Médecins
généralistes Le 16 octobre 2017
concernés par
le projet d’obligation
vaccinale pour
les nourrissons.
A Mesdames et
Messieurs les députés
Copie à :
Monsieur le premier Ministre
Copie à la
Ministre des solidarités et de la santé
Copie aux
présidents de groupes parlementaires
Copie au
Président de la République française M. Macron
Mesdames et Messieurs les député(e)s :
Nous,
médecins généralistes, vous demandons de ne pas voter l’article
34 du PLFSS 2018 élargissant les obligations vaccinales à huit
vaccins supplémentaires chez les nourrissons de moins de 2 ans à
compter du premier janvier 2018 pour une durée indéfinie. Nous
estimons que cette obligation groupée est injustifiée, contraire
aux données de la science, aux droits des patients et aux principes
du Droit en démocratie.
Parce que nous
sommes des citoyens et des professionnels de santé concernés par la
santé publique, nous vous écrivons pour nous opposer au projet de
loi visant à élargir à onze vaccins au lieu de trois l’obligation
vaccinale chez les nourrissons.
Nous ne nous
situons pas dans une perspective qui serait celle d’une controverse
stérile et idéologique entre partisans et opposants à la
vaccination en général.
Nous sommes
simplement soucieux de vous sensibiliser au fait que l’histoire des
vaccinations en France n’est pas linéaire, qu’elle a connu des
succès et des échecs, que des vaccins sont apparus et ont disparu
pour cause d’efficacité/inefficacité, voire de dangerosité. Mais
nous souhaitions surtout
réaffirmer que chaque vaccination
s’inscrit dans une démarche globale de santé publique qui doit
associer l’acte vaccinal lui-même à l’amélioration des
conditions de vie régnant dans la société et notamment des
conditions socio-économiques de certains milieux défavorisés,
grâce aux structures sociales d’accompagnement et à des campagnes
de prévention primaire et de promotion de la santé.
Pour la
première fois en France un gouvernement voudrait faire voter par le
Parlement une obligation groupée pour 11 vaccins. La dernière fois
que le Parlement a voté une obligation vaccinale c’était pour le
vaccin contre la poliomyélite en 1964. Ensuite et à ce jour,
considérant que la population était plus instruite que par le passé
et en raison de l’inefficacité de l’obligation vaccinale, les
autorités n’ont pas jugé utile d'imposer de nouvelles obligations
vaccinales.
Donc, pourquoi
revenir sur cette décision des années 60 ?
Madame la
ministre des solidarités et de la santé indique que l’obligation
vaccinale permettra de restaurer la confiance, d’augmenter la
couverture vaccinale et par là d’apporter un bénéfice majeur en
termes de santé publique. C’est ce bénéfice qui justifierait
l’obligation de vaccination des nourrissons par 11 vaccins.
Elle déclare
fonder sa décision sur le constat d’un accroissement de la
défiance de la population française à l’égard des vaccins qui
se traduirait par le déclin de la couverture vaccinale des
nourrissons. Or, ces deux arguments nous paraissent sujets à
caution. La population française n’est pas fondamentalement
méfiante envers les vaccins, comme le montrent différentes enquêtes
d’opinion (Annexe I). Mais un infléchissement de la confiance est
survenu, et les raisons n’en sont pas mystérieuses. L’origine de
cet infléchissement réside dans deux épisodes survenus ces
dernières années dont les autorités alors en place portent
l’entière responsabilité.
Le premier est
le précédent de la décision de la vaccination anti grippale de
masse contre le virus A (H1N1). Cette crise, qui s’est produite en
2009, a été provoquée par le défaut de prise en compte des
données plutôt rassurantes venant de l’hémisphère sud, qui a
mené à la décision d’appliquer le plan « grippe aviaire »
(mortalité extrême) à une grippe d’intensité normale et par
l’exclusion des médecins généralistes du dispositif mis en
place, les vaccins fabriqués en masse étant injectés à la hâte
dans des lieux de vaccination collectifs en dépit des risques
évidents de contamination.
Cet épisode
représente un double échec : celui de l’expertise
scientifique qui prédisait des dizaines de milliers de morts et
celui de la concertation et de la prise de décision partagée entre
les politiques, les professionnels de santé et surtout les citoyens.
Nul doute que la confiance des Français a été fortement entamée
par cette succession d’erreurs.
Le deuxième
épisode est celui, non encore résolu, des pénuries récurrentes et
durables de vaccins recommandés pour les nourrissons, les enfants et
adolescents depuis le début 2015 devant lesquelles les gouvernements
successifs sont restés sans réaction alors qu’elles pénalisaient
de très nombreux parents. Ces pénuries peuvent facilement expliquer
à elles seules la modeste baisse de couverture observée à partir
de cette période du fait des contraintes pratiques pour les parents
qui ne trouvaient plus les vaccins recommandés dans les pharmacies.
