1946,
lendemain de la seconde guerre mondiale, une définition de la santé
sort des entrailles de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) :
« La
santé est un état de complet bien-être physique, mental et social,
et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou
d’infirmité. »
Une
fois cela défini, tentons d’aller plus loin en dégageant de façon
peut-être un peu simpliste les points essentiels pouvant influer sur
cette santé. Ce que l’on appelle les déterminants de santé.
Nous
allons illustrer de quelques réflexions et caricatures chaque
déterminant, histoire de rendre le propos le plus compréhensible
possible.
La
biologie humaine :
Certains
peuvent mettre Dieu, Allah, un autre, ou personne là au milieu,
c’est au choix. Chacun peut s’approprier le sujet comme il
l’entend. Du moment que ça n’embête personne… Mais
grosso modo, avec un patrimoine génétique nickel-chrome, des
organes fonctionnant de façon optimale (physiologie), et en
vieillissant le plus tard possible, on devrait pouvoir s’en tirer.
Le système
de soins :
Il peut être simplifié en le divisant en trois
domaines :
-La
prévention : éviter la survenue d’un problème de santé.
Exemple : avec tel médicament, tel vaccin, je vais vous éviter
tel problème !
-Le
curatif : on ne vous a pas évité la survenue d’un problème
de santé, alors on va vous soigner voire tenter de vous guérir !
-La
réadaptation : on ne vous a pas guéri, mais on va tenter de
vous réadapter avec votre problème de santé !
Les comportements :
-Les modes
de consommation : Boire comme un trou, fumer comme un pompier,
le tout en s’extasiant devant les Anges de la téléréalité du
matin au soir peut entamer sérieusement votre capital santé.
-Les loisirs :
Le base-jump peut s’avérer relativement plus dangereux que la
pétanque ou le tricot.
-Les facteurs
professionnels : par exemple, n’étant notamment pas exposé
aux mêmes risques, un homme cadre de 35 ans peut espérer vivre en
moyenne 6 ans de plus qu’un homme ouvrier.
L'environnement :
On peut aisément imaginer qu’un enfant en pleine forme avec un
patrimoine génétique sans faille peut vivre dans un environnement
physique, social et psychologique peu favorable comme ici :
Ou
encore là :
Faisons
désormais abstraction de ces deux dernières photos pour imaginer la
santé dans un pays riche, en paix, doté d’un système de santé
convenablement organisé. Voici grosso modo le niveau de contribution
de chaque déterminant de santé dans la diminution de la mortalité.
Interpellant
n’est-ce pas ?
Intéressons-nous
désormais au budget santé consacré à chaque déterminant.
Encore
plus interpellant non ?
Peut-être que ci-dessous, c’est plus
explicite :
Pour
ceux qui préfèrent la prose aux graphiques, on peut dire que 90 %
des dépenses de santé seraient affectés au système de soins qui
contribuerait pour 11% à la diminution de la mortalité pendant que
1,5 % de ces dépenses seraient affectés aux comportements (modes de consommations,
facteurs professionnels, loisirs) qui eux contribueraient
pour 43 % à la baisse de la mortalité.
Questionnant
non ?
On a souvent envie de lier très étroitement la santé et
la médecine. Logique. Mais on dirait que la médecine n’est
finalement qu’un petit maillon de la chaîne contribuant à la
bonne santé ou à l’amélioration de la santé.
Petit
exemple avec une situation concrète pour illustrer le propos :
regard historique sur la tuberculose :
Cette
courbe est tirée du livre intitulé The role of Medicine de Thomas
McKeown dont je vous invite à lire des extraits traduits sur le très
bon blog d’un vieux jeune étudiant en médecine dans son billet : A quoi sert la médecine ?
Sur
cette courbe, on voit que :
-le
germe de la tuberculose est identifié dans les années 1880
-des
traitements antibiotiques (chimiothérapie) pour lutter contre la
maladie apparaissent dans les années 1950 : système de soins
curatifs
-la
vaccination pour éviter la survenue de la maladie suit quelques
années après : système de soins préventifs.
Mais
on se rend surtout compte que bien avant cela, la mortalité avait
déjà largement diminué. On peut donc imaginer que d’autres
éléments tout autant déterminants ont contribué à cette baisse.
Il
ne s’agit pas là de décrédibiliser la médecine, je suis
médecin, et j’ai l’impression que la médecine est utile et
nécessaire. Néanmoins, ne peut-on pas se poser quelques questions ?
La
question de : l’illusion de la toute-puissance médicale ?
La
question de : un problème de santé = un médicament ?
(curatif)
La
question de : éviter un problème de santé = un médicament ou
un vaccin ? (préventif)
La
question de santé et business ?
La
question de l’influence de l’industrie pharmaceutique sur
patients, médecins, et politiques ?
Rien
n’est plus rassurant pour le patient, grisant pour le médecin,
rentable pour Big Pharma que de se laisser bercer par l’illusion de
cette toute-puissance.
