vais donc
tenter de t’en faire une traduction. Caricatures, exagérations,
imprécisions diront certains, tant pis. Le poids des mots le choc
des photos l’ont toujours emporté sur les formulations couilles
molles. Alors je traduis :
Pratiquer une mammographie de
dépistage à des minettes de 40 berges en parfaite santé ne
présentant aucun risque ne permet pas forcément de détecter un
cancer du sein mais expose de façon non négligeable à en trouver
un là où il n’y en a pas avec pour conséquences de biopsier
voire pire de traiter des personnes inutilement. Sachant que le
traitement ne se résume pas à la prise d’un gramme de paracétamol
et en voiture Simone mais plutôt à l’artillerie chirurgie
radio-chimiothérapie et son cortège d'effets plus qu'indésirables,
je te laisse imaginer le tableau. Si ça ne te parle toujours pas,
peut-être qu’imaginer ta femme, ta maîtresse, ta fille, ton amie,
ta jeune patiente, avec un sein en moins alors que tout allait bien
t’aidera à y voir plus clair. Bon, OK, dans la majorité des cas,
ça n’ira pas jusque-là, mais avoue que le simple fait d’attendre
le résultat d’une biopsie (geste invasif) qui n’aurait même pas
dû être réalisée, peut t’occasionner quelques journées
d’angoisse au point de ne pas seulement te passer l’envie d’aller
à ton cours de zumba.
Le
mammobile est la principale cible de ce billet, mais le propos vaut
tout autant pour le médecin généraliste, le gynécologue ou tout
autre médecin qui prescrirait cet examen de dépistage en moins de
deux sur un coin de bureau sans la moindre explication : « Tenez
ma brave, vous venez d’avoir 40 ans, alors à partir de maintenant
vous ferez cet examen tous les ans. Comme on dit hein, mieux vaut
prévenir que guérir et plus on fait ça tôt, mieux c’est… »
La patiente repart ainsi rassurée par un ramassis de conneries avec
son ordonnance pliée en deux au fond de son sac à main. Oui, nous parlons essentiellement ici de ce qui se voit
dans le cadre du dépistage organisé, mais n’oublions surtout pas
tout ce qui se pratique sans véritable cadre et qui est peut-être
encore plus grave, à savoir le dépistage individuel fait par-dessus
la jambe.
Le mammobile dès 40 ans, infime partie émergée de l'iceberg flottant dans les eaux troubles du dépistage du cancer du sein ? Ce dépistage, meilleure façon de faire croire qu'on se préoccupe du sort des femmes sans mettre le moindre biffeton dans une véritable démarche de prévention ? (Dépister = traquer une maladie déjà apparue / Prévenir = éviter que cette maladie survienne).
Le mammobile dès 40 ans, infime partie émergée de l'iceberg flottant dans les eaux troubles du dépistage du cancer du sein ? Ce dépistage, meilleure façon de faire croire qu'on se préoccupe du sort des femmes sans mettre le moindre biffeton dans une véritable démarche de prévention ? (Dépister = traquer une maladie déjà apparue / Prévenir = éviter que cette maladie survienne).
Tu
vois, le sujet est tout de même sérieux car les conséquences
liées au mammobile dès 40 ans peuvent être plus que fâcheuses. D’où l’idée de l’INCa
d’alerter l’Agence Régionale de Santé concernée par le
mammobile 34, l’ARS étant une sorte d’antenne du ministère de
la santé à l’échelon régional. Pour en savoir plus sur les ARS
et observer leur grande réactivité, tu peux lire ça :
Voilà
grosso modo où nous en sommes. Sauf que là, le cru 2014 d’Octobre
Rose débute et que… et que l’on peut affirmer que des chiens
peuvent aboyer jusqu’aux oreilles de l’INCa,
la caravane continue de passer paisiblement. Car la photo ci-dessus
avec ce message mensonger a été prise pas plus tard qu’il y a quelques
jours. Les pratiques semblent donc inchangées.
Que
pouvons-nous en conclure ?
Que
le seul moyen moderne de communication entre l’INCa et l’ARS fut
un pigeon voyageur déplumé s’étant trompé de direction ?
