lundi 4 janvier 2016

QUOI DE NEUF DOCTEUR ?




Il y a dans le domaine médical énormément de choses intéressantes à lire pour se tenir déformé informé. Le choix et le tri ne sont pas toujours aisés.
 
Alors que je n’ai pas encore terminé l’excellent ouvrage conseillé il y a quelques semaines par un confrère blogueur, premièrement parce que je ne suis pas des plus à l’aise avec la langue de Shakespeare, mais aussi parce que je hume ce livre comme un bon vin, une consœur est venue perturber ma matinée du 31 décembre dernier. Elle m’a dit pleine d’enthousiasme : « j’ai un truc à te faire lire, je te connais, je sais que ça va te plaire ».
 
Évidemment, les mots de ma consœur comme le titre de la revue ont suffi à attiser ma curiosité.



J’ai alors plongé avec mes brassards dans les pages de cette revue médicale à la recherche de l’article conseillé si confraternellement.
 
Cela a confirmé la fine expertise de ma consœur puisqu’elle me connaît bien et sait en effet ce qui peut me plaire. Une indéniable experte. D’ailleurs, moi aussi je la connais plutôt pas mal, tout du moins suffisamment pour partager le même lit et que deux enfants soient nés de notre amour. Oui, en plus d’être l’expert l’un de l’autre, nous sommes amoureux. L’amour rendant aveugle, nous voici donc dans une situation d’expertise en double aveugle, ce qui tout le monde l’aura compris, laisse peu de place aux doutes, encore moins aux biais. A moins que… Non je n’ose y penser… A moins que l'évidence de la science vienne s’immiscer dans nos certitudes et qu’un test de paternité fasse voler en éclats notre aveuglante expertise ? Non non non non non non ! Elle est la mère de mes enfants, j’en suis le père, impossible que la médecine m’en fasse devenir l’ex-père. Alors revenons à notre revue qui retrace les principaux bouleversements de la pédiatrie survenus durant l'année 2015.
 
Ce numéro est une succession d’articles écrits chacun par un expert de la question du type :
 
« Quoi de neuf en infectiologie pédiatrique ? »
 
« Quoi de neuf en vaccinologie française ? »
 
« Quoi de neuf en pneumologie pédiatrique ? »
 
Et ainsi de suite. Bien entendu, le risque pour un médecin recevant des enfants en consultation de ne pas lire la réponse à la question posée est de ne pas être au courant des nouveautés, donc de mettre en péril la santé de ses petits patients.
 
Sur les conseils de ma consœur experte épouse, j’ai donc parcouru l’article intitulé :
 
 
L’article est divisé en une demi-douzaine de chapitres et j’ai été plutôt rassuré car apparemment, je n’ai rien loupé de majeur sur la question en 2015. Je me suis tout de même arrêté sur un chapitre :
 


Reconnaissons que le titre de ce chapitre claque. Je me suis dit : « la vache ! ». Et aussitôt j’ai imaginé tous ces enfants à qui je n’ai jamais prescrit de prise de sang pour rechercher une carence martiale, tous ces enfants potentiellement anémiés, toutes ces poches de sang qui auraient pu servir à transfuser d’autres patients si je n’avais pas négligé ce problème majeur de santé publique. Très honnêtement, je me suis fait peur. Pour me rassurer rapidement, j’ai lu le chapitre où je pensais trouver quand et à quel intervalle dépister et contrôler une carence martiale chez l’enfant. Oui, moi, petit médecin de terrain, j’ai besoin des conseils avisés de l’expert, que dois-je faire ? Quand ? Combien de fois ? A partir de quand je traite ? Combien de temps ? Quelles sont les complications à éviter, surveiller ? Que dois-je vérifier ?


Finalement, j’ai été un peu déçu car le chapitre n’a pas répondu à mes questions. De plus il a augmenté mes peurs perdu que j’étais dans des successions de chiffres et d’études qui en mettent plein la vue. On y confirme que la carence en fer est bien un problème majeur de santé publique sur le continent européen. On y apprend que des apports insuffisants en fer sont notés chez environ 30 % des enfants après l’âge de 1 an en France, que la prévalence de l’anémie par carence martiale –stade le plus sévère de la maladie- est inférieure à 5 % en Europe du Nord. J’aurai donc découvert que la carence martiale est une maladie, avec différents stades, dont l'anémie est le plus sévère. Mais rien n’est dit pour la traquer, la débusquer.
 
En revanche et fort heureusement, l’expert nous rassure dans sa conclusion sur la carence martiale :
 
 
« Ces travaux soulignent l’importance des formules infantiles pour assurer les apports en fer chez l’enfant de 0 à 36 mois, et notamment celle du lait de croissance après un an. »
 
J’aurais aimé trouver dans cette conclusion limpide un lien vers l’étude sur laquelle l’expert s'appuie pour affirmer tout cela, mais rien de rien. C’est peut-être un oubli. Ou alors il n’a pas jugé utile de mentionner ce type de renseignement. Du coup si quelqu’un a un papier fiable sur lait de croissance-carence martiale-anémie, je suis preneur. Merci.

Il y a vraiment énormément de choses intéressantes à lire pour se tenir déformé informé. Le choix et le tri ne sont pas toujours aisés, vraiment.
 
Parce que par exemple, juste un peu avant le chapitre sur la carence martiale, il y en a un sur l’obésité. Alors que comme je l’ai déjà écrit plus haut, j’ai un livre très éclairant à terminer, que je ferais mieux de poursuivre cette lecture, car j’aurai probablement des choses à en dire et à partager, ben non, j’ai lu le truc sur l’obésité. Pourtant vu le titre, j’aurais pu passer à autre chose. Mais il y avait mon experte qui m’avait dit : « Si si, je te promets que ça va te plaire ». Je rappelle pour rassurer tout le monde que nous sommes ici dans une étude d'experts en double aveugle ;-)
 
Pour faire vite, je reporte ici juste le titre et la conclusion.
 
