vendredi 24 juin 2016

MDPH : FABRIQUE A HANDICAPS ?



Avant d’entrer dans le vif du sujet, voici quelques précisions importantes :
 
Je suis médecin et n’aime pas particulièrement l’auto-flagellation encore moins me tirer une balle dans le pied.
 
Malgré tout, je persiste à penser que l’un des principaux défis d’une société comme la nôtre en matière de santé est la dé-prescription et plus généralement la dé-médicalisation de la vie.
 
Je l’ai déjà écrit sur ce blog, les visiteurs habituels ne seront pas surpris. Cela ne veut pas pour autant dire dans mon esprit qu’il faut supprimer les médecins encore moins la médecine. Au contraire, il me semble indispensable que la médecine de premier recours soit cette sorte de sentinelle chargée de surveiller et filtrer ce qui doit être du ressort de la médicalisation et ce qui ne doit surtout pas l’être, ou un peu moins, ou ne plus l’être. Le dernier atlas de la démographie médicale établi par le Conseil National de l’Ordre des Médecins pointant une baisse préoccupante du nombre de médecins généralistes (ce qui représente majoritairement la médecine de premier recours), nous pouvons imaginer que ce n’est malheureusement pas vers cette voie que nous nous dirigeons.
 
Une fois cela posé, abordons le sujet qui me questionne et illustre parfaitement le propos à savoir un des aspects de la médicalisation de la vie dont vous ne trouverez pas forcément une définition : la MDPHisation.
 
La MDPH est la Maison Départementale des Personnes Handicapées, lieu d’accueil, d’informations, d’orientation et d’accompagnement des personnes handicapées. Pour tout savoir sur la MDPH voici un lien : http://www.mdph.fr/

Pour faire simple, c’est vers ce guichet qu’une personne présentant un handicap doit être orientée afin de bénéficier du meilleur accompagnement possible et c’est au sein de cette maison que seront évaluées et décidées les aides auxquelles cette personne peut prétendre via un « dossier MDPH » comportant un volet médical. Qui dit volet médical, dit intervention d’un médecin. On a donc d’un côté le médecin (traitant ou spécialiste) de la personne concernée qui remplit le certificat médical du dossier MDPH, et de l’autre un médecin membre de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH chargée d’étudier le dossier, d’évaluer les besoins, d’orienter si besoin, et d’accorder les aides éventuelles.

Ce qui me tracasse dans cette histoire, c’est l’utilisation me semblant  abusive  que nous faisons parfois de cette fameuse MDPH d’où l’intitulé provocant : MDPH = fabrique à handicaps.
Je m’explique, quoique, peut-être que le Dr Knock le ferait mieux que moi : « Que voulez-vous, cela se fait un peu malgré moi. Dès que je suis en présence de quelqu'un, je ne puis m'empêcher qu'un diagnostic s'ébauche en moi ».

De prime abord, il peut paraître difficilement envisageable de fabriquer du handicap là où il n’y en a pas. Je le conçois. Rappelons-nous cependant que, à la manière du Dr Knock, nous avons la fâcheuse tendance médecins ou non, à trop fréquemment établir un rapide raccourci entre un symptôme et une maladie, à considérer un simple facteur de risque comme une pathologie à traiter sur le champ. Sans oublier les faux positifs, ces patients que des examens revenus positifs font passer du côté des malades alors qu’ils sont sains. Nous avons donc ici tous les ingrédients pour nous aider à comprendre comment nous fabriquons des malades. Est-il donc si inimaginable d’envisager que nous fabriquons parfois du handicap là où il n’y en a pas forcément ? Ou plutôt la symptomatologie handicapante présentée par certains patients relève-t-elle toujours du champ du handicap et d’une orientation vers la MDPH ? Une telle orientation ne peut-elle pas être contre-productive et entraîner des effets indésirables ?

