Il
y a dans le domaine médical énormément de choses intéressantes à
lire pour se tenir déformé
informé. Le choix et le tri ne sont pas toujours aisés.
Alors
que je n’ai pas encore terminé l’excellent ouvrage conseillé il
y a quelques semaines par un confrère blogueur, premièrement parce
que je ne suis pas des plus à l’aise avec la langue de
Shakespeare, mais aussi parce que je hume ce livre comme un bon vin,
une consœur est venue perturber ma matinée du 31 décembre dernier.
Elle m’a dit pleine d’enthousiasme : « j’ai un truc
à te faire lire, je te connais, je sais que ça va te plaire ».
Évidemment,
les mots de ma consœur comme le titre de la revue ont suffi à
attiser ma curiosité.
J’ai
alors plongé avec mes brassards dans les pages de cette revue
médicale à la recherche de l’article conseillé si
confraternellement.
Cela
a confirmé la fine expertise de ma consœur puisqu’elle me connaît
bien et sait en effet ce qui peut me plaire. Une indéniable experte.
D’ailleurs, moi aussi je la connais plutôt pas mal, tout du moins
suffisamment pour partager le même lit et que deux enfants soient
nés de notre amour. Oui, en plus d’être l’expert l’un de
l’autre, nous sommes amoureux. L’amour rendant aveugle, nous
voici donc dans une situation d’expertise en double aveugle, ce qui
tout le monde l’aura compris, laisse peu de place aux doutes,
encore moins aux biais. A moins que… Non je n’ose y penser… A
moins que l'évidence de la science vienne s’immiscer dans nos
certitudes et qu’un test de paternité fasse voler en éclats notre
aveuglante expertise ? Non non non non non non ! Elle est
la mère de mes enfants, j’en suis le père, impossible que la
médecine m’en fasse devenir l’ex-père. Alors revenons à notre
revue qui retrace les principaux bouleversements de la pédiatrie
survenus durant l'année 2015.
Ce
numéro est une succession d’articles écrits chacun par un expert
de la question du type :
« Quoi
de neuf en infectiologie pédiatrique ? »
« Quoi
de neuf en vaccinologie française ? »
« Quoi
de neuf en pneumologie pédiatrique ? »
Et
ainsi de suite. Bien entendu, le risque pour un médecin recevant des
enfants en consultation de ne pas lire la réponse à la question
posée est de ne pas être au courant des nouveautés, donc de mettre
en péril la santé de ses petits patients.
Sur
les conseils de ma consœur experte épouse, j’ai donc parcouru
l’article intitulé :
L’article
est divisé en une demi-douzaine de chapitres et j’ai été plutôt
rassuré car apparemment, je n’ai rien loupé de majeur sur la
question en 2015. Je me suis tout de même arrêté sur un chapitre :
Reconnaissons
que le titre de ce chapitre claque. Je me suis dit : « la
vache ! ». Et aussitôt j’ai imaginé tous ces enfants à
qui je n’ai jamais prescrit de prise de sang pour rechercher une
carence martiale, tous ces enfants potentiellement anémiés, toutes
ces poches de sang qui auraient pu servir à transfuser d’autres
patients si je n’avais pas négligé ce problème majeur de santé
publique. Très honnêtement, je me suis fait peur. Pour me rassurer
rapidement, j’ai lu le chapitre où je pensais trouver quand et à
quel intervalle dépister et contrôler une carence martiale chez
l’enfant. Oui, moi, petit médecin de terrain, j’ai besoin des
conseils avisés de l’expert, que dois-je faire ? Quand ?
Combien de fois ? A partir de quand je traite ? Combien de
temps ? Quelles sont les complications à éviter, surveiller ?
Que dois-je vérifier ?
Finalement,
j’ai été un peu déçu car le chapitre n’a pas répondu à mes
questions. De plus il a augmenté mes peurs perdu que j’étais dans
des successions de chiffres et d’études qui en mettent plein la
vue. On y confirme que la carence en fer est bien un problème majeur
de santé publique sur le continent européen. On y apprend que des
apports insuffisants en fer sont notés chez environ 30 % des enfants
après l’âge de 1 an en France, que la prévalence de l’anémie
par carence martiale –stade le plus sévère de la maladie- est
inférieure à 5 % en Europe du Nord. J’aurai donc découvert que
la carence martiale est une maladie, avec différents stades, dont
l'anémie est le plus sévère. Mais rien n’est dit pour la
traquer, la débusquer.
En
revanche et fort heureusement, l’expert nous rassure dans sa
conclusion sur la carence martiale :
« Ces
travaux soulignent l’importance des formules infantiles pour
assurer les apports en fer chez l’enfant de 0 à 36 mois, et
notamment celle du lait de croissance après un an. »
J’aurais
aimé trouver dans cette conclusion limpide un lien vers l’étude
sur laquelle l’expert s'appuie pour affirmer tout cela, mais rien
de rien. C’est peut-être un oubli. Ou alors il n’a pas jugé
utile de mentionner ce type de renseignement. Du coup si quelqu’un
a un papier fiable sur lait de croissance-carence martiale-anémie,
je suis preneur. Merci.
Il
y a vraiment énormément de choses intéressantes à lire pour se
tenir déformé
informé. Le choix et le tri ne sont pas toujours aisés, vraiment.
Parce
que par exemple, juste un peu avant le chapitre sur la carence
martiale, il y en a un sur l’obésité. Alors que comme je l’ai
déjà écrit plus haut, j’ai un livre très éclairant à
terminer, que je ferais mieux de poursuivre cette lecture, car
j’aurai probablement des choses à en dire et à partager, ben non,
j’ai lu le truc sur l’obésité. Pourtant vu le titre, j’aurais
pu passer à autre chose. Mais il y avait mon experte qui m’avait
dit : « Si si, je te promets que ça va te plaire ». Je rappelle pour rassurer tout le monde que nous sommes ici dans une étude d'experts en double aveugle ;-)
Pour
faire vite, je reporte ici juste le titre et la conclusion.