Malgré le
risque de baisse de couverture vaccinale dû à cette pénurie, les
différents gouvernements n’ont pas jugé utile d’intervenir
pour mettre fin à cette situation. Pourtant, comme l’a précisé
le Conseil d’Etat dans sa décision du 8 février 2017 concernant
l’indisponibilité depuis 2008 sur le marché français du vaccin
Diphtérie-Tétanos-Polio obligatoire non combiné à d’autres
valences, le gouvernement et la ministre des Solidarités et de la
Santé disposent de nombreux moyens légaux pour sanctionner les
laboratoires pharmaceutiques défaillants et/ou se substituer à eux.
En dépit de cela les ministres successifs ont toujours refusé
d’utiliser ces moyens légaux à l’encontre des laboratoires. Cet
épisode a également entamé la confiance des Français dans les
recommandations vaccinales.
En tant que
citoyens éduqués, et en application de la loi du 4 mars 2002, les
Français ont le droit d’exiger des informations précises,
claires et robustes sur les tenants et les aboutissants de la
vaccination et n’ont pas à être soumis à des décisions
précipitées et à une interprétation maximaliste de la
concertation sur les vaccins. A plusieurs reprises dans les médias
Madame la ministre a évoqué des chiffres inexacts sur la couverture
vaccinale alors que celle-ci était en hausse constante chez les
nourrissons jusqu’à 2015 (Annexe II), illustrant ainsi
l’impréparation, le manque de réflexion et l’absence de
fondements solides à sa décision.
En outre, cette
décision ne s’inscrit pas dans une vision globale et cohérente de
la santé publique. Lorsque le Haut Conseil de la Santé Publique
(HCSP) émettait des recommandations concernant les vaccins, sa
mission n’était pas de déterminer des priorités de santé
publique. Le HCSP devait décider si le rapport bénéfice-risque de
chaque vaccin recommandé pour la vaccination universelle des
nourrissons pouvait apparaître comme acceptable sur la base de
différentes hypothèses d’efficacité et d’une connaissance
partielle des risques. Ces recommandations comportent donc une part
importante de subjectivité et d’incertitude et ne tiennent pas
compte du contexte global de santé publique. Les décisions
concernant les recommandations vaccinales ont aussi passé outre à
plusieurs reprises le mauvais rapport coût-efficacité des vaccins
recommandés. Ces aspects ne sont pas un détail dans le cadre du
PLFSS et dans un contexte de restrictions budgétaires où il s’agit
de définir des priorités en favorisant les actions de santé
publique les plus coûts-efficaces (Annexe III).
Dans une
perspective de santé publique, il faut savoir qu’il y a en France
environ 2700 décès d’enfants de moins de un an, ce qui permet de
définir la mortalité infantile, et 4000 décès au total chez les
moins de 15 ans. Toutefois, 99% de ces décès ne sont pas évitables
par l’extension de l’obligation vaccinale à huit vaccins
supplémentaires. Même dans l’hypothèse irréaliste d’une
couverture vaccinale à 100 % et d’une efficacité vaccinale à 100
% stable dans le temps, ce qui signifierait l’éradication de
toutes les maladies à prévention vaccinale visées par les
recommandations actuelles, les huit vaccins supplémentaires
recommandés ne peuvent permettre de prévenir plus de 1% des décès
survenant à ces âges. A titre de comparaison, les causes
accidentelles représentent 8 à 9% de la mortalité des moins de 15
ans et 25% des décès soit un décès sur quatre entre 1 et 14 ans.
D’autre part,
le modèle de la rougeole, constamment mis en avant, maladie pour
laquelle la diminution du nombre de cas est proportionnelle à
l’augmentation de la couverture vaccinale, n’est pas
généralisable à toutes les maladies et à tous les vaccins et
constitue plutôt une exception.
On peut ainsi
noter que parmi les huit vaccins supplémentaires que l’on voudrait
rendre obligatoires, certains concernent des maladies qui font déjà
l’objet d’une prévention ciblée et qui ne circulent pas parmi
les enfants en France. Ce qui signifie qu’on ne peut pas espérer
prévenir des contaminations entre enfants par l’obligation
vaccinale et ainsi obtenir un bénéfice en termes de santé
publique (hépatite B). Cela signifie aussi que les enfants nés en
France admis en collectivité et non vaccinés contre l’hépatite B
ne représentent aucun risque pour les autres enfants. Pour d’autres
vaccins, ces maladies sont rarissimes même en l’absence de
vaccination (méningite à méningocoque C, 120 cas par an en moyenne
dans l’ensemble de la population en l’absence de vaccination et
un à trois décès par an chez les moins de 15 ans). Dans ce cas la
vaccination universelle risque de provoquer plus d’effets
indésirables graves chez les nourrissons, que de bénéfices dans la
population générale. Cette vaccination est donc préconisée non
pour éviter une menace sanitaire grave mais dans l’espoir
illusoire, comme le montre l’exemple d’autres pays européens,
d’une éradication possible de cette maladie rare. Pour d’autres
vaccins enfin, l’efficacité est instable, et leur généralisation
a même pu favoriser l’accroissement significatif de la fréquence
dans la population de la maladie que le vaccin devait combattre
(vaccin contre le pneumocoque). (voir Annexe III).