Illustration avec le jeune Bogdan, petit fripon perturbateur et perturbant. Bogdan est né un trente et un décembre et est scolarisé en moyenne section de maternelle. Il s’agit de sa première année d’école car sa mère ne l’avait pas inscrit en petite section. Bogdan ne parle pas, ou peu, ou très mal, on ne le comprend pas. Par contre il a de la voix. D’après l’enseignante, il ne tient pas en place plus de deux minutes, n’écoute rien, et surtout il tape fréquemment ses petits camarades ce que l’on qualifie en général de trouble du comportement. L’institutrice a tenté de dialoguer avec la mère de Bogdan mais elle est très fuyante. Elle a tenté de faire appel à la psychologue  scolaire mais elle est débordée et a tellement à faire avec les plus grands. Elle aurait aimé consacrer un peu plus de temps à Bogdan et en petits groupes, faire appel à un enseignant spécialisé du Réseau d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficultés, mais le poste a été supprimé. L’enseignante a fait ce qu’elle a pu avec les moyens et les connaissances qu’elle possède mais elle n’en peut plus, elle craque. Bogdan perdu au milieu de cette trentaine d’élèves la rend folle. Alors comme la maman ne travaille pas et que Bogdan est infernal, on lui demande de garder son fils à la maison l’après-midi, une matinée d’école, c’est déjà bien trop long, pour lui, pour les autres, pour l’enseignante. Ainsi, Bogdan pourra « enfin » aller chez l’orthophoniste et « surtout » consulter un pédopsychiatre d’ici six à huit mois car c’est évident, Bogdan est autiste, ou hyperactif, ou dys-quelque chose. L’école, la société, le journal télévisé, la voisine, le cousin de la tante, le médecin démuni, la pression de toute part, même si cela est prématuré, les diagnostics pleuvent dans tous les sens. Le sens, chercher le bon sens. D’ailleurs, en grattant un peu, on apprend qu’un pédopsychiatre a été consulté l’année passée. Le spécialiste évoquait un trouble du développement, avec un retard de langage et des difficultés relationnelles importantes avec ses pairs ainsi que les adultes. Cet enfant nécessite des soins de façon incontournable. Il n’y a pas de fumée sans feu, Bogdan n’est pas normal. Difficultés relationnelles importantes, soins de façon incontournable, soins donc pathologie, on ne soigne que des malades, donc Bogdan est malade, il a un handicap. On a suffisamment d’éléments pour « monter » un dossier MDPH, demander une Auxiliaire de Vie Scolaire, ainsi l’enseignante ne sera plus seule et un adulte dédié aidera Bogdan à l’école. Voilà la solution, il faut MDPHiser Bogdan. D’autant que la grande section arrive à grands pas, qu’il n’a absolument pas le niveau, et que pour envisager un maintien (un redoublement), il faut apparemment passer par la case MDPH. L’incapacité à suivre une scolarité normale dès la maternelle équivaut donc à être dans le champ de la déficience, du handicap, point barre.

Voilà ce qui me tracasse. Je reconnais que les symptômes présentés par Bogdan peuvent engendrer du handicap mais cela ne veut pas forcément dire qu’il est handicapé et qu’il nécessite une MDPHisation même s’il faut bien admettre que tout est organisé dans notre société pour qu’elle représente la seule voie possible.

Imaginons que Bogdan soit né un jour plus tard soit le premier janvier. Il aurait quasiment le même âge mais serait scolarisé non pas en moyenne mais en petite section. Premiers pas dans la vie en collectivité, petite section de maternelle, la grille de lecture de la société sur Bogdan serait peut-être légèrement différente même si cela n’explique évidemment pas tout, loin de là. En admettant justement que des troubles relationnels, un retard de langage, des troubles du comportement puissent parfois trouver leur origine ailleurs que dans la déficience, la pathologie somatique ou psychique, l’artillerie MDPH serait peut-être dégainée moins rapidement.

Dans la vraie vie, Bogdan a pu bénéficier d’orthophonie, de soutien psychologique, de professionnels bienveillants et patients au sein de l’éducation nationale où tout a été fait pour freiner des deux pieds afin d’éviter sa MDPHisation. Quelques années plus tard, Bogdan s’exprime parfaitement bien, c’est un garçon calme et posé, un des meilleurs de sa classe de CE2. Il n’a plus besoin d’orthophonie et fait partie d’une équipe de sport collectif. Ses difficultés relationnelles importantes avec ses pairs ainsi que les adultes semblent donc s’être grandement estompées. Le handicap semble s’être volatilisé.

A partir du moment où il a été protégé des violences que sa maman subissait et de celles qu’il devait subir lui-même de temps à autres, il a investi le langage, la relation à l’autre, il s’est posé, il a fleuri. Je ne suis pas spécialiste de la question mais sans être pédopsychiatre ni « psycho traumatologue », on peut aisément imaginer qu’un jeune enfant normalement en pleine phase de construction présente quelques difficultés lorsqu’il est quotidiennement baigné dans un climat de violences. Ces difficultés se présentant sous la forme de symptômes que l’on retrouve également dans certaines pathologies relevant effectivement du champ du handicap donc de la MDPH.