Que l’ARS en question a bien reçu le message mais que voyez-vous, il est délicat de faire changer des pratiques historiquement expérimentales… dans cette province tellement éloignée de Paris et tant pis pour les quelques minettes qui en paieront possiblement les frais sans le savoir d'autant que c'est pas la sécu qui finance mais les communes hôtes ?
Que
dans une société dans laquelle seuls le profit et l’argent de
quelques-uns priment, rien d’étonnant à ce que le domaine de la
santé soit contaminé jusqu'à la moelle ? Business is
business, même s’il y a un risque de biopsier voire de mutiler
deux ou trois nanas pour rien au passage ? Qu’importe, elles
ne le sauront jamais ! Au pire, c’est réparable, il y a des
prothèses mammaires en stock… Fuck l’intérêt du patient, in
the pocket le fric même s'il pue ?!
Ouais
je sais, c’est un peu hard, et j’entends déjà certains me dire
que je vais trop loin… euh, n’inversons pas les rôles quand même
et relisons ensemble à voix haute sous la baguette du chef de chœur
la réponse de l’INCa :
« Pour
la tranche d’âge 40-49 ans, les bénéfices attendus sont
effectivement moindres alors que les risques sont plus élevés
(cancers radio-induits, surdiagnostic) »
C’est
pas moi qui l’ai inventé ça.
Bilan
des courses :
- L’INCa est au courant, on en a la preuve et il ne peut plus fermer les yeux puisqu’il s’est prononcé et a délégué à l’ARS.
- L’ARS si elle est véritablement au courant n’a soit rien fait, soit tenté de faire mais sans succès.
Alors
maintenant, que fait-on ?
Les instances ne bougent pas ou plus un sourcil. Silence radio (
Marisol
Touraine, la ministre des affaires sociales et de la santé s’est
vue refourguer les droits des femmes lors du dernier remaniement.
Santé, social, droits des femmes, ça me semble beaucoup pour une
seule personne mais au moins ce sujet devrait lui causer : un
peu de cohérence pour la santé des femmes dont les droits sont
quelque peu bafoués dans cette histoire serait la bienvenue non ?
Malheureusement
je crains très honnêtement qu’elle soit trop occupée, voire
noyée par tout son taf puisqu’il paraît, je dis bien il paraît
car ma source n’est absolument pas fiable d'autant que j'y ajoute
le mode plein gaz de sarcasme, qu’elle a déjà commencé à
effacer les noms de marque sur quelques paquets de cigarettes qu’elle
prévoirait d’aller installer en personne dans le rayon d’un
buraliste de la capitale en compagnie de nombreuses caméras de BofFM TV voire Canal Plouc et
que surtout toute ministre qu’elle est et malgré tout le respect
qu’on lui doit, elle y pane tout bonnement que dalle à tout ça et que encore plus que surtout, demander de la cohérence à une personnalité politique c'est demander la Lune.
Donc
même si la caravane passe et repasse, tant qu’ils ne seront pas
muselés, quelques chiens continueront à aboyer pour alerter celles
et ceux qui voudront bien les entendre.
Je
répète car c’est important que ce billet concerne les femmes
âgées entre
40 et 49 ans sans risque particulier.
Si
tu es une femme âgée entre 50 et 74 ans sans facteur de risque, il
reste à ce jour recommandé en France de te rendre dans ce genre de mammobile
ou ailleurs (radiologie libérale, hospitalière) tous les deux ans
pour bénéficier du dépistage du cancer du sein.
Sache cependant
qu’une personne avec laquelle j’ai eu la chance de converser a
écrit un livre très riche et très pertinent sur le sujet du
dépistage du cancer du sein. Il s’agit du livre No mammo ? de Rachel Campergue. Mon petit doigt m’a informé qu’un second
ouvrage décoiffant sur ce thème sera disponible d’ici peu. Mais
si tu n’as pas envie ou pas le temps de te plonger dans cette prose
fournie, je t’invite au moins à lire ce billet
sur le site "Voix médicales" qui détricote parfaitement bien le sujet. Juste histoire d’avoir
une information claire, indépendante afin de choisir librement et en
toute conscience de te faire dépister. Bonne lecture.