Petit
exemple caricatural, quoique :
Je suis médecin et je reçois
l’information qu’avec le médicament M je vais permettre à mon
patient P de diminuer de 50 % son risque d’avoir tel problème de
santé. Rien de mieux que la prévention. Je reçois mon patient P,
je lui annonce la bonne nouvelle : « Mr P, avec ce nouveau
médicament totalement innovant M que je me propose de vous prescrire
sur le champ, vous allez voir votre risque de choper tel problème de
santé diminué de 50 % ! ». Mr P qui a toute confiance en
moi, le docteur qui a fait plein d’études et qui sait tout, repart
tout guilleret, persuadé qu’avec le médicament M qu’il va
avaler tous les matins pendant X années, il a peu de risque d’être
embêter par ce fameux problème de santé qu’il n’a pas et dont
il n’avait jamais entendu parler jusqu’alors.
Bien.
Mais si je prends un peu de temps et que je vais fouiller ce qui est
écrit sur le médicament M, j’apprends que dans la population
générale non traitée, 2 personnes sur 1000 présenteront ce problème de santé, alors que sur 1000 personnes
traitées, une seule d'entre elles se retrouvera avec ce problème. On ne m’a
donc pas menti et je n’ai pas menti à mon patient P, le risque est
divisé par 2. Par contre, personne ne m’a dit, et je ne l'ai donc pas dit à mon patient, et personne n'a dit aux 998 personnes qui prendront le médicament M plutôt coûteux pour rien, que le risque d’effets plus
qu’indésirables est relativement élevé… Je lui ai donc
prescrit un médicament contre un problème de santé qui n’en est
peut-être pas un tant que ça et qu’il avait peu de risque de
rencontrer en lui faisant en revanche courir un risque non
négligeable d’effets indésirables vraiment très indésirables
voire tout à fait emmerdants… Et peut-être même qu’en prenant
du temps avec mon patient P, j’aurais pu échanger sur son mode de
vie et lui conseiller de modifier tel comportement qui influerait
beaucoup plus et pour pas un rond sur la survenue éventuelle de ce
fameux problème de santé… L’illusion de la toute-puissance
médicale pour le plus grand bénéfice de l’industrie
pharmaceutique ?
Continuons
encore un peu sur l’organisation du système de santé.
Voilà
les chiffres 2014 des dépenses de l'assurance maladie :
Donc
en gros l’hôpital coûte cher.
Voilà
maintenant ce qu’on appelle le carré de White :
On
peut utiliser ces chiffres et ces données comme on le souhaite,
s’enorgueillir ou se taper sur la gueule. Mais voilà ce que je
peux modestement en dire.
Pour
avoir été formé comme tout médecin surtout en CHU où l’on est
confronté à des pathologies loin d’être représentatives de ce
que l’on rencontre en médecine ambulatoire. Et pour y avoir remis
les pieds quelques temps pour y exercer mon métier, je dois bien
reconnaître qu’on peut y observer quelques abus et que des choses
pourraient sûrement être améliorées, mais probablement ni plus ni
moins qu’ailleurs.
En revanche, ce que je peux affirmer, c’est que si un jour je me retrouvais du côté des patients, je serais plus que très heureux d’avoir un médecin généraliste correctement formé pour exercer son métier afin qu’il m’informe, me prescrive investigations et/ou thérapies pertinentes en toute indépendance. Et que si par malheur il me trouvait une pathologie plutôt grave nécessitant d’autres investigations ainsi que des traitements coûteux, je serais bien désolé pour les finances de la société d’être ce petit carré rouge adressé au CHU. Mais quelle chance j’aurais de bénéficier de soins cohérents prodigués par des médecins hospitaliers au top dans leur domaine, en parfaite coordination avec mon médecin traitant avec qui ils discuteraient de l’intérêt ou non de tel ou tel traitement, en m'informant clairement que tel produit extrêmement mal toléré ne me fera gagner que quelques jours de vie au prix d'énormes sacrifices, et qu'ainsi, nous prendrons ensemble la décision de poursuivre ou non sur ce chemin, bien éloigné de la toute-puissance ! Je crois que sans grande illusion, cela serait en partie déterminant pour ma santé…
En revanche, ce que je peux affirmer, c’est que si un jour je me retrouvais du côté des patients, je serais plus que très heureux d’avoir un médecin généraliste correctement formé pour exercer son métier afin qu’il m’informe, me prescrive investigations et/ou thérapies pertinentes en toute indépendance. Et que si par malheur il me trouvait une pathologie plutôt grave nécessitant d’autres investigations ainsi que des traitements coûteux, je serais bien désolé pour les finances de la société d’être ce petit carré rouge adressé au CHU. Mais quelle chance j’aurais de bénéficier de soins cohérents prodigués par des médecins hospitaliers au top dans leur domaine, en parfaite coordination avec mon médecin traitant avec qui ils discuteraient de l’intérêt ou non de tel ou tel traitement, en m'informant clairement que tel produit extrêmement mal toléré ne me fera gagner que quelques jours de vie au prix d'énormes sacrifices, et qu'ainsi, nous prendrons ensemble la décision de poursuivre ou non sur ce chemin, bien éloigné de la toute-puissance ! Je crois que sans grande illusion, cela serait en partie déterminant pour ma santé…
Le schéma sur les déterminants de santé ainsi que les graphiques représentant la contribution des déterminants à la baisse de la mortalité et les dépenses affectées sont inspirés de "An Epidemiological Model for Health Policy Analysis " G.E.Alan DEVER, Social Indicators Research, 1976.