Que les choses soient claires, je ne cherche pas ici à critiquer telle ou telle institution, l’éducation nationale, la MDPH, la pédopsychiatrie ou je ne sais quoi encore. Je m’interroge simplement sur ce que nous adultes, de notre place d’enseignant, de parent, de médecin, de soignant, de citoyen faisons parfois face à certaines situations compliquées en étant persuadés que c’est le mieux, alors que nous nous engluons encore plus dans les failles de nos organisations et dans les limites de nos schémas de pensées.
 
Comme il y a des faux positifs avec certains examens, donc des malades en parfaite santé, des cancéreux sans cancer, des hypercholestérolémiques considérés comme malades donc traités alors qu’ils ne risquent rien, des prostatectomies-mastectomies-appendicectomies-chimiothérapies évitables et bien d’autres exemples pourraient suivre, je pense ne pas trop m’avancer en affirmant qu’il y a certainement des personnes MDPHisées alors qu’elles ne relèvent pas du champ du handicap. Cela me tracasse car ces personnes enfermées dans un diagnostic scellé à jamais ne sont-elles pas plus desservies qu’autre chose ? Autrement dit où en serait notre petit Bogdan s’il avait été MDPHisé à tort, orienté dans un institut spécialisé et considéré par son entourage familial comme une personne handicapée ? Aurait-il fleuri ?

Et cela me tracasse également pour toutes ces personnes véritablement handicapées pour lesquelles des délais d’instruction de dossier au sein des MDPH comme les délais d’obtention des aides ou de places en institutions spécialisées sont tout sauf humains, peut-être justement en partie du fait de cette MDPHisation à outrance ? Je pense à ces enfants autistes ayant véritablement besoin d’AVS mais qui restent parfois une année entière à l’école maternelle de leur quartier sans aucune aide.

L’école, ce lieu de paradoxes qui se doit d’accueillir toute l’hétérogénéité du handicap en même temps qu’elle vient participer à surcharger les maisons du handicap en y orientant tout enfant désorienté. Certaines scolarisations dites « inclusions » qui, sans accompagnement adéquat, peuvent parfois mener à s’interroger sur leur pertinence. Un tel propos peut heurter mais en toute franchise, ne donnons-nous pas face à certaines situations complexes de faux espoirs aux parents ? Ne devenons-nous pas maltraitants à la fois envers certains enfants et leurs enseignants ?

L’école, alors qu’on ne lui fournit pas toujours les moyens indispensables à l’accueil du handicap ni les outils de compréhension des autres souffrances, devient dans le même temps ce lieu de pression pour les enfants n’entrant pas dans le moule scolaire. Alors on tente de les faire entrer dans celui de la MDPH, phénomène qui participe à l’embolisation des circuits, à l’allongement des délais d’instruction donc des décisions d’attribution d’aides pour les enfants qui le nécessitent réellement. C’est l’effet boomerang.

Politiquement, la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est belle, mais onze ans après, en pratique où en sommes-nous ?

MDPH : fabrique à handicaps ? J’ose espérer que le propos est suffisamment clair pour comprendre qu’il ne s’agit pas ici de tirer à boulets rouges sur la MDPH. Mais de se questionner sur l’utilisation qui est faite de ce dispositif dans lequel nous médecins avons notre part de responsabilités. N’est-ce pas notre rôle de filtrer et de MDPHiser à bon escient ? N’est-ce pas en partie à nous de faire en sorte d’user finement des bons leviers parmi les différents déterminants de santé ? Quant à nos décideurs, la MDPH noyée sous les dossiers ne représente-t-elle pas ce bel alibi politique leur permettant de se défiler face à la nécessité de repenser l’école ou encore la façon de prendre en charge une partie des difficultés éducatives, sociales et familiales des uns et des autres ? A terme, la MDPHisation quasi systématique peut-elle réellement être la réponse adéquate ?


PS : le verbe « tracasser » est utilisé à plusieurs reprises dans ce billet pour son côté très modéré. En réalité, il peut être remplacé par « scandaliser ».

7 commentaires:

  1. Oui, moi aussi je me pose des questions, ceci-dit, j'ai décidé de passer par la case MDPH, je m'en explique ici : https://blogdemelilotus.wordpress.com/2014/01/20/travailleuse-handicapee/ Merci pour votre éclairage.

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    1. Bonjour et merci pour votre partage d'expérience, je vous laisse un commentaire sur votre billet.