Pour chacun des
onze vaccins concernés par cette mesure, les parents, vont être
privés de la possibilité d’exercer un choix sous peine d’être
exposés à des sanctions. Si cette mesure est appliquée, l’absence
sur le carnet de santé d’un seul des onze vaccins concernés
entraînera pour les parents l’impossibilité d’inscrire l’enfant
concerné en collectivité (crèche, maternelle, école, collège,
lycée). Le droit d’accéder à l’école étant lui-même
étroitement lié à un droit fondamental, celui de l’accès à
l’éducation. Or, comment justifier de faire peser de telles
contraintes et sanctions sur les parents alors que les risques
que feraient courir les enfants non vaccinés à la collectivité
sont, pour certains des vaccins concernés par l’obligation
groupée, inexistants ou infinitésimaux ?
On peut faire
les mêmes objections pour les bénéfices de santé publique
attendus qui sont, pour certains vaccins visés par l’obligation,
marginaux ou très discutables.
Les
sanctions envisagées apparaissent à la fois critiquables
moralement et éthiquement mais surtout, la privation de la
liberté de choix et la lourdeur des sanctions associées posent la
question de la proportionnalité des contraintes. Cette
proportionnalité garantit la défense des droits fondamentaux en
assurant que
la puissance publique
ne puisse limiter la liberté des citoyens que « dans la mesure
indispensable à la protection des intérêts publics ».
A l’aune
de cet ensemble d’arguments il nous paraît donc légitime que la
représentation nationale donne son avis pour chacun des vaccins
concernés et qu’elle le
fasse en toute indépendance, sur des critères qui soient clairs,
démontrés et pertinents sans déléguer à un groupe d’experts
dont certains présentent des conflits d’intérêts financiers avec
les laboratoires pharmaceutiques commercialisant ces vaccins, la
responsabilité de décisions qui ne devraient avoir pour seul
objectif que la protection des individus, ici des nourrissons et des
enfants, et l’amélioration de la santé publique.
L’affaire
Levothyrox est également là pour confirmer que le manque
d’anticipation des autorités sanitaires, le déficit d’information
et de concertation avec les professionnels de santé prescrivant et
délivrant ces médicaments, et surtout l’oubli initial qu’il y
avait trois millions de patients traités ne pouvaient que mener à
des incompréhensions, des souffrances, des non-dits, et des rumeurs.
Certains patients sont même allés jusqu’à arrêter leur
traitement au risque de mettre leur santé en péril.
Madame la
ministre des solidarités et de la santé a placé cette obligation
sous le signe de la peur, insistant sur les dix décès dus à la
rougeole depuis dix ans, mais n’a pas apporté les preuves que
cette obligation serait suivie d’effets positifs à court et à
moyen terme tant en termes de baisse de la mortalité et de la
morbidité qu’en termes d’écologie infectieuse (apparition de
résistances et/ou de changements d’âge de survenue des maladies).
Il nous semble
donc impossible que vous puissiez voter cette loi en l'état, sans
que les réelles conditions d'un débat démocratique aient été
instaurées.
En annexe,
plusieurs documents vous sont présentés afin d’illustrer cette
lettre et de vous éclairer. L’un d’entre eux, l’annexe III,
met en évidence les contradictions et les insuffisances dans les
motifs ayant mené à cette décision et fait la démonstration que
pour au moins trois vaccins sur les onze concernés par l’obligation
cette mesure n’apportera aucun bénéfice de santé publique.
Dr Claudina Michal-Teitelbaum, médecin généraliste ;
Dr Jean-Claude Grange, médecin généraliste ; Dr Christian Lehmann, médecin généraliste ;
Dr Sylvain Fèvre, médecin généraliste ; Dr Jean-Baptiste Blanc, médecin généraliste ;
Dr Marc Gourmelon, médecin généraliste ; Dr Bertrand Stalnikiewicz, médecin généraliste ;
Dr Dominique LOUBET, médecin généraliste ; Dr Isabelle CHIVILO, médecin généraliste ;
Dr Armel SEVESTRE, médecin généraliste ; Dr Alain SIARY, médecin généraliste
Les annexes, l'argumentaire détaillé et l'ensemble de ce courrier sont téléchargeables en PDF sur ce lien.
Nous invitons tous les soignants et tous les citoyens qui partagent ces arguments à diffuser cette lettre et à la transmettre à leur député.
Médecins, vaccinateurs, pour soutenir notre réflexion sur les vaccinations intégrées dans une démarche globale de santé publique c'est ici : SOUTIEN EN LIGNE
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