Le
titre : « Obésité : rien de nouveau »
La
conclusion : « En conclusion, rien de vraiment nouveau en
obésité infantile. Le rôle de la génétique est confirmé, les
illusions autour de la prévention persistent, et la chirurgie
bariatrique de l’adolescent mérite de se développer ».
Je
me suis dit que c’était pas très utile de revenir sur tout ce
qu’il y a entre le titre page 30 et la conclusion page 32 du
chapitre sur l’obésité car on aurait certainement un peu de mal à
me croire tellement c'est gros ! Finalement, tout bien
réfléchi, la page 31 qui est un publi-communiqué vaut à mon
humble avis de non expert son pesant de cacahuètes.
Le
voici sans aucun commentaire de ma part, je vous laisse à vos
réflexions :
Je
sais, c’est assez difficile à digérer, donc beaucoup plus facile
de se dire que j’ai fait un montage et que tout est faux. Malheureusement tout est vrai. Et je mets à la disposition de qui
veut, l’original de la revue « Réalités pédiatriques »
Mensuel 196 de novembre 2015.
Évidemment
une fois la revue entre les mains, j’ai eu du mal à m’en
détacher. Je suis tombé sur d’autres trucs sympas.
Exemple
en début de revue :
« Quoi
de neuf en infectiologie pédiatrique ? ».
L’expert
revient sur la vaccination rotavirus et les invaginations
intestinales aiguës. Il ne semble pas très ravi de l’avis du Haut
Conseil de la Santé Publique suspendant la recommandation vaccinale.
Pour enfoncer le clou, on retrouve le même sujet traité de façon
similaire en fin de revue « Quoi de neuf en vaccinologie
française ? ». Cette fois-ci c'est un autre expert qui
s'exprime, mais un expert vraiment encore plus expert puisque
« Expert INFOVAC France ». Ces experts reconnaissent
qu'il y a bien un risque d'invagination intestinale post-vaccinale
mais que les deux décès d'enfants observés en France sont surtout
liés à un retard de diagnostic de cette complication. Soit, il est
vrai que la science exige de la précision et de la subtilité. Nous
au contraire, sur ce blog, sans précision, sans subtilité ni expertise
nous avions parlé du sujet dans la série justement intitulée: LES EXPERTS .
Finalement, quoi de neuf
docteur ? Ben pas grand-chose, ça continue encore et encore.
Rappelons-nous de 2014, nous avions écrit un billet assez similaire
sur le fond, non pas avec du McDO dedans mais du Kiri et du Babybel dans Pub Med.
Il
y a dans le domaine médical énormément de choses intéressantes à
lire pour se tenir déformé
informé.
Il suffit juste de faire un peu de tri et choisir les
bonnes lectures. C'est
loin d'être toujours facile. Surtout que la médecine a de nos jours
plutôt la fâcheuse tendance à s’immiscer dans les moindres
recoins de la vie des gens qui vont bien. Donc par exemple, si un
article sort chiffres à l'appui sur la meilleure façon de se
torcher les fesses alors que le sujet ne t'avait jamais effleurer
l'esprit et que tu n'as jamais eu de problème de ce côté-là mais
que la conclusion de l'article précise que les papiers double
épaisseur de telle marque donnent d'excellents résultats, alors il
n'est pas exagéré de penser que l'auteur-expert-torchologue roule
pour tel fabricant de papier-cul. Par conséquent, tu peux te torcher
avec le dit article.
Je
vais donc remettre le nez dans mon livre anglais indispensable pour
se tenir informé
déformé et dont une phrase résonne chaque jour un peu plus dans ma
tête :
« Experts can be a
source of bias simply because they are experts »
Ce livre sur lequel je reviendrai probablement à
ma façon s'intitule « The patient paradox » de
Margaret McCartney. Les meilleurs arguments pour en
encourager la lecture se trouvent dans ce billet.
L’auteur
de ce billet déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts et n’a
aucun intérêt à déclarer le moindre conflit.
si tu veux lire un livre non sponsorisé qui parle de médecine générale , ,va voir sur LEM 942:http://www.exmed.org/archives15/circu942.html
RépondreSupprimerCB
Mandieu j'ai condamné mon enfant à la carence martiale en lui donnant du lait ordinaire et une alimentation équilibrée !! Je lui ai même plus donné les gouttes de vitamines chais pas quoi au bout d'un moment, quelle mauvais parent je fais ! Peut-être que je peux revenir sur le droit chemin en emmenant régulièrement mon enfant au domac ?! Qu'en pensent les experts spécialisés en expertise industriellement indépendants ?
RépondreSupprimerPour avoir goûté cette saloperie de lait de croissance (pardon), il a un gout anormalement sucré par rapport à un lait ordinaire. De là à prétendre que les industriels prépareraient nos chers têtes blondes au gout du sucré, il y a un pas que je ne franchirai pas, mon dieu non !
Je vais demandé à mon médecin généralise mais je crois que c'est un mauvais médecin, il m'a déconseillé le lait de croissance et ne m'a jamais communiqué ces expertes informations susmentionnés, notamment l'éclairage nutritionnel sur le régime alimentaire domac. Il pourrait quand même l'afficher dans son cabinet, c'est de la médecine !
Pour une revue pediatrique ce qui me choque c'est de conseiller les laits infantiles de 0 à 36 mois.Quid de l'allaitement maternel??
RépondreSupprimer