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  2. Bonjour,
    Le problème posé dans ce post est important et méconnu. Peu de personnes se posent ces questions.
    Pourtant c’est une problématique qui gagne en importance. Je donne un exemple que je connais, celui du département du Rhône. Depuis 2005 la MDPH du Rhône est passée de 8000 dossiers traités dans le secteur enfants à 30 000. Les chiffres ont pratiquement été multipliés par 4. Cela pour une population scolaire, de la maternelle à la fin du second degré d’environ 300 000 élèves, soit 10% des élèves qui font appel à la MDPH chaque année. Pour environ 40% il s’agit de demandes d’orientation et pour environ 20% de demandes d’AVS (les fameuses auxiliaires de vie scolaire).
    Deux mots sur l’évolution de la notion de handicap, pour mettre les choses en contexte. On est passé de la notion d’infirmité jusqu’au milieu du vingtième siècle, où l’individu handicapé était stigmatisé, livré à son sort et ne pouvait compter que sur la charité publique, à une certaine confusion entre le handicap et le vice où le handicap était une sorte de tare à redresser, mais déjà une certaine prise en charge par l’Etat au milieu du vingtième siècle, puis à une reconnaissance du statut de handicapé et à une obligation de prise en charge par la collectivité à partir de la première loi sur le handicap en France qui ne date que de 1975.
    Deux approches du handicap se sont opposées et s’opposent. L’une privilégie l’aspect individuel et médical : le handicap est un attribut de l’individu, dont il peut être éventuellement rendu responsable. L’autre est l’approche sociale et environnementale, où l’origine du handicap est sociale et où la responsabilité de la prise en charge du handicap est prise par la collectivité qui doit veiller à l’intégration de la personne handicapée.
    Avec l’évolution de la société et sous la pression des associations c’est plutôt la dernière approche qui a été privilégiée dans la loi du 11 février 2005. On s’est alors mis à parler de « situation de handicap » plutôt que de handicap. Pour un enfant, il sera comparé à un enfant du même âge, afin de déterminer s’il se trouve en situation de handicap et si une compensation est légitime.
    Il faut se rappeler de la définition du handicap dans la loi de 2005 : » Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. »
    ...

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  3. Il ne s’agit plus seulement d’altération physique mais d’altération d’une fonction et celle-ci peut être durable sans être définitive. La restriction de la participation à la vie en société qui en résulte est également prise en compte.
    Cette loi a coïncidé dans le temps avec deux phénomènes : l’apparition puis l’explosion des diagnostics de troubles de type « dys », à partir de fin des années 90 début 2000, et aussi une certaine perte de repères au niveau parentale, reconnue par les pédopsychiatres, qui ont vu affluer dans leurs cabinets des enfants ingérables de plus en plus jeunes.
    La MDPH permet donc aux enfants, en fonction du taux d’invalidité qui leur est reconnu et qui les fait entrer dans le champ du handicap, et aussi en fonction d’autres critères, un accès à des compensations, qui peuvent aller de l’orientation dans des dispositifs spécialisés type ULIS ou des établissements spécialisés, à du matériel pédagogique comme des ordinateurs et aussi à l’assistance d’une personne dans le milieu scolaire ordinaire. Cette dernière peut aussi bien avoir pour mission de favoriser l’intégration de l’élève que ses apprentissages.
    Paradoxalement, alors que la loi de 2005 a adopté une vision plutôt environnementaliste et sociale, les certificats médicaux sont devenus systématiquement exigibles pour faire entrer un enfant dans le champ du handicap.
    Je pense qu’il s’est agi, pour le législateur, d’encadrer la reconnaissance du handicap, pour, tout simplement limiter les demandes et les dépenses générées.
    Mais globalement, bien que la demande des associations sur l’intégration des enfants handicapés à l’école ait été satisfaite, le marché s’est avéré en partie un marché de dupes. Parce qu’en effet la montée en puissance de la MDPH s’est accompagnée d’une réduction drastique des subventions et budgets destinés aux dispositifs de prise en charge, aux associations et aux établissements qui participaient à la prise en charge de ces enfants.
    D’un point de vue plus pratique, pour les jeunes enfants, la MDPHisation des enfants dépend du degré de tolérance et de la capacité de prise en charge des enfants « différents » dans chaque école . Cette tolérance est généralement plus faible dans les secteurs plus favorisés, où les attentes sont fortes vis-à-vis des enfants et où les enfants sont souvent préformatés par les parents pour leur rôle d’élève. L’âge est généralement pris en compte dans l’évaluation du comportement, surtout en petite section. Il faut savoir aussi que si le certificat médical est demandé, pour les jeunes enfants, la MDPH n’exige pas de diagnostic. Un problème important de comportement, par exemple, peut suffire à déclencher des aides.