Le titre : « Obésité : rien de nouveau »
 
La conclusion : « En conclusion, rien de vraiment nouveau en obésité infantile. Le rôle de la génétique est confirmé, les illusions autour de la prévention persistent, et la chirurgie bariatrique de l’adolescent mérite de se développer ».
 
Je me suis dit que c’était pas très utile de revenir sur tout ce qu’il y a entre le titre page 30 et la conclusion page 32 du chapitre sur l’obésité car on aurait certainement un peu de mal à me croire tellement c'est gros ! Finalement, tout bien réfléchi, la page 31 qui est un publi-communiqué vaut à mon humble avis de non expert son pesant de cacahuètes.
 
Le voici sans aucun commentaire de ma part, je vous laisse à vos réflexions :





Je sais, c’est assez difficile à digérer, donc beaucoup plus facile de se dire que j’ai fait un montage et que tout est faux. Malheureusement tout est vrai. Et je mets à la disposition de qui veut, l’original de la revue « Réalités pédiatriques » Mensuel 196 de novembre 2015.
 
Évidemment une fois la revue entre les mains, j’ai eu du mal à m’en détacher. Je suis tombé sur d’autres trucs sympas.
 
Exemple en début de revue :
 
« Quoi de neuf en infectiologie pédiatrique ? ».
 
L’expert revient sur la vaccination rotavirus et les invaginations intestinales aiguës. Il ne semble pas très ravi de l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique suspendant la recommandation vaccinale. Pour enfoncer le clou, on retrouve le même sujet traité de façon similaire en fin de revue « Quoi de neuf en vaccinologie française ? ». Cette fois-ci c'est un autre expert qui s'exprime, mais un expert vraiment encore plus expert puisque « Expert INFOVAC France ». Ces experts reconnaissent qu'il y a bien un risque d'invagination intestinale post-vaccinale mais que les deux décès d'enfants observés en France sont surtout liés à un retard de diagnostic de cette complication. Soit, il est vrai que la science exige de la précision et de la subtilité. Nous au contraire, sur ce blog, sans précision, sans subtilité ni expertise nous avions parlé du sujet dans la série justement intitulée: LES EXPERTS .
 
 
 
Finalement, quoi de neuf docteur ? Ben pas grand-chose, ça continue encore et encore. Rappelons-nous de 2014, nous avions écrit un billet assez similaire sur le fond, non pas avec du McDO dedans mais du Kiri et du Babybel dans Pub Med.
 
 
Il y a dans le domaine médical énormément de choses intéressantes à lire pour se tenir déformé informé.
Il suffit juste de faire un peu de tri et choisir les bonnes lectures. C'est loin d'être toujours facile. Surtout que la médecine a de nos jours plutôt la fâcheuse tendance à s’immiscer dans les moindres recoins de la vie des gens qui vont bien. Donc par exemple, si un article sort chiffres à l'appui sur la meilleure façon de se torcher les fesses alors que le sujet ne t'avait jamais effleurer l'esprit et que tu n'as jamais eu de problème de ce côté-là mais que la conclusion de l'article précise que les papiers double épaisseur de telle marque donnent d'excellents résultats, alors il n'est pas exagéré de penser que l'auteur-expert-torchologue roule pour tel fabricant de papier-cul. Par conséquent, tu peux te torcher avec le dit article.
 
 
Je vais donc remettre le nez dans mon livre anglais indispensable pour se tenir informé déformé et dont une phrase résonne chaque jour un peu plus dans ma tête : 
 
« Experts can be a source of bias simply because they are experts »
 
Ce livre sur lequel je reviendrai probablement à ma façon s'intitule « The patient paradox » de Margaret McCartney. Les meilleurs arguments pour en encourager la lecture se trouvent dans ce billet.
 
L’auteur de ce billet déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts et n’a aucun intérêt à déclarer le moindre conflit.
 
 

3 commentaires:

  1. si tu veux lire un livre non sponsorisé qui parle de médecine générale , ,va voir sur LEM 942:http://www.exmed.org/archives15/circu942.html
    CB

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  2. Mandieu j'ai condamné mon enfant à la carence martiale en lui donnant du lait ordinaire et une alimentation équilibrée !! Je lui ai même plus donné les gouttes de vitamines chais pas quoi au bout d'un moment, quelle mauvais parent je fais ! Peut-être que je peux revenir sur le droit chemin en emmenant régulièrement mon enfant au domac ?! Qu'en pensent les experts spécialisés en expertise industriellement indépendants ?

    Pour avoir goûté cette saloperie de lait de croissance (pardon), il a un gout anormalement sucré par rapport à un lait ordinaire. De là à prétendre que les industriels prépareraient nos chers têtes blondes au gout du sucré, il y a un pas que je ne franchirai pas, mon dieu non !

    Je vais demandé à mon médecin généralise mais je crois que c'est un mauvais médecin, il m'a déconseillé le lait de croissance et ne m'a jamais communiqué ces expertes informations susmentionnés, notamment l'éclairage nutritionnel sur le régime alimentaire domac. Il pourrait quand même l'afficher dans son cabinet, c'est de la médecine !

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  3. Pour une revue pediatrique ce qui me choque c'est de conseiller les laits infantiles de 0 à 36 mois.Quid de l'allaitement maternel??

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