A la lecture de votre article je suis partagée entre l'envie d'hurler ou de pleurer du manque de considération des patients par le biais de leur maintien dans l'ignorance et par la politique de la terreur. J'ai 43 ans et déjà subi trois mammographies, la première à 39 ans parce que je me suis plainte à ma gynécologue de douleurs à la poitrine à certaines périodes. Et cerise sur le gâteau lors de ma troisième mammographies, à 43 ans, j'ai eu droit au regard noir et à une réflexion du manip me disant que plus de deux ans s'était écoulé depuis la dernière et que ce n'était pas bien (je lui ai demandé si c'était comme pour les yaourts et qu'il y avait une date de péremption à ne pas dépasser). Aujourd'hui je suis en colère car je comprends que pour moi ces examens sont surement inutiles (aucun antécédent familial, aucune problème décelé lors des précédentes mammographies...) et surtout mon médecin n'a jamais pris la peine de m'expliquer le but de cet examen notamment compte tenu de certains problèmes hormonaux que j'ai pu avoir, se contentant de brandir le spectre du cancer.
RépondreSupprimerPour que les choses changent, il ne faut rien attendre des institutions sclérosées par des intérêts qui nous dépassent mais il faut éduquer les patients par une large diffusion d'articles. Parce que le savoir engendre le pouvoir, en étant mieux informés nous reprendrons le pouvoir de dire non, et nous ne serons plus tétaniser par la peur de la maladie. Pour conclure merci pour cet article, merci pour les informations et liens qu'il contient et soyons acteur de notre santé. Marie-
Merci pour ce témoignage. Et j'adhère complètement à votre propos :"le savoir engendre le pouvoir", "soyons acteur de notre santé".
SupprimerJe me questionne parfois sur l'intérêt de ce genre de blog, vous apportez là une formidable réponse. Merci encore.
Je suis une femme, concernée de la Dépistage et accesoirement professionnellement avertie (docteur en toxicologie). Informée sur ce sujet depuis des années, ayant préféré la stratégie de la fuite plutôt que le combat face à des gynécologues (homme ou femme) incarnant le paternalisme médical qui m'a toujours fait gerber(oups! excusez moi e ce terme, mais je n'en trouve pas d'autre) , je m'interroge de plus en plus : pourquoi, à l'ère d'internet, de google, face book ,etc, pourquoi aussi peu de femmes ,au moment de se faire enrôler dans le dépistage, semblent si peu s'interroger en allant se ballader sur les blogs dissidents , même encore aujourd'hui? pourtant vous pouvez vous retrouver facilement sur votre blog , sur celui de Martine Bronner, de Rachel Campergue, de Docteurdu16, de Formindep, etc...
RépondreSupprimercette question me taraude et je m'interroge vraiment sur la capacité de mes congénères à s'émanciper du paternalisme médical...
Un élément de réflexion : une amie, femme de médecin, adepte de la secte de dépistologie , m'a répondu : "Tu ne peux pas dire çà, c'est trop dur à entendre". c'est trop dur à entendre te dire que tu t'es faite avoir ? Que la médecine paternaliste, consumériste, je m'en foutiste de l'Evidence Bases Medicine , te prend depuis des décennies pour une bécassine "libérée" (prends la pilule dès 16 ans, fait ton dépistage dès 40 ans et discute pas, tu es une femme "libérée") . Tu as tellement lu Elle et Marie-Claire qui t'ont montré tant de photos artisitiques en noir et blanc de ces amazones , jeunes femmes à sein(s) coupé(s), qui ont "gardé pourtant leur féminité".. tu as peut etre même acheté la cage à fromage octobre rose de Tupperware ou le kit à ongles Sephora octobre rose par des vendeuse arborant leur ruban rose ? non, on ne peut pas t'avoir trompé.. c'est un mauvais rêve !
Merci pour votre commentaire. Je suis bien d'accord avec vous. Mais vous vous êtes retrouvée sur ce blog ou sur ceux que vous mentionnez car la question vous intéresse, ce ne sont que quelques bouteilles à la mer que vous avez réussi à trouver car vous les cherchiez.
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