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  4. Et il faut se rappeler que, contrairement à la représentation qu’on en a généralement, on peut entrer dans le champ du handicap et en sortir, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants. Les compensations qui résultent de la reconnaissance du handicap peuvent être accordées pour une, deux ou trois années.
    Concrètement, alors que l’objectif de la loi était l’intégration des enfants handicapés, son rôle réel s’est élargi progressivement pour répondre à d’autres demandes émanant des parents et de l’école.
    Une large majorité des demandes concernent des difficultés d’apprentissage et des difficultés de comportement.
    Ayant participé aux équipes pluridisciplinaires je pourrais schématiser pour dire que pour les enfants de maternelle les demandes qui prédominent sont initiées par les enseignants qui recherchent de l’aide pour des enfants présentant des problèmes de comportement ou des retards importants dans les apprentissages. Il s’agit pour eux d’arriver à gérer ces enfants, mais le niveau de tolérance, comme je le disais, est très variable d’un secteur à l’autre. Dans le secteur où je travaille il y a souvent 3 ou 4 Bogdan par classe et la tolérance est plus grande, même si dans la réalité ces classes sont bien plus difficiles à gérer que des classes sur d’autres secteurs.
    A partir du CP les demandes concernent en très grande majorité des troubles de type dys. Et elles émanent des parents. Il y a plusieurs raisons à cela. Les enfants qui avaient des difficultés massives ont souvent été orientés en CLIS, ou en IME à ce moment là. En CP, l’enfant commence à être évalué d’après ses performances scolaires et sa capacité à suivre les programmes scolaires. Etant donné l’ambiance de compétition qui règne dans les écoles et la sélectivité du parcours scolaire, la scolarité étant en grande partie organisée pour sélectionner les « meilleurs « élèves, les difficultés apparaissent et peuvent être très mal tolérées par les parents, d’autant plus qu’ils ont des attentes fortes vis-à-vis de leurs enfants.
    Attester d’un trouble de type « dys » devient alors un moyen pour les parents de contourner la dureté de la sélections scolaire et on voit des enfants qui ont subi une incroyable batterie de tests visant à affirmer un diagnostic de type dys, alors que les difficutlés à l’école n’apparaissent pas clairement.
    Que les demandes soient légitimes ou non, l’espoir des parents est d’obtenir ainsi une compensation qui donne à leur enfant un avantage relatif dans la compétition scolaire.
    Encore une fois, ce sont les parents les mieux informés, ceux qui ont des relations et savent monter ces dossiers complexes qui s’en sortent le mieux.
    En tant que médecin, j’utilise ce système de la manière la plus pragmatique possible. Pour permettre à des enfants qui sont en difficultés de fonctionner au mieux avec l’ école et de passer un cap, si besoin.
    Tout cela montre qu’il existe une sorte de label qui légitime les demandes et les attentes et qu’il faut en passer par la médecine et par la médicalisation pour l’obtenir. Pourtant, très clairement, après un certain nombre d’années d’expérience dans différents secteurs, je constate que le handicap de loin le plus fréquent et qui est la source de souffrance et d’inadaptation scolaire la plus fréquente est le handicap social.

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  6. Merci pour ce billet portant sur un sujet méconnu qui ne cesse d'interroger
    d'un point de vue éthique. Je suis enseignant spécialisé, engagé dans
    la "cause" des personnes déclarées comme handicapées et je m'interroge
    également sur le sens de notre "bienveillance".
    Le handicap convoque systématiquement des représentations (rarement
    positives) que le langage est inapte à définir une bonne fois pour toute.
    Il faut convenir que la question du handicap est consubstantielle à
    l'humanité et ne comporte aucun aspect objectif. Je ne parle pas ici de
    diagnostic médical portant sur des déficiences, des pathologies
    invalidantes ou des anomalies génétiques, je parle du traitement social du
    handicap qui se joue sur un position subjective (de la place du sujet).
    Bref, je pense qu'il est temps de sortir le handicap du champ de la santé
    et de l'intégrer dans le champ du social.
    Pour préciser les concepts, j'ai commis un billet sur mon blog : "Peut-on
    définir le handicap ? Essai pour tenter de cerner l'indiscernable"
    http://fabien.darne.free.fr/blog/?p=122

    Merci
    Fabien

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